Rares sont ceux qui, après un échec cuisant, parviennent à rebondir jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir économique. Tidjane Thiam, lui, en a fait une marque de fabrique.
Né à Abidjan, en Côte d’Ivoire, il grandit dans un contexte difficile. Son père, ministre et figure politique influente, est emprisonné alors que Tidjane n’a que neuf mois. L’instabilité et l’incertitude marquent son enfance.
Comme beaucoup d’enfants, il rechigne à aller à l’école. Mais un jour, tout bascule.
Lors d’une audience présidentielle, un message retentit comme une mise en garde :
“L’ère des princes paresseux est révolue.”
Un électrochoc. Tidjane comprend que son avenir dépendra uniquement de lui.Dès lors, il se plonge dans les études avec une rigueur qui ne le quittera plus.
À 15 ans, il décroche la meilleure note nationale au baccalauréat.
À 19 ans, il devient le premier Ivoirien admis à l’École Polytechnique en France.
À 22 ans, il termine major de sa promotion aux Mines Paris – PSL.
Un parcours exemplaire. Une trajectoire qui semble toute tracée.
Pourtant, à son entrée sur le marché du travail, il se heurte à un mur. Malgré ses diplômes prestigieux, aucune entreprise française ne lui ouvre ses portes.
Les recruteurs hésitent. Silences gênés, lettres de refus, promesses non tenues… Il comprend vite que son avenir se jouera ailleurs.
C’est du côté des firmes anglophones qu’il trouve sa première opportunité. McKinsey & Company, cabinet de conseil renommé, lui fait confiance. Il y fait ses armes et se forge une réputation d’excellence.C’est alors qu’un appel inattendu change le cours de sa vie.
Le président ivoirien lui demande de revenir en Côte d’Ivoire pour diriger une agence publique stratégique.Un choix s’impose : rester dans la finance internationale ou rentrer aider son pays. Il choisit la seconde option.
Un retour au pays… et une chute brutale
De retour en Côte d’Ivoire, il découvre une administration inefficace, une méfiance des investisseurs et une économie fragile.Il décide de remettre de l’ordre, remplaçant les expatriés par des talents locaux, instaurant de nouvelles méthodes de gestion et restaurant la confiance des bailleurs internationaux.Ses résultats sont remarqués. En 1998, il est nommé Ministre du Plan.
Mais derrière les réformes, la tension politique monte. Il voit venir l’instabilité et alerte sur un coup d’État imminent.
Personne ne l’écoute.
Le 24 décembre 1999, l’armée prend le pouvoir. Son monde s’écroule.
À 37 ans, Tidjane Thiam est chômeur, avec une famille à charge. Tout ce qu’il avait construit s’effondre du jour au lendemain.
Repartir de zéro pour mieux rebondir
Loin de se laisser abattre, il prend un billet pour Londres et retourne chez McKinsey & Company. À partir de là, tout s’accélère. En 2002, il rejoint Aviva Londres, puis Aviva Europe.En 2009, il devient PDG de Prudential plc, première entreprise du FTSE 100 dirigée par un Noir.En 2015, il est recruté par Credit Suisse.
L’annonce de son arrivée fait bondir l’action de 7,5 %, générant un gain de 3 milliards de dollars pour la banque.
Sa mission est claire : redresser une institution en difficulté. Il coupe les coûts, restructure les activités et ramène la rentabilité.Cinq ans plus tard, mission accomplie.
Un nouvel envol
En 2020, il quitte Credit Suisse et lance sa propre structure, Freedom Acquisition Corp.En quelques mois, il lève 345 millions de dollars en IPO à Wall Street et fusionne avec une entreprise solaire valorisée à 888 millions de dollars.Aujourd’hui, il siège au Comité International Olympique (CIO) et continue d’influencer la finance mondiale.
L’histoire d’une résilience absolue
Le parcours de Tidjane Thiam est plus qu’une success story : c’est une leçon de ténacité.Refusé en France, il a conquis Wall Street. Évincé du gouvernement, il est devenu PDG d’une banque de 1,5 trillion de dollars. Chômeur à 37 ans, il est aujourd’hui un acteur incontournable de la finance internationale. Son histoire nous rappelle une vérité essentielle : les échecs ne sont jamais une fin, mais le début d’une nouvelle opportunité.