mercredi, janvier 15, 2025

Ibrahima Sissoko : Petit Prince de la Finance à la sauce Tech

0 commentaire

Présent au CES de Las Vegas 2025, Ibrahima Sissoko – réputé pour sa discrétion – mène un combat : mettre l’innovation au service du bien commun, tout en développant des stratégies financières novatrices pour privilégier la durabilité des projets. Son objectif : que les jeunes pousses deviennent vertueuses et créatrices d’emplois.

Vous avez cofondé Hilt Technology Engineering en 2016. Durant les premières années, vous étiez très axé sur la technologie avant de développer un intérêt profond pour la finance, afin de la mettre au service d’une économie industrialisée, en transition écologique, notamment avec Renew Tech. Vingt-quatre heures ne suffiraient pas pour décrire votre parcours…

Vous avez raison, il m’en faudrait vingt-cinq, si tant est que cela soit possible. (RIRE) Au passage, j’adresse mes vœux à vos lecteurs. Il est tôt au moment où nous échangeons à Las Vegas. Je commence mes journées vers 6 heures du matin en suivant les actualités économiques, en écoutant l’avis d’experts et en scrutant mon LinkedIn. J’ai été très vite saisi par les enjeux globaux autour de la technologie, qui étaient importants. Nous avions pris conscience de l’intérêt de créer des passerelles interconnectées entre les continents : l’Europe, l’Afrique, les Amériques, le Moyen-Orient. En tant que fondateur de Renew Tech, j’ai eu la chance de travailler sur des solutions technologiques durables qui allient innovation et impact social. Sans oublier NamX, où je suis associé dans un projet révolutionnaire qui ambitionne de transformer la mobilité grâce à l’hydrogène.

L’année dernière, les entreprises technologiques ont levé près de 368 milliards de dollars dans le monde, dont 45 milliards pour les États-Unis, 11 pour l’Europe, 60 pour l’Asie et 7 pour l’Afrique. Partout, on note une baisse de 5 à 7 % selon un rapport d’Atomico. Comment sentez-vous l’atmosphère au CES ? Un peu crispée ?

L’argent a toujours été le nerf de la guerre. Donc non, il n’y a pas de crispations particulières. Au contraire, je ressens une énergie incroyable. Le challenge était déjà présent en 2024, même avant, et il le sera tout autant en 2025. Derrière la réalité de ces chiffres se cachent des disparités. Quand vous êtes dans un écosystème où les entrepreneurs créent des interconnexions, parviennent à s’enrichir de connaissances, où les passerelles entre financiers et entrepreneurs se renforcent, cela bénéficie indubitablement à l’écosystème. Or, bien que les projets soient souvent prometteurs, la connexion « investisseur-entrepreneur » n’est pas fluide. Ô combien même si ces investisseurs furent également des entrepreneurs. J’ai donc décidé de me spécialiser dans cet espace pour accompagner les entrepreneurs dans leurs levées de fonds et leur stratégie financière, en explorant des outils comme les produits structurés et les financements alternatifs.

Selon vous, les acteurs financiers demeurent encore des acteurs incontournables. Mais avec qui travailler quand on est un entrepreneur ?

Ce sont aux entrepreneurs de se poser la question et de savoir avec qui ils veulent se faire accompagner. Entreprendre, c’est choisir. Entreprendre, c’est décider. Enfin, entreprendre, c’est assumer. Et je dirais même qu’aujourd’hui, entreprendre, c’est gouverner. Les marchés continuent toujours d’offrir d’innombrables opportunités pour les startups qui souhaitent passer à l’échelle. Chez NamX, nous avons utilisé des mécanismes innovants pour structurer notre financement, ce qui nous a permis de lancer notre projet hydrogène en toute confiance. Cependant, la méthode Coué n’existe pas. Une préparation rigoureuse et une étude sérieuse autour de produits structurés, de solutions alternatives, sont nécessaires.

Que sont les produits structurés ?

Ce sont des instruments financiers flexibles qui combinent plusieurs actifs, comme des actions, des obligations ou des dérivés, pour répondre à des objectifs spécifiques. Pour les startups, ils offrent plusieurs avantages :

  • Un accès indirect au marché : une startup peut structurer un produit adossé à son action ou à son activité, ce qui permet d’attirer des investisseurs qui recherchent une protection partielle du capital.
  • Des financements hybrides : les produits structurés peuvent inclure des obligations convertibles, qui permettent de lever des fonds tout en reportant la dilution du capital. C’est une solution particulièrement utile pour les fondateurs qui souhaitent conserver le contrôle de leur entreprise.
  • Une meilleure gestion du risque : ces instruments permettent de limiter les pertes potentielles pour les investisseurs tout en offrant des rendements attractifs si la startup atteint certains objectifs.

Pouvez-vous nous donner un cas précis, car cela semble assez abstrait ?

Une startup dans le domaine des énergies renouvelables que j’ai accompagnée a structuré un produit obligataire couplé à une protection contre la baisse de valorisation. Cela a permis de lever 3,5 millions d’euros en deux mois, tout en rassurant les investisseurs.

Et qu’en est-il des financements alternatifs ? Quelles solutions les startups peuvent-elles envisager ?

Les financements alternatifs regroupent des outils innovants qui complètent les solutions traditionnelles comme les levées de fonds en actions ou les obligations éthiques. Parmi eux : Vous avez les ICO (Initial Coin Offerings) 

Grâce à la blockchain, une startup peut lever des fonds directement auprès d’un large public, souvent sans passer par les intermédiaires traditionnels. Par exemple, Filecoin a levé 257 millions de dollars via une ICO . Ensuite, il y a le crowdfunding, ou financement participatif, qui permet de fédérer des communautés autour d’une cause. Ces plateformes jouent un rôle essentiel pour mobiliser des ressources tout en créant un engagement communautaire.

Le leasing opérationnel constitue également une option intéressante, particulièrement pour les startups ayant besoin d’équipements ou de machines. En évitant un investissement initial important, cette solution aide à préserver la trésorerie tout en permettant d’accéder à des outils nécessaires à leur activité. Enfin, les fonds spécialisés pour les startups à impact, gérés par des institutions, offrent un soutien spécifique aux entreprises ayant des projets à fort impact social ou environnemental.

Comment les startups peuvent-elles combiner ces outils pour optimiser leur financement ?

La clé est d’adopter une stratégie diversifiée et complémentaire. Une startup peut commencer par lever des fonds auprès de business angels ou via le capital-risque pour financer ses premières étapes de développement. Ensuite, elle peut utiliser des produits structurés comme les obligations convertibles pour lever davantage sans trop diluer son capital. À un stade plus avancé, elle peut envisager une entrée en bourse via une IPO ou une SPAC, ou encore compléter son financement par des ICO ou des solutions ESG. Chez Renew Tech, nous avons combiné une levée de fonds classique avec des obligations convertibles, tout en explorant des financements basés sur des critères ESG. Cette approche nous a permis d’atteindre nos objectifs financiers tout en renforçant notre crédibilité auprès des investisseurs.

Après plusieurs années dans l’écosystème, qu’observez-vous aujourd’hui ? Êtes-vous optimiste, bien que le climat soit parfois difficile ?

Les startups sont l’avenir de l’économie. Cependant, elles nécessitent une stratégie financière innovante. Nous devons accompagner ces entrepreneurs à structurer des solutions sur mesure, en combinant le meilleur des outils traditionnels et alternatifs. Que vous soyez une startup cherchant à lever des fonds ou un investisseur explorant des opportunités, je vous encourage à diversifier vos approches et à rester curieux face aux nouvelles tendances. Ensemble, nous pouvons bâtir un futur durable et prospère.