dimanche, septembre 1, 2024

Presse, un pari perdu (Par Adama Gaye)

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Au lieu de faire leur rédemption, pendant qu’il est encore temps, les voici qui chialent, encore et toujours, comme des baleines!

Les patronnes de presse du Sénégal, ou ce qui en tient lieu d’incarnation la plus vocale, sont donc remontées, hier, sur leurs grands chevaux pour vouloir convaincre le public et l’Etat, pourtant plus que dubitatifs sur leur argumentaire, que l’effacement de leur dette fiscale n’était rien moins qu’un droit quasi souverain voire divin.

En avançant qu’un Décret présidentiel signé par leur grand pote et parrain, Macky Sall, en catimini, non encore abrogé pour être changé par un autre, portant la griffe des nouvelles autorités, leur en donnait la garantie, c’est comme si ce collectif, frappé d’un hubris continu, avait pris le parti de donner des verges au fisc pour les bastonner légalement.

Il lui suffit simplement, sur la base de l’information fournie par ce patronat que l’Etat signe un nouveau Décret rétablissant son droit de leur réclamer le montant fiscal que l’acte, somme toute inéquitable au vu des sanctions fiscales sur d’autres corps de métier, voulait leur concéder, en échange, bien évidemment, de leur soutien à ses plans de destruction, à son profit, de la démocratie et de l’économie nationale, pour que les dirigeantes de la presse se retrouvent pris à leur propre piège.

De ce 18 mars 2024, quant le pays était totalement plongé dans une angoisse et une terreur généralisée, dans l’incertitude de la tenue de l’élection présidentielle, la seule vue du patronat de presse, à la présidence de la République, dans une rencontre pour le moins bizarroïde, au pied des escaliers menant vers le bureau de celui qui se prenait pour Jupiter Sall, et de former, avec lui, tout sourire, un collectif incongru, la cause était entendue.

Elle l’était aux yeux de quiconque daignait creuser pour savoir la nature adultérine que l’hôte du jour entretenait avec une presse à ses ordres, partie prenante de sa campagne de démolition des acquis démocratiques et des libertés au Sénégal pour se maintenir sur son piédestal, contre le vœu, exorbitant, du peuple.

L’évidence se voit, flagrante, sur cette photo ci-dessous. Comme au sortir d’un conclave anti-national, la messe semblait être dite, irrémédiablement. L’image est on-ne-peut plus parlante. On y voit, gonflées à bloc, un groupe ravi, presque incapable de masquer le coup fumant qu’il venait de réaliser.

La certitude qui s’en dégageait était celle de personnes qui trouvaient normal de recevoir des faveurs de l’Etat. En nature ou espèces. Que ce soit sous forme de terrains de première location, des dons financiers à dizaines voire centaines de millions, de se retrouver mariées à des dealers allaités par un Etat leur filant des marchés à dizaines voire centaines de milliards de francs CFA, comme Abdoulaye Sylla et d’autres faux capitaines d’industries (vraies prête-noms).

C’était un deal pour éteindre la démocratie. Et la presse y participait à cœur joie, moyennant cependant un soutien conséquent que ces businessmen ou women, tel Elimane Lam, étaient instruits à faire pour les amies du pouvoir dans la presse. Afin de les garder à flots, même si leur business model n’était plus viable, parce qu’il fallait leur faire jouer, en partition, une mission de défense du pouvoir criminel en place.

On pouvait deviner que la photo de famille n’était rien d’autre qu’une de complot contre le fisc et l’économie. De la haute trahison. Sans honte. Sans même avoir une once d’égards pour les laissés-pour-compte, c’est-à-dire la majorité d’un peuple n’ayant pas de quoi payer ses besoins primaires encore moins ses obligations fiscales.

Le groupe réuni, ce jour-là, eut le toupet de déclarer que Macky Sall venait de lui faire un don de 40 milliards représentant l’effacement de toutes ses dettes fiscales.
Comme si cela relevait d’une normalité banale. Comme si, cette presse, connue pour taper sur les délinquants fiscaux d’autres secteurs, ne réalisait pas l’incongruité à se faire pardonner une somme aussi folle, faramineuse, par un individu dont tout le monde savait sa détermination à user de toutes les voies pour s’accrocher au pouvoir, avec l’aide de n’importe quel acolyte, quitte à perpétrer, à leur intention, le saccage des fondements de la nation.

L’image de ce jour exprimait, comme jamais avant, la collusion entre la presse, ou ce qui en tenait lieu, et ce président au pouvoir publiquement honni. On se surprit naturellement à voir le film du rôle de la presse dans la dictature de Macky Sall en ce qu’elle avait fini par être habituée à faire la sale besogne pour son compte.
Comme si, en termes d’intérêts bien compris, elle avait conclu avec lui un deal toxique, destructeur de la nation et adversaire des avancées que celle-ci par des révoltes, violement réprimées dans le sang et les détentions arbitraires, voulait obtenir pour s’extirper de la pire tyrannie de toute son histoire.

Cette presse, ou certaines de ses membres les plus emblématiques, était payée pour agir en mercenaires de Macky Sall. Pour salir, diffamer, insulter, valider le césarisme qu’il imposait et les entreprises d’humiliation des citoyennes d’une nation devenues otages du tyran sanguinaire.

Cette presse avait envoyé le pire signal à qui voulait décrypter le message que portait la conclusion de cette audience auprès d’un Sall alors aux abois mais qui venait de se mettre sous sa botte, ou plutôt de l’y encastrer, une presse prête à toutes les compromissions, moyennant un nouveau cadeau de la part du Boucher de Dakar, celui qui tuait, torturait et terrorisait un pays soudain contraint à se taire sous ses méfaits. La presse s’alignait sur ses volontés.

En retour, ce jour-là, fatidique si l’issue avait été atteinte pour la démocratie Sénégalaise, il lui offrit la mère des cadeaux: l’annulation, sans qu’en discutent ni l’Assemblée nationale, ni les services des impôts ni encore la population pour laquelle le fisc est levé. En déclarant hier soir que sans un autre décret celui de Macky Sall, illégitime et illégal, s’appliquerait, son principal porte-voix, non content de menacer l’Etat « par toutes sortes d’actions » faisait montre d’une arrogance incompréhensible sans observer qu’il rappelait implicitement au pouvoir actuel les artifices à sa disposition pour rétablir l’impératif fiscal sur la presse.

Quel Sénégalais va s’en plaindre? Il suffit de lire les commentaires outrés des populations pour mesurer le fossé avec un patronat de presse qui ne semble pas reconnaître que le temps où il pouvait tout décrocher d’un leader, agissant à sa guise, quitte à le faire chanter, était révolu. Surtout que son objectif n’était que d’avoir le soutien aveugle de la presse dans son projet d’imposer son joug sur le cou du peuple Sénégalais, pour assassiner avec son aide, en d’autres termes, la démocratie nationale.

En ne mesurant pas les implications de sa collusion avec Macky Sall, plus illustrée que jamais par cette audience traitresse, le patronat de presse avait déjà prouvé à quel point il est hors sol, déconnecté d’un peuple qui lui en veut à mort d’avoir été l’un des acteurs, factices ou tactiques, les plus répugnants, des massacres commis par celui qu’il donnait l’air de suivre dans ses folies meurtrières, sanguinaires, économicides autant que démo raticides.

Par son affirmation que le Décret de Macky Sall, par la bande, à la hussarde, dans une stratégie d’évitement fiscal pour ne pas tomber dans le piège de l’évasion fiscale, devenait, de facto, une règle de droit, le patronat de presse se met, par ailleurs, dans une stature complotiste pour annihiler le bras du fisc. Qui va s’opposer à ce qu’un autre décret vienne, dès que possible, lui rappeler que ce que Macky Sall, avec son concours, avait posé, dans un acte, non pas d’aide à la presse, mais d’écrasement de la démocratie, ne peut plus tenir et qu’un autre acte régalien allait lui retirer toute légalité?

Vivre sur les mamelles flasques d’un Etat-providence pour les alliées à l’entreprise de démolition de la démocratie afin que le Boucher de Dakar puisse perdurer, ce fut une belle aventure, mais elle ne peut plus tenir. En particulier parce que la presse n’apparait plus que comme un corps inutile, étranger au rêve de redressement national, et que son business model, que son patronat refuse de revoir, n’est plus ni opératoire ni viable.
Qui s’informe dans des organes de presse plus portés à nous entretenir de faits divers crétinisants, de sang, de sexe et de superficialités politiciennes, ignorant tant de grands sujets et enjeux fondamentaux?

Qui l’a vue mener des enquêtes sur les escadrons de la mort, les marchands des armes, la razzia sur le building administratif, les centaines de milliards détournés du fonds Covid, la privatisation, au profit des pontes du pouvoir autocratique, des bâtiments publics les plus précieux, le saccage par le gang de Lansana Gagny Sakho des financements pour lutter contre les inondations, le terrain de 120 kms2 offerts illégalement à Mohamed Kawar, le scandale du foncier urbain et rural, la corruption et la concussion des juges, y compris à l’échelle la plus élevée de la justice, pour ne citer que ces exemples d’une presse qui désocialise, en détruisant ses neurones, le peuple qu’elle est censée informer, pour ne pas dire éduquer par un apport qualitatif dans la distribution de l’information? Pas une ligne d’enquête non plus consacrée au scandale des bracelets électroniques, surfacturés de 300 millions à 3 milliards Cfa, avec l’active implication du Ministère de la Justice (sous le dealers hip de Malick Sall et, qui sait, rires, l’intercession d’Aissata Tall Sall puisque ce marché crapuleux est revenu à son gendre, Gora Guèye!).

Charité bien ordonné commençant par soi-même, qu’il me soit permis aussi de noter comment presque aucun des organes de presse du Sénégal n’a eu le réflexe ni d’évoquer mon procès contre Bolloré (pourtant humilié pour la première fois de sa vie par le simple africain qui se trouvait en face de lui devant le juge Parisien) ni de relever qu’aucun de ces organes de presse n’a fait une recension de mon livre sur la situation dans les prisons et l’effondrement de notre justice.

Au contraire, ses membres furent agitées pour ne pas dire émoustillées pour reprendre les insultes, éléments de langage, que le pouvoir de Macky Sall leur servait, jusqu’à me reprocher de ne pas être un…journaliste.
En temps normal, bien public, comme l’armée et l’éducation nationale, la santé, la presse mériterait toutes les faveurs, du dégrèvement fiscal au soutien de l’Etat, mais faudrait-il qu’elle soit une presse au service du développement et de la vérité, de la démocratie.

Cette presse ayant fini de se coltiner avec les ennemies de la nation et de l’intérêt général ne mérite aucune mansuétude. Si les 40 milliards de francs CFA qu’elle avait négociés n’avait pas été exposés par les réseaux sociaux, devenus les nouveaux moyens de communication de masse, disruptifs, mettant à nu la douteuse discrétion qui couvrait l’effacement de cette dette, gardant sous le boisseau ses contreparties pour le généreux -l’assassin et pilleur- Macky Sall, elle aurait continué d’être un poison mortel dans le corps social d’un pays en quête d’un retour à des normes conformes à ses vraies traditions.

Cette presse doit faire son aggiornamento et cesser de pleurnicher. Elle a joué mais à la place du jackpot se retrouve obligée de redevenir un citoyen fiscal normal. Comme tout le monde. Qu’elle paie. Et d’abord en faisant amende honorable. Au moment où le pays traversait une nuit noire, dans les ténèbres de la dictature, elle s’est compromise. Comme le firent tous les collabos de toutes les dictatures de l’histoire.
L’enjeu pour elle n’est pas d’éviter de payer ce qu’elle doit mais de reconquérir les cœurs et l’attention du peuple Sénégalais. Les crachats qui jalonnent ses jérémiades en disent long sur le dépit qu’elle suscite. En est-elle consciente? Pas sûr!

Adama Gaye, diplômé de la 8ème promotion du Cesti -1980- a été journaliste pendant de nombreuses années autant à Africa1, Jeune Afrique et West Africa Magazine en plus d’être un analyste sur divers médias internationaux dont CNN, France 24, BBC, Aljazeera, NPR, Radio Nederland etc…
Il est l’auteur de: Demain la nouvelle Afrique, Editions l’Harmattan, Paris.

Ps: J’ai refusé l’invitation de plusieurs médias qui souhaitaient que je m’exprime sur le litige entre la presse et le pouvoir parce que je ne peux défendre des patronnes de presse qui non contentes d’être le bras armé d’un pouvoir assassin eurent le toupet de commanditer des articles de presse ou de télévision diffamatoires juste en croyant qu’ils suffiraient à me faire taire ou m’éliminer selon la commande reçue ou volontairement exécutée quand il s’agissait de plaire au pouvoir criminel. Mission ratée. Seule l’indignité vénale, qui est leur marque de fabrique, s’en est trouvée accrue. Pouah !

Que, sans états d’âmes, le fisc donne une leçon à cette presse. C’est une des voies vers le redressement. La presse a été l’ennemie de la nation, constituée, pour l’essentiel, de chasseurs de primes à sa tête, ce qui a masqué le mérite des talentueuses et talentueux journalistes que ce corps compte, qui agissent honnêtement sans vivre une vie financée par le pouvoir corrupteur…
Il ne faut surtout pas céder à ses techniques éculées de chantage.