jeudi, novembre 21, 2024

Rappels sur le marketing politique

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Cet article s’adresse aux acteurs de l’écosystème politique (partis, responsables politiques, organisations de la société civile, chroniqueurs, journalistes) ainsi qu’à tout citoyen qui s’intéresse à cette grille d’analyse marketing. Pour ceux qui aspirent à remporter les suffrages des Sénégalais, ainsi que pour leurs équipes, ces rappels peuvent s’avérer très utiles. Comprendre ces concepts est une chose, mais les intégrer dans les pratiques quotidiennes en est une autre. Sont abordés ci-après quelques concepts marketing regroupés en catégories.

 

1. Marketing et bon sens  

« Le marketing contribue à la réalisation des objectifs des organisations en créant, révélant, promouvant de la valeur pour leurs publics. » (J. Lendrevie & al.)

Il relève du bon sens. Plus la culture marketing se développe au sein des organisations, plus celles-ci tiennent compte de la dimension stratégique en amont du processus : modèle de création de valeur pour l’électeur, segmentation, ciblage, positionnement, politique de marque, etc.

2. Besoinsaspirationsattentes et exigences

Ce sont des éléments d’entrée (ou inputs) à partir desquels l’entité politique élabore son offre politique. Ils servent également de points de repère dans le pilotage au quotidien. La meilleure offre est celle qui est en phase avec eux. Il arrive des moments où de nouvelles aspirations s’emparent du corps électoral (ou marché électoral), à l’image d’un virus. Dans un tel contexte, l’acteur qui réussit dans ce marché est celui qui prend en charge ces aspirations avec un positionnement (perception que les électeurs ont de l’acteur) très clair, pertinent et distinctif. Dit autrement, c’est l’acteur qui offre la meilleure proposition de valeur (promesse représentant la plus-value de l’offre politique) aux électeurs qui réussit sur ce marché électoral.

3. Évolution des déterminants du choix des électeurs

Les déterminants des intentions de vote sont liés aux besoins, aspirations, attentes et exigences des électeurs. Comme un second souffle, on observe actuellement dans notre sous-région une nouvelle ère où les aspirations telles que le patriotisme, la bonne gouvernance, l’émergence économique, jusque-ici réservées à une intelligentsia, commencent à imprégner les larges masses populaires. Elles deviennent ainsi de forts déterminants à côté des besoins affectifs ou immédiats. De nouvelles attentes et exigences émergent aussi sous l’essor du digital. Le respect des valeurs associées à la démocratie républicaine, telles que la liberté d’opinion et les droits des citoyens, est considéré comme une exigence dans une société qui a une longue tradition démocratique.

4. Segmentation, ciblage, positionnement et perception

La segmentation de l’électorat permet d’affiner le processus de construction de l’offre politique en identifiant de façon pertinente les différents sous-marchés homogènes. Le ciblage définit clairement le ou les segments auxquels s’adresse principalement l’offre politique. Le positionnement est la place qu’occupe une marque dans l’esprit des électeurs ; il traduit la façon dont l’acteur politique souhaite être perçu par l’électeur en général et surtout par son segment cible. Cette perception constitue un baromètre essentiel de différenciation.

5. Vision, offre, proposition de valeur

Une cohérence entre la vision, le modèle de création de valeur, l’offre, la marque et le positionnement assure une bonne proposition de valeur. Celle-ci, associée à un bon réseau de valeur (appareil efficace, moyens adéquats, alliances idoines), constitue un élément central dans le succès de l’acteur politique auprès de son électorat. La marque de l’acteur politique (qu’il s’agisse d’une marque-parti ou d’une marque-leader) qui exprime sa personnalité a un lien affectif avec son électorat. Elle représente un actif intangible et un capital important pour l’entité politique.

6. Notoriété, image de marque et capital confiance

La notoriété d’une marque est un indicateur crucial. L’acteur politique doit toujours s’assurer de sa notoriété au sein des différents segments de l’électorat. L’image de marque, ou la valeur perçue par les électeurs, constitue une représentation positive ou négative que ces derniers se font de la marque. Le capital confiance et le capital sympathie sont les fruits d’une proposition de valeur solide et sont des leviers essentiels pour le choix des électeurs. Le soin apporté à la gestion de la marque, mais surtout à l’image de marque, influe sur les intentions de vote.

7. Valeurs et systèmes de valeurs

La marque est toujours associée à certaines valeurs. Les électeurs les perçoivent et font la différence entre les valeurs professées et les valeurs réelles en usage. Dans notre contexte, il est important de suivre l’évolution des systèmes de valeurs. Ceux-ci se comportent comme des containers englobant les valeurs.

8. Stratégie, positionnement et mix marketing

La stratégie marketing doit être en phase avec la stratégie globale de l’entité politique. Elle doit intégrer les dimensions suivantes : compréhension des besoins et aspirations des électeurs à travers des études et sondages, segmentation, positionnement et politique de marque. Le pendant du mix marketing PPPP (produit, place, prix, promotion) du domaine commercial à la sphère politique est le mix marketing PPBP (programme ou offre politique, place, bulletin de vote et promotion de la marque par la diffusion des discours idoines).

9. Discours, communication, médias et propagande

La stratégie et le plan de communication permettent de mettre en œuvre les différents moyens pour promouvoir l’offre politique de l’acteur. Toute stratégie de communication doit tenir compte des cibles et des canaux idoines pour les atteindre. Les millenials et la génération Z utilisent de plus en plus les canaux digitaux. Ils ne se contentent plus des discours de propagande. Ils veulent prendre part aux conversations. Savoir activer ces leviers de manière adéquate est de la plus grande importance pour un acteur politique.

10. Ruptures avec l’arrivée des canaux digitaux

L’arrivée du smartphone, couplée aux réseaux sociaux, a beaucoup changé la donne en introduisant des ruptures : une abondance de l’information, une instantanéité dans l’acquisition de celle-ci et une conversation généralisée. Tract, meeting, pétition, manifestation de mécontentement prennent d’autres formes qui ont pour noms : live, post, hologrammes, etc. Les indicateurs de mesure d’audience et de notoriété évoluent lorsqu’on passe du physique au virtuel. Une rupture de fond introduite par le digital est l’émergence de nouvelles valeurs intitulées STOAH (sharing : partage, transparency : transparence, openness : ouverture, authenticity : authenticité, humility : humilité). Elles vont devenir des attentes de plus en plus pressantes, voire des exigences, dans l’interaction que tout acteur (commercial ou politique) entretient en interne ou avec son environnement.

L’orientation marketing apporte une valeur ajoutée aux organisations. Il arrive que des entités, sans formalisme, répondent intuitivement et de la bonne manière aux questions cruciales du marché électoral. Comme monsieur Jourdain, elles font du marketing sans le savoir. Celles qui veulent garantir leur succès en utilisant le processus marketing doivent répondre, entre autres, aux questions suivantes : quel est votre segment cible ? Comment recueillez-vous leurs besoins, aspirations ou attentes ? Comment est positionnée votre marque (leader ou parti) au niveau de ce segment ? Quelle stratégie mettez-vous en place lorsqu’un autre acteur occupe un positionnement privilégié au niveau de votre segment cible ? Quelle est la notoriété de votre marque auprès des différents segments ? Quel est le niveau du capital confiance de votre marque auprès du segment cible et auprès des autres segments ? Quelle stratégie comptez-vous mettre en place pour développer ce capital confiance ? Quels sont les « retours électeurs » sur les principaux discours ou prises de position que vous leur adressez ?

 

Ibrahima THIOYE, sur seneplus