Il est révolu le temps où le photographe va faire le tour des cérémonies et attendre patiemment les fêtes religieuses pour quelques sous. Aujourd’hui, le métier se digitalise et se modernise au grand bonheur de beaucoup de jeunes sénégalais qui y gagnent dignement leur vie.
L’art de capturer l’instant présent en un flash fait peau neuve. Il se réinvente et se bonifie avec le temps. Loin des studios photos, la jeune génération tente d’apporter sa touche de modernité et d’originalité. C’est le cas d’Abdoulaye Talla. Le jeune homme vit pleinement de son amour pour la photographie à travers les photos de scènes de rue.
Le shooting du jour se passe à la gare routière de Dakar. Le photographe a choisi ce décor en plein air sous le regard curieux de quelques passants. Ce lieu est le cadre idéal pour Abdoulaye Talla. Malgré la circulation de quelques voitures, le jeune homme est coupé de tout. Il règle les derniers détails grâce à son soft box. Cet outil permet au professionnel de gérer l’éclairage. Après ce petit ajustement, il fait signe à son modèle. Ce dernier s’est mis sur son 31 pour l’occasion avec un style américain composé d’un tee-shirt blanc, d’un bas de jogging rouge et des baskets. Le modèle prend la pose et se prend au jeu devant un photographe exigeant. Abdoulaye n’hésite pas à lui montrer quelle posture adopter pour être à son avantage. Il prend le maximum de photos. Après quelques prises, le professionnel montre le résultat à son client visiblement satisfait.
Abdoulaye Talla est un passionné de photographie. Il décide même d’abandonner ses études universitaires pour une formation en audiovisuel. «C’est vraiment un art dans lequel je m’épanouis pleinement. Je ne me voyais pas faire autre chose», confie le jeune de 23 ans. Cet étudiant en arts graphiques du numérique commence alors à se perfectionner tout en faisant des séances. «J’adore les photos de scènes de rue. C’est ma signature», dit-il. Le professionnel essaie toujours de transmettre des messages. «Je laisse des textes pour chacune de mes photos afin de susciter la réflexion sur des thèmes sociaux. C’est ma manière de montrer mon engagement», estime-t-il. Cet art est pour Abdoulaye un moyen aussi de côtoyer «des personnes formidables » à travers ces scènes de rue. Chaque ruelle représente pour lui une chance de montrer le travail de ces hommes et femmes au quotidien. «Je négocie avec eux et essaie de les rassurer afin de pouvoir capturer ces moments uniques », déclare-t-il.
Les réseaux sociaux ont énormément contribué au succès du fondateur d’Inspiishot avec près de 30.000 abonnés. «Je me suis fait un nom grâce à Instagram où je partage mes réalisations avec mes followers», fait savoir l’étudiant en arts graphiques. Le jeune homme veut apporter une touche d’originalité et de créativité à chacune de ses œuvres tout en ayant son style propre. «C’est pourquoi j’ai naturellement pensé à valoriser les richesses de mon pays à travers ses décors naturels », soutient-il. Abdoulaye affirme gagner bien sa vie grâce à la photographie moderne tout en faisant sa passion.
Photo, la révolution numérique
La photographie est un moyen pour Bathie Massamba d’aider les gérants de boutiques à avoir de belles photos pour leurs produits. Le jeune de 25 ans soutient que l’image est très importante de nos jours. «Ces clichés permettent à l’entrepreneur d’avoir plus de visibilité sur les plateformes digitales», a fait savoir le professionnel. Il propose des photos pour des produits cosmétiques, des chaussures, des sacs et des tenues à ses clients. « Les dix photos pour cinq articles sont à 25.000 FCfa et vingt photos pour dix tenues à 35.000 FCfa», détaille le photographe. Cet étudiant en informatique juge ce métier rentable à condition d’avoir un bon carnet d’adresse. « Mon chiffre d’affaires de ce mois est compris entre 500.000FCfa et 800.000FCfa », dit-il fièrement. Le fondateur de BBC Photographe gère ses activités grâce au numérique. « Le monde virtuel occupe une place importante dans notre quotidien et cela impacte directement la photographie », admet-il. Une manière d’apporter un nouveau souffle à cet art.
« J’adore faire des portraits. J’arrive à refléter ma culture et surtout valoriser la femme africaine à travers ces images », a fait savoir Adama Thiam. Ce photographe portraitiste est dans le métier depuis bientôt trois ans. Un savoir-faire qu’il a appris sur le tas. « Je suis autodidacte. Je me documente jusqu’à présent sur YouTube et à travers les photographes sur les réseaux sociaux », avoue-t-il sans complexes. L’homme de 28 ans affirme avoir trouvé sa voie dans cet art. Il a appris à connaître tous les rouages. « La photographie naît de l’émotion. Elle la fige puis elle la retranscrit. Il faut travailler avec l’émotion pour construire une belle image », dit-il pédagogue. Adama Thiam propose des shootings à son studio et à l’extérieur. « Les tarifs pour les photos en studio sont compris entre 5.000FCfa et 30.000FCfa et les photos à l’extérieur sont entre 15.000FCfa et 25.000 FCfa », énumère-t-il. Le propriétaire de Lamdo gagne entre 400.000FCfa et 450.000FCfa. Un bon filon pour l’entrepreneur.
Un art de profits
Alioune Gueye est modèle photos à ses heures perdues. Cet artiste de cirque travaille avec un photographe pour des clichés de qualité. « Je collabore avec des gérants de salles de fitness. Je me fais un nom grâce à ces photos via les réseaux sociaux », explique-t-il. Le surnommé « Zoss Le fou » tire profit de ce business. « Je propose dix photos à 100.000 FCfa », avoue-t-il. Une manière de se faire de l’argent tout en jouant sur son image.
« Une marque ne peut pas ne pas se fier aux shootings. Ils offrent des images de qualité et permettent de mettre en ligne nos modèles», explique Aminata Ndiaye. La fondatrice de la marque de vêtements ‘’machallah hijab’’ fait tout le temps appel à un professionnel de la photographie. « Je peux dépenser 50.000FCfa pour un shooting », a fait savoir la gérante. Aminata juge cet investissement nécessaire voire indispensable pour son commerce.
Par Arame NDIAYE, Le Soleil