dimanche, décembre 22, 2024

Comment réduire les fractures entre les élites scolarisés, les naufragés de l’école publique, les Talibés?

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Notre école publique est à terre. Elle souffre d’un cancer profond et peine à supporter toute chimiothérapie. Pourtant les bonnes pratiques existent dans ce monde ouvert. La Finlande est un cas d’école. C’est un des meilleurs. Parce qu’ils ont mis en place une école pour leur projet de société. Aujourd’hui il n’y a pas d’école sénégalaise. Mais des écoles au Sénégal. C’est un kaléidoscope de modèles importés. Ou même imposés. Le modèle colonial qui était en rupture avec l’éducation traditionnelle et religieuse est encore là. En Finlande un enseignant a un statut social comparable à un médecin ou un avocat. Car l’enseignement est au coeur du projet social. Et l’Etat paye pour leur formation. Ils ont même droit à 2 h de formation continue par semaine. Mais il faut se donner les moyens.

Je rêve d’un modèle intégré ou l’enfant n’est plus jeté à l’âge de 3 ans dans une école maternelle à la française. Mais dans un dispositif sénégalais bien conçu et assumé. Enseignement de base, apprentissage de sa langue nationale en plus du français, enseignement religieux et moral (oui il faut commencer tôt). Former un Sénégalais. C’est le plus difficile. Auparavant certains allaient à l’école après l’école coranique. C’était sous la contrainte coloniale. Il fallait parfois faire un  » jugement  » et baisser l’âge des enfants! D’autres choisissaient de n’y envoyer que leurs « esclaves « . Préférant l’école coranique pour éviter tout risque de déviance.
Aujourd’hui le Sénégal « indépendant  » est -il à même de bâtir une école de consensus qui nous réconcilie avec nous mêmes ? Pourquoi un modèle français, turc, américain, libanais, marocain ou canadien ou finlandais ? Pourquoi pas un modèle sénégalais et panafricain ? L’Afrique est le continent émergent. Comme le Vandaka on peut nous imposer et tenir notre destin en main. Mais on confie notre éducation aux autres. Et nous créons une césure entre une business class qui entretient une « bulle scolaire  » inaccessible au commun des sénégalais. Et une école alibi pour donner une illusion de formation aux masses. Nous savons que l’école n’est plus le moyen d’ascension sociale (Macky et nous tous issus de milieux défavorisés en ont profité ) car c’est désormais la lutte, la « polotik » , Selbe Ndom.
Si on règle ces questions on peut aller se pencher sur les questions opérationnelles. Une sélection draconienne des enseignants après le Bac au moins, une formation spécialisée adaptée au projet, des infrastructures scolaires décentes, une rémunération à la hauteur du niveau des enseignants et de leur performance, etc. Ce système même pour les nantis pose un problème. L’école vole aux enfants et leur enfance et leur culture. On peut décréter courageusement un système public non laïc avec des cours de religion et de langues nationales obligatoires durant toute la scolarité. Si on tolère qu’un élève sénégalais apprenne le turc à Yavuz Selim à Dakar, pourquoi ne pas accepter qu’il fasse du wolof et du serere à côté de son anglais ou de l’allemand ? En plus de ses 5 h de coran, 5 heures de lecture biblique, 5 heures de cours sur la religion traditionnelle, 3 heures de contes et légendes africaines et sa session de dialogue interculturelle et animisto-islamo chrétienne. Ces modules citoyens pourraient être obligatoires pour valider son année porte sur une action de sensibilisation environnementale lors du magal de Touba et à Popoguine lors de la pentecôte ou lors d’un « humabel » en pays Joola. Et qu’à la fin de l’année qu’il passe au moins une semaine dans la menuiserie du quartier ou qu ‘il aille alphabétiser des paysans à Tamba.
Cela ne va pas saper la laïcité de l’Etat. C’est plus qu’enseigner Cheikh Anta Diop au programme. Mieux qu’enseigner la traite négrière en renforçant le sentiment de victimes chez nos enfants. Pour moi c’est aussi un pan important du projet politique. Une école sénégalaise démocratique. Il faut réduire cette « tension  » entre les élites scolarisées, les issus des « daaras » , les naufragés des écoles publiques, les talibés, etc. Et puis penser à l’articulation avec la formation professionnelle. Nous devons arrêter la démagogie sur l’université. Tout le monde ne doit pas aller à l’université. En Finlande à 16 ans, la moitié des élèves optent pour le lycée alors que les autres partent en formation professionnelle. Et tout le monde accepte le principe de l’hyper-sélectivité des universités. Ainsi l’école deviendra un vrai projet économique et social. L’Etat et les autres secteurs économiques et sociaux pourront alors participer à son design, y mettre des ressources et tirer profit des « produits ».
Aujourd’hui les enseignants réclament des « rémunérations » alors qu »en face l’Etat agit comme si la « marchandise à livrer » ne vaut pas de payer plus ou mieux. Ne faisons pas la fine bouche, jamais l’Etat n’a fait autant d’efforts budgétaires en direction des enseignants (enseignement supérieur, primaire, moyen secondaire général).
Par Ndukur Kacc Ndao