« Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. » Montesquieu.
Notre « République » calquée sur la France dont elle se veut une réplique, est de plus en plus caricaturale. Tant les manipulations des institutions, par ceux qui ne sont chargés que de les animer pour un temps donné, sont devenues envahissantes et disproportionnées. Il est donc temps de retourner vers l’auteur de « L’esprit des Lois » (françaises) Montesquieu, pour prendre la mesure des dérives graves en cours dans notre pays quant aux missions et rôles, tâches et servitudes, dévolus aux agents de l’Etat, les fonctionnaires. Afin d’évaluer, les droits et devoirs de tous, vis-à-vis de la loi qui est sensée assurer l’égalité des citoyens.
L’interdiction de la réunion publique prévue ce vendredi à Mbacké par le Parti Pastef-Les patriotes, nous donne une occasion de nous interroger sur la légitimité et, pire, la légalité de l’acte administratif pris par le préfet de Mbacké. Car, tant dans la forme que dans le fond, le courrier du préfet de Mbacké nous semble inopportun, incongru et vexatoire.
Inopportun. Parce qu’aucun précédent de débordement d’une manifestation « autorisée » n’est à signaler au Sénégal. Bien au contraire ! Toutes les manifestations autorisées se déroulent dans une ambiance festive, bon enfant et la foule, quelque soit sa densité, se disperse tranquillement après la prise de parole du dernier orateur. Par contre, les manifestations « non-autorisées » suscitent toujours une résistance et peuvent déboucher sur des affrontements entre forces de l’ordre et aspirations citoyennes. Au demeurant, les forces de défense et de sécurité sont tenues de respecter les ordres de la hiérarchie même s’ils sont illégitimes ! L’éternelle dialectique entre la légalité et la légitimité ! Un penseur nous rappelle, cependant, que « Quand le mal a toutes les audaces, le bien doit avoir tous les courages »… A méditer !
Incongru. Si la situation actuelle de la capitale, jonchée de gravats et meurtrie par des travaux inachevés qui tirent en longueur peut paraître inadaptée à des mouvements de foules importants, que dire de Mbacké et de la possibilité d’y trouver des espaces à foison ? Interdire, pour le plaisir d’interdire, au point d’utiliser le prétexte du manque d’une signature sur trois est quand-même incongru (!) pour rester dans le registre policé du vocabulaire disponible. Un seul coup de fil aux organisateurs aurait suffi pour faire venir un troisième signataire…Sans compter une erreur matérielle manifeste sur le visa de la loi évoquée. Précipitation ou coup du sort ? Que Justice soit rendue !
Vexatoire. A la fois pour les militants de Pastef mais aussi pour les sympathisants, de plus en plus nombreux de ce parti et parmi lesquels je me compte désormais. Résolument. Nous sommes vexés ! Par le manque de considération dont nous faisons l’objet de la part d’autorités administratives qui sont en place pour nous servir ! Elles doivent, à cet égard, s’assurer du traitement équitable, et non partisan, des droits de tous les citoyens. Le libre exercice des activités de mobilisation, d’information, de réunion et de contestation, d’un parti légalement constitué, est de source constitutionnelle et légale. Aucune entrave ne doit y être apportée hors du droit commun. Ainsi doit fonctionner une République qui se respecte et qui veut conserver la confiance de ses administrés.
« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Livre XI, chap. IV Montesquieu
La responsabilité individuelle, la conscience de chaque agent de l’État est interpellée lorsque la légitimité d’un acte administratif convoque sa légalité. Aucun ordre illégitime ne doit se parer du manteau de la légalité. C’est pour cela que les recours en abus de pouvoir existent. Mais pour fonctionner normalement, ces dispositifs doivent être servis par des hommes et des femmes qui portent des valeurs éthiques et morales fortes et incorruptibles. La formation des corps d’élite de l’administration doit donner une part importante à la rigueur morale ainsi qu’à l’honnêteté ! Sinon nous sommes tous en danger ! Mais…
« Il est une vérité qui nous venge de toutes les autres : Il y’a une fin en toute chose, et aucun malheur n’est éternel », nous rappelle fort justement Yasmina Khadra. Merci !
Notre pays va se relever. La jeunesse généreuse et ambitieuse qui piaffe d’impatience a besoin du soutien des aînés et de leur expérience. Sortons de nos zones de confort pour accompagner, avec sagesse et clairvoyance, les mutations sociétales inexorables qui se font jour. Nul ne peut arrêter la mer avec ses bras ! Il vaut mieux apprendre à nager dans le sens des vagues.
Comprenne qui pourra !
Jummah Mubaaracka à tous les hommes et femmes de foi et de bonne volonté !