Tout le monde attendait de mettre des noms sur le visage du nouveau Premier Ministre et des nouveaux ministres afin de se prononcer sur la probabilité pour le Président de la République de chercher à briguer un troisième mandat.
A la lumière de ce qu’il nous a été donné de voir, personne ne peut jurer que l’actuel locataire du Palais de l’avenue Senghor va prendre telle ou telle autre direction.
Autant dire que son fameux ni oui, ni non garde encore toute sa fraîcheur. Pour ceux qui ont le privilège de fréquenter cet homme politique complexe, mélange de Leader introverti et génie de l’esquive, ce jeu de cache-cache n’est point une surprise. Mais la récente décision du Président Béninois de ne pas se présenter pour un troisième mandat met une pression supplémentaire sur l’actuel patron de l’Union africaine.
Macky Sall ne peut sans doute pas faire moins que cet homme d’affaires, sorte d’ovni dans la mare agitée du syndicat des Chefs d’Etats d’un continent en pleine mutation. En vérité, la nomination au forceps d’Amadou Ba entre parfaitement dans le cadre de ces décisions énigmatiques qui finiront par donner le tournis à une opinion publique pour le moins désemparée et finalement blasée.
Le problème avec l’ancien ministre des finances, bénéficiaire d’un retour en grâce, c’est que Macky Sall sait mieux que quiconque qu’il n’est pas le genre à se mettre à carreau pour faire place nette à son patron à l’image d’un Mohamed Boun Abdallah Dionne qui n’avait aucune autre ambition que de servir son Boss.
De ce point de vue, Amadou Ba ressemble un tantinet à Mimi Touré. Ce sont deux grands ambitieux aux crocs acérés, prêts à bondir sur leur proie et à défendre crânement leurs chances. La comparaison s’arrête là : le nouveau Premier Ministre est plus calme, plus froid, plus détaché, plus calculateur, plus pondéré et moins expansif. C’est le genre de félin qui peut tromper son monde en jouant au poker.
Il n’hésitera jamais à profiter de vents favorables pour postuler à la charge de Chef d’Etat dès que l’occasion se présentera. Surtout que comme le dit trivialement un célèbre proverbe Wolof : « la politique ne tombe jamais enceinte, elle accouche spontanément… ».Et puis, l’appétit vient en mangeant !
En attendant, le Chef de l’Etat a lancé plein gaz la fusée d’un gouvernement dit de combat.D’où le retour massif de plusieurs bannis, sortes de bretteurs connus pour leur faconde et leur tendance à aller au charbon pour défendre bec et ongles le Président. C’est le cas d’Ismaila Madior Fall, Mambaye Niang, Abdou Karim Fofana, Birame Faye et compagnie. De redoutables profils prêts à faire face à Ousmane Sonko, Barthélémy Dias et autres Gakou.Ces soldats de la rhétorique sont donc choisis pour déconstruire les éléments de langage de l’opposition dans cette stratégie de conservation et de consolidation d’un pouvoir chancelant fortement secoué par les résultats peu flatteurs des toutes dernières consultations électorales des locales et des législatives.
En définitive, il est important de se poser des questions sur les ambitions de ce gouvernement à fort caractère politicien en termes de capacité à prendre en charge la question centrale de la forte demande sociale.
Au moment où le panier de la ménagère se dégarnit de plus en plus entraînant du coup un réchauffement programmé du front social, il est évident que le Tout-Politique, marque de fabrique de la gouvernance actuelle, plonge davantage ce pays dans l’impasse.
Malgré les promesses du Plan Sénégal émergent, ce soleil hypothétique qui peine naturellement à darder ses rayons.