lundi, novembre 25, 2024

À quelles conditions les outils numériques aident-ils les étudiants à réussir ?

0 commentaire

Se sentir compétents, autonomes et intégrés socialement : tels sont les trois besoins fondamentaux des étudiants auxquels il faut répondre si l’on veut qu’ils puissent apprendre efficacement. C’est en tout cas ce que nous enseigne la psychologie de l’éducation, et ces besoins interviennent dans la motivation et le bien-être des élèves.

La fermeture des universités et des institutions scolaires durant la pandémie du Covid-19 a provoqué un recours massif aux outils numériques dans l’enseignement et l’apprentissage. Au terme de cette période, les professeurs n’ont pas rangé ces outils et compétences informatiques au placard. Au contraire, l’enseignement hybride (combinant des activités en présentiel et des activités en ligne), qui prenait de l’ampleur déjà depuis plusieurs années, s’est ancré encore un peu plus dans le paysage universitaire.

Quels sont les ajustements nécessaires alors pour continuer à répondre aux attentes des étudiants ? Comment les outils numériques peuvent-ils répondre à leurs besoins pour soutenir leur réussite ?

Se sentir compétents

La recherche montre depuis longtemps l’influence positive des feedbacks formatifs, c’est-à-dire les feedbacks qui ont pour objectif d’informer les étudiants du niveau auquel ils se situent plutôt que de leur donner une note ou de les classer. Ces feedbacks peuvent être donnés à la suite d’exercices, de travaux ou d’activités réalisés dans le cadre du cours, et les outils numériques permettent de les automatiser. Par exemple, il est possible de réaliser des QCM, des textes à trous, des exercices d’association ou de classement et de faire un retour aux étudiants selon leurs réponses.

Les feedbacks peuvent comprendre la réponse correcte accompagnée d’une explication ou d’informations complémentaires, mais peuvent également renvoyer les étudiants à des sections spécifiques du cours. Ils sont d’autant plus efficaces qu’ils contiennent d’informations.

Cette démarche permet aux étudiants de prendre conscience des écarts qui existent entre les objectifs d’apprentissages visés et l’état actuel de leurs connaissances et les guide dans les actions à entreprendre pour combler ces écarts. De ce fait, les feedbacks formatifs renforcent l’autorégulation et permettent aux étudiants de gérer leurs propres apprentissages. Ils peuvent ainsi observer leur progression grâce à des évaluations sans enjeu académique, et les recherches montrent que ce mécanisme peut promouvoir une perception positive leurs compétences.

Proposer ce type d’activités en ligne aux étudiants permet également de transformer leur rapport à l’erreur. Les étudiants craignent moins de se tromper lorsqu’ils effectuent des exercices en ligne car lorsqu’ils commettent une erreur, il leur est plus facile de revenir en arrière et de recommencer, encore et encore. De plus, recevoir des feedbacks négatifs de la part d’une machine plutôt que de la part de l’enseignant gomme en quelque sorte la pression sociale associée. Dans ces conditions, commettre des erreurs aurait peu d’effets délétères sur le sentiment de compétence des étudiants.

Se sentir autonomes

Les études suggèrent que pour répondre à ce besoin d’autonomie, il faut mobiliser la motivation intrinsèque des étudiants, notamment en soulignant l’intérêt des contenus enseignés, en favorisant une compréhension profonde de ceux-ci et une explicitation des liens avec la pratique professionnelle. À nouveau, les outils numériques peuvent soutenir ce sentiment de réaliser des tâches par choix personnel, et non par contrainte. Ainsi, les enseignants peuvent envisager de :

  • mettre à disposition des étudiants des outils de gestion – calendrier, échéancier, rappels automatisés – leur permettant d’avoir une vue d’ensemble du cours et de structurer leurs apprentissages ;
  • rendre disponibles dès le début du cours les ressources incontournables – leur permettant de travailler et d’avancer à leur propre rythme ;
  • permettre aux étudiants d’enregistrer les traces de leurs apprentissages – ePortfolios, possibilité d’annoter les documents, de les surligner, d’ajouter des signets…
  • prévoir des plans d’apprentissage personnalisés en fonction des acquis des étudiants – individualisation ou différentiation des apprentissages.

Une piste qui peut également être examinée est l’implémentation d’éléments de gamification dans les enseignements, tels que des niveaux à atteindre ou des défis… Dans les dispositifs gamifiés, les étudiants ont tendance à choisir des tâches plus difficiles et à rendre un travail de meilleure qualité, reflétant une plus grande motivation intrinsèque.

Se sentir intégré socialement

Les échanges interpersonnels ont cruellement manqué aux étudiants et aux enseignants durant la fermeture des écoles causée par la pandémie et les interactions numériques ont finalement très peu compensé l’absence d’interactions en face à face. Quand les enseignants donnaient leurs cours en visioconférence, ils avaient « l’impression de parler dans le vide » : la majorité des étudiants coupaient leur caméra et leur micro, inconfortables à l’idée de se montrer devant tous les autres étudiants.

Pourtant, dans le cadre d’un enseignement hybride, les outils numériques peuvent être une manière de prolonger voire de générer les interactions en présentiel, surtout lorsque les enseignants s’adressent à de grandes cohortes d’étudiants. En effet, les tâches collaboratives, l’organisation de débats, la réalisation de projets ou les activités de tutorat représentent des activités difficiles à mettre en place avec des groupes de plus de cinquante étudiants.

En revanche, ces activités peuvent être facilitées par l’utilisation de différents outils : des espaces collaboratifs avec des documents partagés, des canaux de discussion instantanée permettant les échanges textuels, vocaux ou vidéos, des forums de discussion asynchrone.

En plus de leur intérêt propre, mettre en place ce type d’activités et proposer aux étudiants d’interagir à distance peut leur permettre de s’intégrer et d’appartenir à un groupe – une promotion, un groupe de travail ou encore, un groupe d’amis. Même s’il s’installe avant tout en présentiel, le besoin de proximité sociale peut ainsi être renforcé de différentes manières.

Des freins à prendre en compte

La recherche permet d’identifier des pistes pour soutenir les besoins des étudiants, mais soulève également des tensions liées aux transformations des pratiques pédagogiques. Déjà avant les multiples confinements, la réticence des enseignants à l’utilisation des outils numériques était bien présente.

Les enseignants ne sont pas nécessairement formés à ces outils et ils développent un faible sentiment d’auto-efficacité quant à leur utilisation et à l’informatique en général. Dans certains cas, ils ne conçoivent pas leur utilité. Ce sentiment, couplé à des expériences parfois désastreuses durant la pandémie, ne fait qu’affaiblir l’utilisation des technologies par les enseignants.

Malgré tout, 60 % des enseignants (40 % en Belgique, 45 % en France) suivent des formations professionnelles sur l’utilisation des outils numériques ce qui montre que, malgré les obstacles, les enseignants prennent en main leur développement professionnel dans ce domaine.

Si l’on en doutait encore, les « digital natives », ces jeunes qui n’ont pas connu le monde sans Internet, ne sont pas naturellement doués de compétences informatiques particulières. Même lorsqu’ils ont accès au matériel nécessaire, les compétences instrumentales (utilisation efficace) ou stratégiques (recherche, tri et évaluation des informations) leur font parfois défaut. Ainsi, l’utilisation des outils numériques en classe nécessite de prendre en compte leurs besoins fondamentaux, mais également de les guider dans leur utilisation. Montrer aux étudiants comment naviguer sur les plates-formes institutionnelles pour atteindre les exercices et les ressources leur fera gagner du temps et évitera des frustrations.The Conversation

 

Margault Sacré, Docteure en sciences psychologiques et de l’éducation, Université de Liège

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.