Les technologies de l’information et des télécommunications représentent un des piliers sur lesquels nous bâtissons notre économie, d’où le terme tant galvaudé de l’économie numérique. Durant la période coloniale, les communications entre pays d’Afrique transitaient par Paris avant d’être redirigées vers un pays voisin. Nous pouvions constater un cloisonnement caractérisé par l’usage de technologies analogiques spécifiques et l’organisation en monopoles.
Ainsi, pour décloisonner et relier les pays au bénéfice de l’administration coloniale, des accords bilatéraux entre monopole se matérialisent par la mise en place de nœuds d’interconnexion dans le but de desservir les régions utiles « Côte d’ivoire Sénégal »
Selon Pierre Vialle[1] l’adoption des technologies issues de l’électronique et de l’informatique a remis en cause les fondements du monopole. Ainsi, l’usage des logiciels à travers internet n’est pas sans conséquences sur les situations de monopole. La fin de l’isolement technologique cède la place à la convergence. Les technologies nouvelles et internet sont devenues un langage universel utilisé par tous. Les opérateurs, en plus de l’offre de base qui était la voix, étendent cette dernière à d’autres types de signaux, les données.
Les régulateurs, dans leur objectif d’amener les opérateurs à mettre l’utilisateur final au centre, ont mis en œuvre des mécanismes de régulation dont la finalité doit conduire à une interconnexion des services dans le domaine des TIC.
L’INTERCONNEXION
Dans sa première forme, l’interconnexion permettait de relier les administrations des différents pays. Mais avec la libéralisation dans le secteur des communications électroniques, l’interconnexion demeure un point incontournable, surtout avec la privatisation des opérateurs historiques et l’entrée de nouveaux acteurs. Il faut noter que les héritiers des infrastructures vont difficilement se plier aux règles gouvernant la régulation du secteur.
Or, pour la pérennité des nouveaux entrants, il faut trouver comment leur faire bénéficier des installations dans un premier temps, et puis leur permettre de connecter leurs abonnés au réseau historique qui détient le plus grand nombre d’abonnés. C’est ce qui a permis à Free ex TIGO de tirer son épingle du jeu.
Dans un « marché ouvert à la concurrence, le principe d’interconnexion permet d’établir une liaison entre réseaux ouverts au public afin de permettre à l’ensemble des abonnés des différents opérateurs de communiquer librement entre eux.
L’absence d’accord d’interconnexion signifie que chaque abonné des trois opérateurs serait dans l’obligation de souscrire autant d’abonnements qu’il existe de réseaux pour pouvoir dialoguer avec ses correspondants qui sont abonnés à ces opérateurs. Ainsi, les opérateurs sont tenus de satisfaire, dans les conditions objectives, transparentes et non discriminatoires aux demandes d’interconnexion émanant d’autres opérateurs. Cette mesure permet aux abonnées de Free d’appeler Orange et, ou Expresso.
Au Nigeria, c’est le code des communications électroniques de 2003 qui, en son article 96, rappelle l’obligation d’accéder aux demandes d’interconnexion des concurrents si les conditions techniques et économiques sont réunies.
Ce principe pourrait être l’opposé de la portabilité avec le même objectif, connecter les abonnées des différents réseaux. Avec la portabilité, un abonné Free qui n’est pas satisfait peut quitter l’opérateur en gardant son numéro pour aller bénéficier des services de Expresso mobile. C’est ce que nous avons constaté en 2020, quand l’opérateur orange modifiait ses forfaits internet, plusieurs clients ont porté leur numéro chez Free. Une fois dans le réseau d’accueil, il faut proposer des services à valeur ajouté pour retenir le client longtemps. Et nous sommes d’avis qu’il est impossible à une seule structure par exemple un opérateur de communication électronique, d’offrir tous ce qui est possible en termes de service à valeur ajouté.
Donc il faut trouver comment permettre aux clients de bénéficier des services offerts par d’autres fournisseurs pour qu’ils restent dans son réseau tout en gardant son numéro de départ.
Après l’interconnexion, cet outil de régulation qu’est la portabilité, a permis à Free d’avoir de nouveaux abonnées qui étaient peut être venu pour l’internet, rien que pour l’internet. Depuis quelques jours, ces abonnés n’arrivent plus à acheter du crédit Free avec leur application WAVE.
Avec cette déconnexion de wave est-ce qu’ils feront encore usage de la portabilité ? Ce n’est pas la peine parce que l’opérateur dominant dans le secteur des communications électroniques, Orange, ne permet pas d’acheter du crédit depuis l’application wave. Nous sommes en face d’un blocage, d’un contournement de la portabilité. Soit, l’ARTP n’a pas saisit la manœuvre, soit elle a décidé de croiser les bras. Parce que dans cette affaire il y a aussi la liberté de choix des consommateurs qui est bafouée.
Avec le schéma de la portabilité, les opérateurs vont nouer des collaborations afin de maintenir aussi longtemps les clients dans leurs plateformes. Et il faut comprendre que c’est avec des jeunes startUp que les opérateurs pourront diversifier leurs offres de services. C’est ainsi que l’interopérabilité des services est bénéfique pour ces derniers. Selon wikipédia, c’est la capacité que possède un produit ou un système, dont les interfaces sont intégralement connues, à fonctionner avec d’autres produits ou systèmes existants ou futurs et ce sans restriction d’accès ou de mise en œuvre. Ce principe est tellement important qu’il figure en deuxième positions parmi les conditions générales d’établissement et d’exploitation des réseaux de communications électroniques ouvert au public (art 53) code des communications électroniques du Sénégal.
Pour éviter les pratiques anticoncurrentielles, l’interconnexion est encadrée par l’autorité au moyen d’un texte législatif.
Ainsi, le respect du principe d’égal traitement pour un accès équitable au réseau a été mentionné en 2009 par l’autorité ivoirienne de la régulation des communications dans sa décision portant tarif d’interconnexion plafond pour l’année 2009.
Au Nigéria c’est la section 96 du « communication acte » de 2003 qui pose le principe de l’interconnexion en ces termes : les opérateurs titulaires de licences sont tenus d’accéder aux demandes d’interconnexion des concurrents si les conditions techniques et économiques de faisabilité sont réunies.
Au Sénégal c’est au titre IV, chapitre 1 article 93 de la loi 2018–28 du 12 Décembre 2018 portant code des communications électroniques que nous trouvons les principes guidant l’interconnexion.
Pour les services d’appel voix et internet, vous pouvez faire votre choix sur un opérateur qui dans un autre domaine est classé dernier de la classe. Pour une donnée quelconque, vous pouvez rapidement faire le choix d’utiliser ou non une application. Et pour ce cas de figure, l’interopérabilité des services peut constituer un bénéfice pour le client, c’est le cas pour les abonnées de Mobile money Rwanda de MTN qui peuvent envoyer et recevoir de l’argent vers les abonnés de Airtel.
Depuis le communiqué de l’ARTP (1 an) pourquoi la situation n’avance pas ? Si le blocage technique et commercial est levé, pourquoi jusqu’à présent les clients de Wave (service financier mobile) et abonnés de Orange (télécommunication) n’arrivent pas à acheter du crédit Orange comme les abonnés Orange qui ont décidé d’utiliser les services financiers mobiles Filial de Orange Mobile ? L’inertie de l’autorité de régulation a fait qu’Orange choisit les concurrents de Wave qui vendent du crédit téléphonique comme la filiale Orange Finance Mobile ou Optima. Alors, Free, constatant le manque d’autorité de l’Autorité suit les pas du grand frère en déconnectant Wave de l’achat de crédit téléphonique pour après s’aligner sur les prix de Wave dans le domaine du mobile money. Encore, il faut noter que le produit objet du litige c’est le crédit téléphonique, domaine de compétence de l’ARTP.
Pensez-vous que cette situation va favoriser les nouvelles startups qui comptent sur le taux de pénétration du mobile et de l’internet pour offrir des services ?
Devons nous laisser les opérateurs se baser sur l’accès directe aux utilisateurs des services de téléphonie mobile pour ensuite bloquer l’avancé des concurrents de leurs filiales ?
[1] Pierre Vialle, Stratégie des opérateurs de télécoms, Paris, éditions Hermès février 1998, page 13 à 14
Par Emmanuel Diokh
LAW MANAGER TMT (technologies-medias-telecoms) & IP/IT (intellectual property-information technology)