Des chiffres qui interrogent. Rien qu’en 48h de grève des transporteurs, l’ardoise pour l’économie nationale atteindrait donc une trentaine de milliards de nos francs. En effet, selon l’économiste Kadialy Gassama, ce mouvement d’humeur a provoqué le ralentissement du fonctionnement de la machine économique de notre pays « d’une amplitude quasiment de 60 % du PIB journalier, autour de 30 milliards de FCFA, traduisant un net recul de la croissance économique pour cette période ». Ce n’est pas tout puisqu’un autre spécialiste des questions économiques, diplômé de Paris 13, en l’occurrence Abdoulaye Seck, estime lui aussi à des dizaines de milliards les pertes subies puisque, évalue-t-il, le secteur tertiaire, qui pèse un plus de 40 % du PIB, a connu une baisse de 7,8 points de croissance.
D’emblée, Abdoulaye Seck, économiste diplômé de l’Université Paris 13 explique que, de toute évidence, toute perturbation dans le secteur des transports affecte directement et rudement l’économie nationale du fait du caractère stratégique et transversal de ce secteur. Selon lui, il n’y a que les acteurs du transport qui peuvent créer de façon spontanée une paralysie presque totale de notre économie nationale. Par conséquent, indique-t-il, en cas de grève, tous les secteurs de l’économie nationale comme les commerces, l’administration, les PME-PMI, les aéroports, les activités portuaires, les approvisionnements en produits alimentaires et pétroliers, tous ces secteurs sont impactés. Une situation qui, d’après lui, s’explique « en partie par la prédominance des acteurs privés dans ce secteur, le faible niveau de formalisation des organisations et structures de transport de personnes et de marchandises et la portion congrue de l’offre de services de transport par les structures étatiques évaluées à environ 13.35 % de l’offre globale »
L’Etat représente seulement 13 % de l’offre globale de transport public !
L’économiste précise aussi que le secteur des transports est une composante du secteur tertiaire et en constitue un domaine transversal qui influe directement sur le rendement des autres tels que le tourisme et le commerce. Ce secteur tertiaire, selon lui, est l’un des plus affectés par la pandémie de la Covid-19. Il pesait un plus de 40 % du PIB mais a connu une baisse de7,8 points de croissance. Ainsi, à l’en croire, nous pouvons nous attendre, toutes choses étant égales par ailleurs, à des pertes de l’ordre de plusieurs milliards de francs CFA soit un peu moins d’un 1/12 du PIB.
ABDOULAYE SECK : « Le secteur tertiaire pesait un plus de 40 % du PIB ; il a connu une baisse de7,8 points croissance »
Toujours est-il que d’après notre interlocuteur, l’analyse dudit secteur peut aller au-delà de ce qui est susmentionné. En effet, le transport sénégalais, acteur fondamental liant les zones de production aux centres de consommation et favorisant l’insertion du pays dans le commerce international, dispose de réseaux relativement développés d’infrastructures en comparaison de certains pays pairs, avec d’importants développements des réseaux de transport réalisés ces dernières années. Toutefois, une forte congestion du réseau routier, un faible indice de performance logistique (le Sénégal est 141ème sur 160 pays, Banque Mondiale), ainsi que des problèmes de gestion des infrastructures dus à la multiplicité des intervenants et agences plombent, selon l’économiste Abdoulaye Seck, l’efficacité et la productivité du secteur.
KADIALY GASSAMA « Le Sénégal a subi une perte de 30 milliards de francs soit 60% du PIB journalier»
Selon le spécialiste des questions économiques, Kadialy Gassama, la grève de 48 heures des transporteurs privés a provoqué le ralentissement assez sensible du fonctionnement de la machine économique de notre pays. Un ralentissement « d’une amplitude quasiment de 60 % du PIB journalier, autour de 30 milliards de FCFA, traduisant un net recul de la croissance économique pour cette période ». Le directeur général du Marché central au poisson assure en effet que le fonctionnement du secteur industriel et du secteur tertiaire « a été sérieusement affecté à cause du défaut de transport des hydrocarbures, de l’enlèvement des marchandises au port, du non transport du ciment et des matériaux de construction, du défaut de mobilité pour les travailleurs et de la baisse de l’activité dans les marchés pour les échanges commerciaux, la conservation et la redistribution ».
« Le fonctionnement des secteurs industriel et tertiaire sérieusement affectés par le défaut de transport… »
En tout état de cause, ce qui ne souffre d’aucun doute aux yeux de Kadialy Gassama, c’est le fait que cette grève doit s’arrêter le plus rapidement possible et que cela ne se reproduise. Pour éviter de tels désagréments, il conseille de prendre des mesures d’anticipation. C’est le lieu pour lui, également, de relever le déficit organisationnel des transporteurs privés du Sénégal qui sont dans l’informel, l’archaïsme et l’immobilisme avec des parcs complètement tombés en désuétude tels que les cars rapides et autres Ndiaga-Ndiaye dans compter les 7 places. L’urgence, selon notre interlocuteur, c’est surtout le changement de mentalités. Heureusement que, conclut l’économiste Kadialy Gassama, « nous serons à la fin de cette année en mesure de développer des offres alternatives de transport de masse avec le TER et le BRT, mais aussi, avec la réhabilitation du Dakar Bamako ferroviaire pour le transport de marchandises ».
Le Témoin