Après un début d’année 2020 où l’intérêt des Français pour l’actualité a atteint son plus bas niveau historique, l’année 2021 marque un revirement. Contrairement aux idées reçues, les jeunes s’y intéressent d’ailleurs beaucoup, comme le souligne une étude du ministère de la Culture : 93 % des 15-34 ans déclarent avoir de la curiosité pour l’information, 15 % se déclarent même « accros à l’information », et seuls 7 % affirment ne pas s’en soucier.
Nés avec le digital, les 18-25 ans sont plus équipés, plus connectés que les générations précédentes. Ils n’ont pas recours aux mêmes outils pour s’informer que les générations précédentes. Alors que les plus de 35 ans se tournent majoritairement vers la télévision (53 %), Internet (23 %) et enfin la radio (17 %) quand ils veulent se tenir au courant de l’actualité, la tendance est inversée chez les moins de 35 ans.
Ces derniers privilégient Internet (66 %), via leur smartphone, puis la télévision (26 %). Chez les moins de 25 ans, l’usage d’internet pour s’informer est encore plus marqué, atteignant 75 % d’entre eux.
Internet en première ligne
Bien que la télévision soit le premier moyen d’information (46 % sont d’abord informés par ce moyen), seulement 21 % des moins de 25 ans regardent le journal télévisé. D’après le 34ᵉ baromètre Kantar Public, les trois quarts des 18-25 ans s’informent d’abord sur Internet, et en particulier sur leurs smartphones, pour suivre l’actualité en temps réel. Ils peuvent accéder à des contenus personnalisés, commenter, évaluer, réagir et partager l’information rapidement et facilement.
Dès lors, les médias transitionnels n’ont plus que le choix d’aller toucher le jeune public là où il se trouve, en lui proposant une offre éditoriale adaptée à ses usages. C’est ce que certains journaux ont compris en proposant du contenu en ligne quotidiennement sur les réseaux sociaux pour toucher les jeunes lecteurs.
Par exemple, Le Monde a investi les formats courts sur Snapchat et Instagram. En 2020, le journal a même sauté le pas vers TikTok, en diffusant du contenu au moment du mouvement #BlackLivesMatter. Quant à Libération, sa version numérique, se classant parmi les sites d’information mobiles les plus visités.
Les réseaux sociaux comme point d’accès
Le web (et plus particulièrement les réseaux sociaux) est devenu la porte d’accès à l’acquisition des connaissances chez les jeunes, modifiant ainsi leurs pratiques en matière de recherche et de consommation de l’information.
Il est bien loin, le temps du rendez-vous familial devant le journal télévisé du 20h, ou celui de l’écoute des infos à la radio le matin. C’est souvent seuls, pendant les trajets, en attendant un rendez-vous, durant différentes pauses de la journée, que les jeunes suivant l’actualité via les réseaux Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter… Selon les résultats du Baromètre Kantar 2021, 46 % des jeunes s’informent via les réseaux sociaux numériques. Plus l’information est proche d’eux, plus les jeunes s’y intéressent.
Ils privilégient le contenu vidéo, plutôt que le contenu écrit, et recherchent un accès rapide, instantané et quotidien de l’actualité, en recourant à la multitude des supports numériques (tablettes numériques, smartphones…) présents dans leur quotidien. D’après l’étude Adweek, 78 % des jeunes de moins de 25 ans visionnent des contenus vidéos chaque jour sur YouTube.
De nouveaux médias centrés sur la vidéo
De nouveaux médias pure players comme Brut, Loopsider, Konbini ou encore Neo ont compris que les 18-25, peu intéressés par l’actualité politique et par les « hard news », recherchent des informations insolites et divertissantes. Ils ont su tirer leur succès des réseaux sociaux en lançant des contenus courts, exclusivement en vidéos, sur un mode proche du divertissement, avec des témoignages chocs sur des sujets d’écologie, de santé ou de société.
Ces formats sont totalement en phase avec les attentes des 18-25 ans, qui privilégient la vidéo courte (1 à 5 minutes), commentée, au point qu’Emmanuel Macron avait consacré lui-même une interview exclusive à Brut en décembre dernier. Les vidéos virales de Brut ont généré 20 milliards de visionnages en 2020, au point qu’elles devanceraient la BBC avec 39 millions de spectateurs uniques par mois en Europe. Konbini compterait plus de 10 millions de visiteurs uniques tous les mois et Loopsider, plus récent, aurait 150 millions de vidéos vues par mois.
Bien que les jeunes soient séduits par tous ces nouveaux médias, centrés sur les vidéos, 70 % d’entre eux continueraient de consulter au moins une page de média traditionnel sur les réseaux sociaux.
La recherche d’une actualité de proximité
Les jeunes se sentent éloignés des sujets traités par les médias et de la hiérarchie des informations qui y est pratiquée. Les jeunes voient le monde en horizontalité, en réseau, et la parole du journaliste devient pour les jeunes aussi valable que celle d’un influenceur.
Dès lors, on peut se poser la question de savoir si les influenceurs d’aujourd’hui sont les journalistes de demain, alors que des jeunes montent leur propre média en misant sur les réseaux sociaux. Par exemple, « Hugo décrypte », surnommé le « petit prince de l’info », mise sur YouTube et Instagram pour convertir les jeunes à l’actualité. Grâce à sa chaîne YouTube et sur ses réseaux sociaux, le jeune journaliste vulgarise les informations, sous forme de vidéos de 10 minutes résumant l’essentiel de l’actualité.
« Hugo décrypte » est suivi par plus d’un million de personnes sur YouTube et est devenu le porte-voix des jeunes, notamment grâce à une vidéo, intitulée « L’appel à l’aide de notre génération », montrant des témoignages d’étudiants en détresse depuis de début de la pandémie.
D’autres journalistes ont aussi basculé sur les réseaux sociaux, comme Samuel Etienne qui animait jusqu’en avril 2021 « la Matinée Est Tienne » sur Twitch, afin d’échanger avec les jeunes sur l’actualité via la plate-forme de streaming dont il a su s’approprier les codes.
Malgré la maîtrise des outils numériques, les jeunes ne sont pas forcément armés pour faire face au flot d’information déversé quotidiennement sur les réseaux sociaux, et peuvent avoir une vision limitée de l’actualité puisque l’information reçue dépend directement de ses abonnements et des partages de ses amis. Il y a là le risque de s’enfermer dans des bulles de filtres.
Les parents et les enseignants ont un rôle éducatif à jouer pour aider leurs enfants à élargir leurs horizons, à prendre du recul sur le contenu de l’information reçue qui peut être ludique, sans réelle portée informative et bien sûr à situer les sources et développer des « gestes barrières » pour repérer les fake news.
Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.