Dans un univers aussi virtuel que le numérique, chaque pays cherche pourtant à asseoir une certaine souveraineté. Le Sénégal n’est pas en rade. Il inaugure, aujourd’hui, le Datacenter de l’Agence de l’informatique de l’État (Adie). Une infrastructure de dernière génération.
Quand l’ancien Président américain Donald Trump « ordonnait à Google d’arrêter de fournir à Huawei, une marque chinoise, son système d’exploitation Android pour smartphones, il donnait un aperçu des enjeux que constitue la sauvegarde des données pour les pays. Même si le débat s’est passé à mille lieues du Sénégal, il montre à suffisance la complexité de la question de la souveraineté numérique. Aujourd’hui, même si les frontières géographiques ne sont pas celles numériques, comme le souligne Ibrahim Nour Eddine Diagne, Directeur de Gaïndé 2000, chacun cherche à asseoir sa souveraineté.
Décidé à tirer le plein potentiel du numérique, le Sénégal, à travers la stratégie SN2025, nourrit des ambitions de titan à l’horizon 2025. Un chantier de titan qui ne l’empêche pas de veiller à sa souveraineté numérique. C’est tout le sens du Senix ou point d’échange internet lancé en août 2017. Avec cette trouvaille, « les échanges Internet entre Sénégalais n’auront plus besoin de transiter par des routeurs à l’étranger. Nous ne serons plus à la merci du trafic international, car nous avons désormais notre internet local », avait salué Cheikh Bakhoum, président du Conseil d’administration du Senix et Directeur général de l’Adie (Agence de l’informatique de l’État) lors du lancement du Senix.
Interpellé sur l’importance du Datacenter, Alex Corenthin dit tout son soulagement, mais déplore « le temps perdu et les milliards gaspillés pour le paiement de frais de transit indus à des opérateurs internationaux, sans parler des conséquences indirectes telles que le retard accusé par l’économie numérique, fortement tributaire des coûts et de la qualité des liaisons, alors que l’entrepreneuriat et l’innovation explosaient dans notre écosystème ».
Franchir le cap de la souveraineté des données de l’État
Pour Cheikh Bakhoum, Directeur général de l’Agence de l’informatique de l’État (Adie), le Datacenter de type tiers 3, prévu dans le cadre du projet Large Bande, va jouer un rôle majeur au Sénégal dans la protection des données. « Elle va permettre de franchir le cap de la souveraineté des données de l’État. Ce Datacenter va pouvoir héberger l’ensemble des données de l’administration à moindre coût, mais aussi le secteur privé pourra bénéficier de cet espace. L’État est très soucieux de la protection des données des Sénégalais », a-t-il déclaré, à la veille de l’inauguration.
Selon M. Bakhoum, des milliards de données prennent naissance sur notre territoire national, circulent et s’échangent dans notre l’administration et les usagers du service public.
Ce Datacenter de dernière génération, dit-il, permet à l’État du Sénégal de mieux maîtriser son destin et de résoudre définitivement la lancinante problématique de sa souveraineté numérique. « Grâce à cette infrastructure, nous pourrons assurer notre capacité en hébergeant et en sécurisant nos données les plus sensibles qui ne seront plus stockées à l’étranger. Ce Datacenter va pouvoir héberger l’ensemble des données à moindre coût et dans des conditions optimales. Le secteur privé national et international pourra bénéficier de cet espace. Une salle de 250 m² lui est dédiée », a-t-il expliqué.
Dynamique à poursuivre
Pour Mountaga Cissé, spécialiste des Tic, dans la marche vers la souveraineté numérique, il est important d’y aller avec une stratégie. Et selon lui, le Sénégal l’a avec la SN2025 qui regroupe toutes les acteurs de l’écosystème. « Mais il y a des choses qui restent à être évaluées comme l’infrastructure. Parce que la demande que nous avons est de plus en plus importante. Même si nous avons une fibre optique du côté de l’État et des opérateurs, tout ceci doit suivre une bonne logique.
C’est comme ça que nous pourrons prendre de l’avance sur les autres pays de la sous-région », a-t-il analysé. Poursuivant, Mountaga Cissé, par ailleurs formateur au Cesti, estime pour le stockage des données, le plus important, c’est plus la sécurité que le lieu de stockage. « Beaucoup de données sont brassées et une grande partie est stockée à l’étranger. Mais le plus important, à mon avis, c’est qui stocke les données. C’est important d’avoir des garanties », indique-t-il. Cependant, il estime que pour des données sensibles, l’idéal serait de les stocker à l’échelle nationale.
Oumar FEDIOR/LESOLEIL