Le gouvernement du Sénégal, dans le cadre du PSE, avait élaboré la « Stratégie numérique Sénégal 2025 » misant sur la transformation structurelle de son économie pour atteindre une croissance forte, soutenue et durable à travers le développement du secteur des Télécommunications constituant la locomotive de l’économie numérique.
Celle-ci représente pour l’Etat le socle sur lequel allait s’élaborer la transition numérique de toute la société, avec un bouleversement des modes de vie des populations et des modèles économiques des entreprises.
Bâtie sur trois (3) prérequis et quatre (4) axes prioritaires, la stratégie Sénégal numérique 2025 est articulée autour du slogan « le numérique pour tous et pour tous les usages en 2025 au Sénégal avec un secteur privé dynamique et innovant dans un écosystème performant ».
En effet, les prérequis étaient de définir un cadre juridique et institutionnel propice au développement des services numériques, le développement du capital humain axé sur des résultats, l’accroissance de la confiance numérique dans les différents secteurs de l’économie nationale.
La garantie de ces prérequis allait permettre le développement de quatre (4) axes prioritaires que sont :
- axe 1 : Un accès ouvert et abordable aux réseaux et services numériques ;
- axe 2 : Une administration connectée au service du citoyen et des entreprises ;
- axe 3 : La promotion d’une industrie du numérique innovante et créatrice de valeur ;
- axe 4 : La diffusion du numérique dans les secteurs économiques prioritaires .
En résumé, l’aboutissement de ces projets et réformes conduirait, selon le gouvernement, à l’appropriation des services numériques par le citoyen, le particulier et les entreprises privées ou publiques sur l’entendue du territoire national avec des infrastructures réseau de qualité et à moindre coût.
C’est ce qui avait même poussé les acteurs à projeter une con
tribution du numérique au PIB à 10% à l’horizon 2025.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les politiques d’investissement des opérateurs de télécoms sont conditionnées et tournées vers les grandes agglomérations afin de tirer le meilleur Retour sur Investissement possible, ce qui constitue une barrière considérable dans l’atteinte des objectifs de « la stratégie Sénégal numérique 2025 ».
La faible densité par nombre d’habitants dans les autres régions que Dakar, Thiès, Saint-Louis, Diourbel n’est pas souvent favorable aux déploiements de services télécoms (antennes, fibre optique, la technologie 4G & 4G+), et accentue avec le temps la fracture numérique, ralentit le taux de pénétration d’internet et le développement des services numériques de base dans les administrations publiques (mairies, juridictions, préfectures et conseils départementaux)
C’est ainsi que nous observons une situation précaire dans le département de Ranérou Ferlo, situé dans la région de Matam et longtemps négligé par l’Etat et les opérateurs de télécommunications.
Selon le rapport du Service Régional de la Statistique et de la Démographie de Matam sur la situation économique et sociale régionale en 2016, la région de Matam s’étend sur une superficie de 28 532 km2 qui est répartie de façon inégale entre les trois départements que sont Kanel, Ranérou Ferlo et Matam. C’est le département de Ranérou Ferlo qui occupe la plus grande superficie de la région avec 13 329 Km², soit 46,7% de la superficie globale pour une densité de 4 habitants au Km².
Toujours dans ce même rapport, nous notons aussi que le département de Ranérou Ferlo avait en 2016 une population de 57 531 habitants.
Le réseau de la transmission mobile et fixe dans le département de Ranérou est majoritairement partagé autour des opérateurs suivants : Orange, Expresso, Hayo Télécoms.
Par ailleurs, selon le rapport de l’ANSD du projet « A l’écoute du Sénégal 2014 », entièrement financé par la Banque Mondiale, la dépense moyenne en crédit approximativement par mois par habitant en zone rurale tourne autour de 7,9$.
Par conséquent, un opérateur télécoms pourrait faire, dans cette zone, approximativement un chiffre d’affaires annuel de 4, 832, 604 $ soit environ 3 milliards de francs.
Cette faible performance de vente de services numériques combinée aux charges en coût d’équipements de transmission ne favorise pas l’attrait des opérateurs Télécoms dans ce département très vaste mais ayant une très faible pénétration du numérique.
Cependant, l’alternative serait de miser sur une possible expansion qualitative de Hayo Telecom, opérateur de téléphonie à licence universelle pour la région de Matam, 100% de capital sénégalais.
Si les antennes ne suffisent pas, l’Etat doit trouver une stratégie de réduction des impôts pour permettre aux opérateurs de les multiplier dans les communes de Oudalaye, Louguéré Thioly et aussi Badagor situé à 30 km de Louguéré Thioly ce qui va accroire la couverture et la qualité du réseau.
Toute fois le manque de compétitivité par le coût des services TIC demeure un facteur déterminant pour l’universalité de l’accès dans l’ensemble du territoire nationale.
L’Etat doit créer toutes les conditions, comme stipulé dans l’axe 3 de la stratégie numérique 2025, pour que les opérateurs puissent partager leurs infrastructures à moindre coût et essayer de mutualiser les réseaux de pylônes de l’ADIE, la RTS et Orange qui dispose du plus grand réseau de pylônes dans la région de Matam.
En effet, cette politique permettrait de réduire la fracture numérique dans le département de Ranérou et de couvrir toutes les communes et périphéries notamment Oudalaye, Louguéré Thioly qui présentent une mauvaise qualité du réseau.
Il faudra noter que seule la commune de Ranérou dispose de la 4G de Orange, toutes les grandes localités comme Younouféré, Thionokh, Vélingara disposent soit de la 2G et / ou 3G.
L’Etat du Sénégal dans sa mission de service public doit assurer non seulement le maillage routier mais aussi celui du réseau dans le département de Ranérou.
Ce fort maillage permettra de réduire les inégalités sociales, anticiper sur les défis sécuritaires, faciliter la communication entre les services sanitaires et afin mieux gérer les évacuations dans les zones lointaines comme celle de Mbam, située à 72 km de la commune de Ranérou.
L’autonomie du Ferlo dépend fortement d’un fort maillage routier, d’une électrification accentuée en exploitant son fort potentiel solaire (Température Moyenne annuelle 30 °C) tout en sachant qu’« au commencement tout est énergie, tout le reste en découle ».
Toutes ces mesures permettront au département de :
- réduire taux de mortalité dans les établissements de santé ;
- lutter contre le vol et la perte de bétail ;
- veiller à la sécurité des bergers contre les agressions diverses ;
- déployer des solutions de géolocalisation des ressources pastorales en se basant sur les terres de parcours du bétail ;
- utiliser les TIC pour informer les éleveurs sur les ressources des zones de transhumance dans la zone sylvo- pastorale (forage le plus proche, état de santé du cheptel dans chaque zone, qualité de l’herbe) ;
- anticiper sur les défis sécuritaires dans le Sahel en définissant une identité numérique pour tous les acteurs de la transhumance venant de la sous-région (Mali, Mauritanie, Niger) ;
- lancer des plateformes de commercialisation des produits du secteur de l’agroforesterie dont la gomme arabique du Sénégal , Ziziphus mauritiana Lam (jaabe en pulaar), Balanites aegyptiaca(murtode en pulaar).
Sigles et abréviations :
PSE : Plan Sénégal Emergent
TIC : Technologie de l’information et de la communication
PIB : Produit Intérieur Brut
ANSD : Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie
Sources :
Source : ANSD. L2S, Enquête modulaire Téléphonie mobile, mars 2017
Source : Stratégie Sénégal Numerique 2025
Source : Service Régional de la Statistique et de la Démographie de Matam, situation économique et sociale régionale de 2016
Source : ANSD. L2S, Enquête modulaire Téléphonie mobile, mars 2017
Mansour SOW, ingénieur informaticien