Derrière son sourire avenant, et son humilité légendaire qui fait abdiquer les plus teigneux, se cache en réalité un manager alliant bien fermeté et diplomatie. Abdoul Ly, Directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) est de la trempe des dirigeants qui ont parfaitement compris les tares de la gestion : fermeté et négociation.
Un sourire illumine son visage. Il s’est en personne chargé d’ouvrir la porte de son bureau. L’accueil est chaleureux, le débit posé, les mots bien choisis. Le calme règne. Nous sommes dans le bureau de celui qui a la charge de réguler au Sénégal, le très stratégique secteur des télécoms. Il nous accueille pour la prise de photos, à la suite d’une interview qu’il nous a accordée. Abdoul Ly est en quelque sorte le «gendarme» d’un secteur qui génère des milliards de Fcfa de bénéfices annuels, aux différents operateurs. Rien ne semble pourtant emporter l’homme. Cet après-midi, le directeur général de l’Artp est habillé aujourd’hui en costume, chemise, cravate. L’immense bureau qui offre une vue unique en face de la mer est à l’image de l’occupant. Il est modestement décoré. Les Sénégalais ont dans leur majorité découvert ce visage, une fois qu’il a été promu à la tête de l’Artp. Pourtant, membre très actif et acteur dans la cellule des cadres du parti au pouvoir, Alliance pour la République (Apr), Abdoul Ly a très tôt cru et adopté les idéaux de son leader, Macky Sall et l’a constamment accompagné, jusqu’à son accession à la magistrature suprême.
C’est de cette même constance que cet Ingénieur en Génie Électrique (Électronique, électrotechnique, automatisme et Informatique) a fait montre des années durant, vis-à-vis des siens. En effet, l’homme est décrit par les habitants de sa contrée comme «social, humanitaire et très accessible». Il a plus d’une fois posé des actes qui plaident en faveur de l’amélioration du vécu des populations, sans attendre, une quelconque aide extérieure, témoigne, cet habitant de Doumegua Ourro Alpha, au Fouta. Il cultive la discrétion jusqu’à en devenir paranoïaque. D’ailleurs, souligne notre interlocuteur, «à chaque fois qu’Abdoul pose un acte, sa seule condition est que personne ne soit au courant. Ce qui est impossible, car si vous faites du bien pour les gens, la moindre des choses est qu’ils en témoignent en retour», relève t-il, se gardant de donner son nom, soulignant dans un brin de sourire qu’Abdoul n’aime pas qu’on parle de lui. Soit.
Une intransigeance affichée dans différents dossiers
Le Dg de l’Artp est véritablement mis au devant des projecteurs, avec l’affaire des «illimix orange». L’opérateur avait procédé à des changements sur certaines offres illimix. Cette modification n’était pas du goût des consommateurs. Des plaintes ont fusé de partout à travers les réseaux sociaux notamment. Les consommateurs avaient alors exigé le retour des tarifs initiaux. C’est là que le Dg de l’Artp entre en jeu. Il ouvre des négociations, échange avec les différents protagonistes et parvient à trouver une solution. Orange va finalement réintroduire sur le marché de nouvelles offres alternatives dont une à dominante voix à 2 200 Fcfa et une autre à dominante data à 5 500 Fcfa. Cette décision découle de l’injonction adressée par l’Artp à la Sonatel.
Le 1er octobre 2020, l’opérateur de téléphonie Saga Africa Holdings Limited lance ses nouvelles offres sous la marque Free. Trois packages révolutionnaires sont mis à la disposition des usagers avec l’accès à l’application WhatsApp et une utilisation gratuite. Dans une décision rendue le 05 novembre de la même année, l’Artp ne juge pas anticoncurrentielles les offres de Free, à l’exception de la gratuité de WhatsApp. Par conséquent, il somme l’opérateur Saga Africa Holding Limited de retirer immédiatement de toutes ses offres liées à la gratuité de WhatsApp. Plus récemment, certains médias sénégalais ont reçu une mise en demeure de l’Autorité de régulation des télécoms et des postes (Artp). Ces mises en demeure portaient sur le paiement des redevances sur les fréquences. Face à la polémique, le directeur général de l’Artp, Abdoul Ly réagit dans un communiqué de presse pour, dit-il, rétablir la teneur juridique des actes posés.
«La fourniture de services audiovisuels hertziens nécessite de la part des radiodiffuseurs l’exploitation de fréquences dont l’utilisation est autorisée par l’Artp», rappelle l’organe de régulation qui précise que «cette autorisation est assortie d’une obligation de paiement, par le titulaire, des droits et redevances fixés par l’arrêté conjoint n° 25982 du 18 novembre 2019». Le Dg de l’Artp constate «malgré la rigueur des textes, certains acteurs ne s’acquittent pas correctement et régulièrement de cette obligation de paiement». Il précisera être très ouvert à la discussion, mais pour autant, les textes seront respectés, à la lettre.
Des contrôles de routine
Les opérateurs de téléphonie sont constamment mis en demeure par l’Autorité de régulation afin qu’ils fournissent aux populations une meilleure qualité de service. Le 30 juin 2020, le gendarme des télécoms découvre au cours d’un contrôle de routine des manquements sur la qualité de service offert par les trois opérateurs. Il leur sert tous à la fois une mise en demeure pour les amener à corriger au plus vite ces manquements au cahier de charges.
Ce vendredi 26 février, après plusieurs mois de négociations, l’Artp et l’opérateur Expresso Sénégal, filiale du groupe Sudatel ont trouvé un accord pour le déploiement, dans les meilleurs délais, de la licence 4G au Sénégal. L’accord trouvé va permettre à l’operateur Expresso Sénégal, filiale du groupe Sudatel d’étendre le périmètre de sa licence à la 4G, pour la durée de sa concession. La 4G est la quatrième génération des standards pour la téléphonie mobile succédant à la 2G, la 3G et 3.5G (HSPA) ; elle permet d’avoir accès à des débits plus élevés. En pratique, les débits de la 4G, sous certaines conditions, peut atteindre les 1000 MB (1 Gigabit) par utilisateur, selon le nombre d’utilisateurs comparé au maximum de 2 à 42 MB/s de la 3G. Un gain en fluidité et en rapidité donc en efficacité.
Abdoul Ly n’est pas du genre à trop communiquer, pas la peine de lui demander son prochain objectif. Ce qui demeure constant, c’est qu’au vue des résultats obtenus jusque-là, le prochain sera également géré avec la même méthode : négociations, accord et surtout fermeté !
Oumar BA, Le Soleil