Des mois après le lancement de la cité futuriste du chanteur Akon à Mbodiène, dans la commune de Nguéniène, de fortes interrogations, source de suspicion et de scepticisme, prennent corps. Selon certains acteurs, les choses prennent une tournure des plus inquiétantes malgré tous les espoirs placés autour de ce projet gigantesque de ville futuriste.
A l’entame, Akon City a reçu l’agrément de beaucoup d’acteurs locaux. A l’instar de Maguèye Ndao, le maire de Nguéniène, qui a vu dans la venue d’Akon de fermes promesses de réalisations pour sa commune et environnants. Il a été de même pour les feudataires des villages de Mbodiène et autres bourgs ou hameaux polarisés qui se sont empressés d’avoir une vision empreinte de mutations profondes.
Du côté des vaillants ruraux, Akon City incarnait l’espoir de trouver du travail autre que les activités agro pastorales. En parallèle à la création d’emplois, suite à une formation retenue, l’amélioration des conditions de vie avec de gros investissements sur la santé et l’éducation, l’extension du réseau d’assainissement et d’électricité figurent également dans le lit du rêve, de bon ou de mieux vivre à Mbodiène. Il faut dire que le chanteur américano-sénégalais et son projet de ville futuriste ont été accueillis à bras ouverts à Mbodiène, cité rurale où règnent la boucle du gros mil sorgho et du Bassi’’ des terres argileuses et où encore convergent des pistes rurales non asphaltées et empruntées par des charrettes. Comme les troupeaux de bovins qui sillonnent encore de part et d’autre la route départementale menant de Mbour à Joal-Fadiouth et traversant Mbodiène.
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Selon News 24 qui s’interrogeait sur Akon City, « Les dessins, qui montrent des bâtiments brillants et rosés qui se courbent et se courbent comme des vagues, ressembleraient à la maison dans n’importe quel film de science-fiction. Le plan directeur fait par l’architecte Hussein Bakri donne un espace aménagé pour un parking de ‘’voitures volantes ». Et de relever qu’au bout du compte, pour le chanteur sénégalo-américain qui ne cache pas son ambition, « la ville attirera les touristes et créera des milliers d’emplois ». Qui plus est, la société américaine KE International a déclaré qu’elle prévoyait de commencer la construction du projet de 6 milliards de dollars l’année prochaine (2021).
Des questions foncières et autres qui restent non encore élucidées
Seulement, des questions sur les droits fonciers, le financement et la faisabilité restent encore sans réponse. Les habitants se demandent si les avantages promis viendront un jour. Selon un conseiller municipal de Nguéniène requérant l’anonymat, une absence de connexion existe entre la commune et le projet Akon city d’une part et, d’autre part, des difficultés réelles de lecture et de compréhension du projet sont sur la table. A en croire, Xavier Ricou, un architecte et ancien directeur de l’APIX (l’Agence sénégalaise de promotion des investissements et des grands projets), en 15 années de travail à l’Apix, des propositions de personnes voulant ériger des villes partout ont défilé à ses yeux mais ont été plus tard abandonnés. Ils ont montré comment des millions de dollars ont été dépensés sur des plans avancés pour des villes-cités jamais construites. Selon lui, un financement insuffisant, un changement de gouvernement ou d’autres raisons inconnues sont passés par là pour ces projets qui ont plombés. A Mbodiène, ont débuté cependant les travaux d’un centre de jeunesse mis au compte d’Alioune Badara Thiam ou Akon au mois de novembre 2020.
Akon city, 6 milliards de dollars en jeu
Une partie de son enfance passée au Sénégal, suivie d’une installation aux États-Unis, le chanteur s’illustre par une première grande initiative philanthropique. Akon Lighting Africa, un projet d’énergie solaire lancé en 2014, lui a valu beaucoup de suffrages. Il est également derrière Akoin, une crypto-monnaie devant circuler à Akon City (Mbodiène). Dans l’attente d’un démarrage de la ville, Akon city lancée à grande pompe par Akon et le ministre du Tourisme du Sénégal, les choses restent encore à l’état de projet. Des chiffres sont avancés et le budget d’Akon City estimé à 6 milliards de dollars serait pourvu déjà de 4 milliards de dollars. Deux grands complexes, quatre ou cinq hôtels, un hôpital et un parc technologique sont dans le lot de l’attrait de la ville futuriste. Akon City, selon nos sources, serait une destination à la fois pour les habitants et l’élite mondiale. Akon a également déclaré qu’il espère que ce sera un «chez-soi» pour les Afro-Américains.
Inquiétudes…légitimes
Toutefois, pour Pape Massamba Thiaw, un conseiller municipal de Nguéniène et président de la commission jeunesse, «Les études qui ont été réalisées n’étaient pas faites en collaboration avec la commune de Nguéniène». Les inquiétudes de ce dernier reposent sur la déconnexion entre la culture occidentale et sénégalaise, l’impact sur l’environnement et la possibilité de départ des petits hôtels à proximité de la zone. Son vœu est de s’assurer que les jeunes Sénégalais du terroir et de la contrée, puissent travailler dans des bureaux ou les administrations mises en place, pas seulement pour la construction ou la collecte des ordures. « Je ne veux pas que nous soyons seulement des journaliers. Nous devons être parmi les gestionnaires », a-t-il déclaré.
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Pourtant, des assurances données par l’équipe du promoteur disent que « Les entrepreneurs attribueront 90% des emplois aux habitants et construiront des collèges pour former les habitants à de nouvelles compétences ». Les déclarations relatives à la réalisation des études d’impact environnemental et social sont cependant battues en brèche par le conseiller municipal et président de la commission jeunesse. A l’en croire : « aucune étude n’avait engagé la communauté ou n’avait été partagée avec les dirigeants locaux».
504 hectares à Mbodiene et 110 hectares à proximité de pointe Sarrene
Le directeur général de la Société sénégalaise de développement et de promotion des zones côtières et touristiques (Sapco), l’agence d’État à la tête du projet, avance pour sa part des études qui sont toujours en cours. « Le projet n’étant pas dirigé à 100% par la commune de Nguéniène, il y a forcément des craintes et des inquiétudes à ce sujet. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucun problème. Les problèmes surgiront au moment où les promesses ne seront pas tenues’’ a dit un observateur. Pour le maire de Nguéniène, les terres réservées à Akon City, une étendue entre la route et l’océan, ne peuvent plus être cultivées car lourdes d’argile et d’eau salée.
Selon des documents consultés par la Fondation Thomson Reuters, le gouvernement du Sénégal a déclaré en 2014 que 1,8 milliard de francs CFA (3,35 millions de dollars) étaient dû à 385 personnes pour un total de 504 hectares à Mbodiène et 110 hectares à proximité de Pointe Sarrène. « Nous avons essayé de prioriser pour que les villageois de Mbodiène soient payés », a déclaré Aliou Sow, directeur général de SAPCO, ajoutant que les paiements sont « en cours de régularisation ». La première phase d’Akon City sera construite sur 55 hectares, a déclaré l’architecte Hussein Bakri, mais le plan à long terme est d’utiliser les 504 hectares de Mbodiène. Préoccupée par le projet, la section sénégalaise de Transparency International a écrit au ministre du Tourisme en septembre pour demander des précisions sur le régime d’actionnariat, les droits de propriété, les études d’impact et plus encore.
Par Samba Niébé Ba