Le secteur informel représente 55% du PIB cumulé en Afrique subsaharienne, selon la Banque Africaine de Développement (BAD) et, selon le Fonds Monétaire International (FMI), il représente entre 20 et 65% du produit intérieur brut (PIB) dans cette zone.
Malgré ce poids économique plus que important, cette composante de l’économie est très difficile à cerner, partout dans le monde, pour plusieurs raisons.
Pourtant, sa valorisation et son exploitation permettraient d’avoir des données beaucoup plus précises concernant l’économie au niveau local, régional ou même sous régional, donneraient plus d’accès au financement avec moins de risque liés aux crédits et, en fin, boosteraient de façon considérable les recettes fiscales des administrations ou Etats concernés.
Avec l’avancée de la technologie, notamment le digital, il est désormais possible de diligenter cette problématique et d’apporter des solutions sur-mesure selon la zone, les types d’activités répertoriées, leur taille et nombre, etc.
Pour réussir le pari de cette fameuse formalisation, il ne faut pas s’attendre à régler le problème du jour au lendemain sans frais. Comme tout projet, c’est un processus qui exige une organisation, une planification, une certaine chronologie de plusieurs étapes à respecter, des ressources disponibles, qualifiées et quantifiées, des livrables (ou attentes) à chaque étape du projet et un suivi méticuleux avec une réactivité conséquente et adaptée.
Méthodologie de la digitalisation
Etape 1
Tout d’abord, il faut une cartographie des acteurs (les MPME et MPMI) du secteur informel dans la zone (généralement un pays ou une sous-région) en mettant en place une base de données en ligne pour donner à tout acteur la possibilité de s’inscrire s’il le désire. Il faut également prévoir des équipes mobiles qui vont aller sur le terrain et inscrire ceux qui ne réussissent pas à le faire pour des raisons liées à leur disponibilité, leur faible niveau ou absence d’alphabétisation, à la couverture de l’internet ou au manque d’informations sur le projet.
Ces travailleurs sur le terrain vont capturer les coordonnées GPS de chaque entreprise enregistrée et vont, en même temps, sensibiliser l’entrepreneur à constituer légalement sont business pour bénéficier des financements prévus dans l’étape 2. Ceci va le motiver et l’inciter à en parler avec son entourage ce qui va pousser d’autres entrepreneurs à constituer légalement leur entreprise ou au pire des cas, faire des recherches ou enquêtes sur le projet, ce qui sera un point positif pour sa réussite.
Etape 2
Cette phase consiste à inciter les acteurs du secteur informel à s’inscrire en mettant en place un système de financement sous forme de subventions ou un fonds de garantie et une exonération fiscale pour une certaine durée bien déterminée. Elle a, principalement, deux rôles dans la réussite du projet. D’une part, elle va permettre aux acteurs qui ne s’étaient pas inscrits, pour une raison ce soit, de s’inscrire pour bénéficier de ces financements et améliorer leur business.
D’autre part, tous les nouveaux entrants seront informés des financements et vont s’enregistrer le plus vite possible pour faire leur demande de financement. Il faut noter que, à partir de cette 2ème étape du projet, avant toute inscription, il faudra présenter les papiers justificatifs de la constitution légale de son entreprise. Ensuite, durant cette période pendant laquelle l’entreprise rembourse son crédit, elle est exonérée de l’impôt sur les sociétés jusqu’à la 3ème année d’exercice. Ce qui lui permettrait de bien se développer et d’acquérir plus d’expérience avant de commencer à payer les impôts.
Etape 3
Dans cette phase, il faut mettre en place un incubateur c’est à dire une plateforme technologique qui va abriter la base de données de toutes les entreprises enregistrées. Cet incubateur va être conçu de telle sorte que l’Etat aura une visibilité sur toute l’activité de chaque MPME ou MPMI.
Ainsi, ce sera possible, à partir de ce moment, d’apprécier avec beaucoup plus de précision l’économie puisque pour chaque entreprise enregistrée, l’Etat connait, avec précision, son chiffre d’affaire, ses différents types d’actifs et son résultat à tout moment de l’année. Dès lors, une bonne partie du mystère énigmatique de ce fameux secteur informel de l’économie, encore appelé marché noir en Afrique, serait définitivement résolue. Il suffit d’un bon suivi pour créer et maintenir un climat de confiance entre les MPME et/ou MPMI et l’Etat pour un partenariat WIN-WIN.
In fine
La formalisation du secteur informel va considérablement impacter l’économie d’un pays, ou d’une sous-région car elle va créer beaucoup plus d’emploi, de richesse mais surtout va augmenter de façon exponentielle les recettes fiscales. Elle permettrait aux MPME et MPMI de pouvoir bénéficier de financement au niveau des institutions financières, de mettre en place une association voire un syndicat pour avoir un interlocuteur formel qui discuterait avec l’Etat au besoin. Maintenant, la question est de savoir si la volonté, les ressources humaines et financières ainsi que les conditions liées à la stabilité sont-elles réunies pour déclencher ce processus de formalisation ?
Cheikh NDIAYE Digital Financial Services Consultant | Project Management | Trainer