Bercée dans le foisonnement culturel de Saint-Louis, cité qui respire la culture, Hajar Pourmera Thiam n’a pas dévié du chemin emprunté par ses parents, des artistes reconnus. Poète, slameuse, nouvelliste et passionnée d’arts oratoires, cette étudiante en Droit privé appartient à cette catégorie de jeunes femmes porteuses d’espoir et de combats existentiels.
Écrire est, pour elle, une nécessité. Un besoin vital même. La musique est aussi très présente dans sa vie. Parce que Hajar Pourmera Thiam a été, dès sa naissance, bercée par le jazz et la musique classique. Normal quand on est la fille de Khabane Thiam, initiateur du festival de Jazz de Saint-Louis. Alors que tout le monde chez elle gratte sur un instrument, elle a choisi la plume pour s’exprimer. Son instrument à elle pour extérioriser ses pensées, faire passer sa vision des choses, du monde et ses messages à la fois poétiques, réalistes et même révoltés. «Mes activités principales sont la poésie, le slam, la nouvelle et la rédaction de manière générale. Je suis également passionnée d’arts oratoires», dit-elle avec fierté. Dans le sillage de ses parents, elle a donc appris à exprimer ses talents. «J’ai toujours cru que je ressentais les choses de manière hyperbolique et cette éruption de sentiments qui me pousse souvent à cette nécessité de coucher mon désarroi et parfois ma joie sur le papier», explique-t-elle. La jeune Haj’Art, nom d’artiste qu’elle s’est choisie, est une passionnée d’arts. Rien de surprenant. Le fait d’avoir deux parents artistes (sa mère est peintre) y a grandement contribué. «J’ai l’habitude de dire que la peinture est une forme de poésie et ma mère étant peintre, j’ai toujours écrit depuis son ventre et une fois sur terre à travers moi sa peinture est devenue poésie», sourit-elle.
Poètes en vadrouille
Haj’Art n’a pas choisi de devenir poète ou slameuse. Elle le clame tout haut. Elle a choisi le slam pour, dit-elle, que sa poésie soit totalement libre et parce qu’elle préfère la rythmique du slam. Mais précise-t-elle, «la poésie vient avant slam pour moi». Très jeune donc, la jeune femme a été propulsée sur le devant de la scène du slam et elle n’a pas mis du temps pour comprendre que cette expérience poétique est un passeport pour le monde de l’imaginaire. «J’ai toujours aimé écrire puis, à l’adolescence, j’ai découvert le slam grâce au poète Assane Dieng. J’étais membre de ce qu’on appelait les «poètes en vadrouille» et j’ai appris à comprendre que je ne faisais pas que de la poésie, mais du slam aussi», affirme-t-elle. Et de préciser : «Le slam est venu à moi naturellement, j’en faisais déjà sans savoir le nom que cela portait». Pour Haj’Art, l’écriture en général et la poésie en particulier représentent «une inspiration qui se transforme en expiration, une respiration». Si écrire est, pour elle, comme un besoin, le slam est une forme de liberté. «Le slam a cette capacité de nous permettre de nous exprimer de toute notre âme sans aucune résignation», fait-elle savoir. Haj’Art slame pour le plaisir, elle n’exclut cependant pas le fait d’avoir des projets. Depuis qu’elle a découvert cet art, elle a sillonné le Sénégal, le monde avec des textes engagés et poétiques, et se réjouit d’avoir une équipe qui la soutient et l’aide dans son travail. «L’année dernière, nous avons organisé la première édition du festival international de slam, «Slam Nomade», à Saint-Louis, regroupant des slameurs de plusieurs horizons. Et nous sommes d’ailleurs en train de préparer la deuxième édition du festival», rappelle la jeune femme qui, à travers ses mots, se dévoile, met son art au service de la société. En 2015, elle a reçu une mention spéciale du Prix littéraire Alain Decaux de la Francophonie. Cette distinction lui a permis de comprendre qu’il fallait continuer et persévérer. Elle lui a aussi permis de lire sa nouvelle «À la découverte de soi» au musée «La Villa des Arts de Casablanca». Cerise sur le gâteau, dit-elle, «j’ai été invitée plusieurs fois là-bas pour présenter ma poésie et ma nouvelle».
La vie, thème de prédilection
Aujourd’hui, Haj’Art fait également de son engagement une activité quotidienne qu’elle nourrit de ce qu’elle vit elle-même. Et la vie reste son thème de prédilection. «Tout ce que j’écris vient du plus profond de moi-même et me tient à cœur. Je pense qu’il n’y a qu’un seul thème qui regroupe toutes mes errances et c’est la vie», note-t-elle.
Le slam qui demeure un moment de partage poétique et une façon de s’exprimer, a acquis ses lettres de noblesse au Sénégal, et à Saint-Louis particulièrement, mais la slameuse regrette cependant qu’il n’y ait pas d’espace qui leur est dédié dans la vieille cité, ville culturelle par excellence. «Avant, la galerie Ataya permettait aux poètes en vadrouille de se retrouver chaque dernier mercredi du mois ; mais cet endroit n’existe plus depuis quelques années. Il y a cependant plusieurs structures qui aident les slameurs à développer leur art», regrette-t-elle.
Selon Haj’Art, une bonne slameuse ou un bon slameur, «c’est quelqu’un qui aime ce qu’il fait, est passionné et travaille pour aller de l’avant». Auteur de «Lambeaux d’errance », recueil de poèmes paru en février 2019 aux éditions l’Harmattan, Haj’Art ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. «J’écris depuis que j’ai 5 ans et j’avais envie, à travers ce recueil représentant des parties de moi, de mon être et de mon âme, de montrer ces différentes étapes de ma vie», précise-t-elle. La Saint-Louisienne espère un deuxième recueil ou même un roman. En attendant, elle a publié un poème dans le recueil de l’activiste Jerry Azilinon. Elle a aussi participé à la campagne #LimeyYegg de Sos Sénégal.
Haj’Art compte faire d’autres collaborations, car elle avoue être «très satisfaite» de celles faites avec les artistes Grand Ly et Ndary Diouf, sans oublier le projet Deuk-Bi avec l’Institut français de Saint-Louis, d’éminents artistes saint-louisiens et le grand compositeur Henri Guillabert. Aujourd’hui, Haj’Art a des projets plein la tête. Elle veut se faire une place dans la sphère artistique et devenir une slameuse reconnue, Mais, pour l’instant, ses études en Droit privé à l’université Gaston Berger de Saint-Louis restent la priorité de cette artiste et apprivoiseuse des mots.
Le Soleil