jeudi, novembre 21, 2024

Entretien avec Stéfano Amékoudi : « Utiliser les logiciels libres pour être plus compétitif sur le marché »

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Les 10 et 11 mai passés, Mozilla Sénégal a célébré le Mozsnday, dont le thème était « Le web en tant que plateforme ». Et durant deux jours le web libre et l’innovation ont été célébrés.

Ainsi, nous avons profité de ces moments du libre pour poser quelques questions à l’un des membres de la plus grande communauté des logiciels libres de Dakar : Dakar Linux Users Group (DakarLUG). Il s’appelle Stefano AMEKOUDI. Il est le Directeur du Campus numérique de l’Agence Universitaire de la Francophonie de Dakar.

Vous avez fait une présentation, pouvez-vous nous rappeler sur quoi portait-elle ?

J’ai parlé de logiciels libres de façon générale, en abordant les aspects fondamentaux, définition de logiciels libres, la culture du libre, la communauté, comment contribuer avec toutes les formes et j’ai aussi fait une petite emphase sur les distributions Linux et Linux en particulier. Car nous avons fait une install party, une fête d’installation dans l’après-midi.

Pouvez-vous nous expliquer un peu le concept de libre et d’open source. C’est quoi un logiciel libre et c’est quoi un logiciel open source ? Car c’est un peu confus dans la tête de beaucoup d’internautes.

Pourtant c’est simple. D’abord, un logiciel est dit libre s’il respecte quatre choses. On parle de quatre libertés de logiciel : la première liberté qui donne le droit à l’utilisateur de pouvoir disposer du logiciel et de l’utiliser à n’importe quelle fin. La deuxième qui donne le droit de pouvoir étudier le logiciel, de voir son comportement et de l’adapter à ses besoins. La troisième liberté qui est la possibilité de redistribuer un logiciel, le mettre en téléchargement, le donner à n’importe qui. La dernière qui est la liberté de pouvoir améliorer le logiciel s’il ne répond pas à vos besoins, de voir et mettre à disposition des améliorations que vous avez faites. Donc, vous voyez bien, parmi ces quatre, il y a deux qui nous disent, pouvoir modifier le logiciel, pouvoir l’étudier, pouvoir l’améliorer. On ne peut pas faire cela si on n’a pas accès à ce code que le programmeur, le développeur a fait. C’est ce qu’on appelle le code source ou le programme du logiciel. Mais aussi les quatre libertés des logiciels libres donne droit aussi à mettre à la disposition et à ouvrir le code source. En opposé, dès qu’une de ces quatre libertés est brimée, le logiciel n’est plus libre. Cette définition a été mise en place par l’un des pères du logiciel libre. C’est lui qui a développé l’un des gros outils qui est GRUB mais qui, surtout a mis en place cet aspect juridique des logiciels libres. Un logiciel n’est défini que par sa Licence. Ce sont les Licences libres qui font qu’un logiciel est dit libre. Et l’un des pères qui a écrit cette licence, la première, s’appelle Richard Stallman. En opposé de sa fondation, Free Software Foundation, il y a eu un autre penchant qui est OSI (Open Source Initiative), l’organisme qui définit aujourd’hui ce que c’est un logiciel à open source. Eux sont plus orientés vers l’aspect technique. Donc, juste l’ouverture du code. Aujourd’hui un logiciel peut avoir son code source ouvert, disponible mais brider par exemple la liberté de pouvoir redistribuer. En résumé un logiciel peut avoir le code source ouvert mais tant que les trois autres libertés ne sont pas à la disposition de l’utilisateur, il n’est pas libre. Un logiciel libre est toujours ouvert ou bien son code source ouvert mais celui à code source ouvert n’est pas n’est pas forcément un logiciel libre.

Parmi ces deux logiciels, lequel peut-on télécharger gratuitement sur internet ?

Il faut faire attention à ce mot que tu viens d’utiliser, « gratuitement ». On a défini les quatre libertés tout à l’heure : utiliser à toute fin, copier, redistribuer, étudier et améliorer. En aucun moment on a dit pour copier il faut faire gratuitement. La notion de valeur financière ne fait pas partie des quatre libertés . Un logiciel peut être libre mais pour l’acquérir on peut te demander de payer. Le concepteur peut dire qu’il a besoin de café pour faire son travail. Donc il faut payer pour ça. Le tant de travail, de jours qu’il a passé pour créer son code, il peut demander à être rémunérer. Mais ce que je veux dire, c’est simplement quand vous aurez le logiciel, vous pouvez en faire ce que vous voulez avec. Libre ne veut pas dire gratuit. Mais c’est parce que, généralement on dit que vous pouvez redistribuer et copier. C’est cela qui fait qu’une bonne partie des logiciels libres est gratuite.

Selon vous, quel impacte pourra avoir ces logiciels libres dans les TIC ici en Afrique ?

Dans ce monde de concurrence où nous vivons, les entreprises des pays développés ont plus d’opportunités que nous pour accéder à des outils, à des financements. Le milieu universitaire, de l’éducation a plus de subventions. Or, pour que nous, pays sous développés en Afrique, puissions être plus compétitifs, pour créer de la valeur, il faut que nous puissions trouver des moyens de pouvoir être en mode de « co-mpétition ». C’est-à-dire, être en coopération sur les chaînes de valeurs où, nos sociétés, nos entreprises pourront y gagner et aller sur les chaines où nous avons de la valeur ajoutée.

L’exemple le plus simple est celui de Linux où de grandes sociétés comme IBM, Hp, Cisco et Oracle mettent de la valeur en donnant du temps de travail de leurs ingénieurs afin de développer cet outil. Parce que si Linux est bon, plus ils pourront vendre leurs produits. Ils contribuent à faire développer l’outil et ils rentrent en compétition sur le marché dans le domaine où ils ont de la valeur ajoutée. C’est comme ça que nous devons réfléchir aujourd’hui en nous mettant de la matière dans le logiciel libre. Si nos communautés collectives, nos mairies se mettent ensembles, en disant par exemple nous avons besoin d’un outil de gestion pour la mairie. Au lieu de recruter un ingénieur qui coutera cher, donnons tous ensembles un peu de temps à nos techniciens qui vont contribuer sur un projet. Ce dernier sera libre, d’autres personnes vont contribuer aussi pour qu’il grandisse rapidement. Ainsi, il va répondre plus à nos besoins et le coût sera réduit. Pour qu’une université comme celle de Dakar achète un logiciel, cela lui coutera des millions. Dans ce cas, l’argent peut être utilisé dans la construction d’un bâtiment ou la formation de professeurs. Ces logiciels nous permettent de créer de la valeur, d’être plus compétitifs, de maitriser le coût de nos achats, de gagner dans « l’interopérabilité » de nos systèmes. Si on a un logiciel aujourd’hui, demain on ne sait pas si la société qui l’a développé existera ou pas ? Et si la société meurt, on commence à se tirer les cheveux, en se demandant comment faire pour que nos logiciels continuent à vivre ? Ce n’est pas le même cas avec un logiciel libre où mal gré que celui qui l’a développé meurt, le logiciel est dans la communauté. Cela permet d’avoir une souveraineté sur nos données.

Voilà tous ces éléments qui font que nos Etats, nos administrations et nos pouvoirs public doivent faire le pari des logiciels libres. Autre chose, un ingénieur qui s’investie dans un logiciel libre est connu partout dans le monde entier, parce qu’il y a ce concept de faire réseau de méritocratie qui est à l’intérieur.

D’après tout ce que vous avez développé, peut-on dire que le futur, l’avenir des TIC, c’est le libre ?

Dans le milieu universitaire on peut soutenir cela. On gagne en recherche et développement parce que la communauté contribue. Et en même, on contribue à la formation de futurs cadres, de futurs ingénieurs, de futures compétences. On crée de la valeur qui se renouvèle, qui ne s’arrête pas. La recherche scientifique est basée sur le principe selon lequel, mon travail est ouvert. Ce qui permet de faire en sorte que la recherche de l’un débute par les résultats de l’autre. L’avenir des technologies de l’information dépend de cela. La preuve, c’est que toutes les statistiques montrent que l’innovation dans les TIC provient de ces logiciels libres.