Lors de la cérémonie de fin d’année au Prytanée militaire de Kadiogo (PMK), le vendredi 26 juin 2020, le chef d’état-major général des armées, le général Moïse Miningou, a encouragé les pensionnaires du PMK avec l’histoire de la jeune Yobi Barry, sous-major de la classe de 2de C. Une jeune fille au parcours difficile mais qui, avec abnégation et persévérance, est en train de réaliser son rêve. Grâce notamment à un cri du cœur lancé en juin 2019 sur Lefaso.net par un contributeur régulier du site, le Dr Issaka Sondé.
Malgré sa moyenne de 18,18 sur 20 à la session de 2019 du BEPC, Yobi Barry ne pouvait pas poursuivre ses études, faute de moyens financiers. Mais suite à un cri de cœur lancé par Dr Issaka Sondé sur Lefaso.net, la jeune brevetée a été récupérée par le PMK et admise exceptionnellement en classe de 2de C. Pour sa première année scolaire dans cette école, ce génie va impressionner plus d’un en se hissant à la 2e place du classement final, avec une moyenne de 15,85 sur 20. Un résultat qui donne raison à la décision qu’avait prise le pharmacien Issaka Sondé de porter son histoire à la connaissance de l’opinion publique un an plus tôt pour que des gens de bonne volonté puissent lui venir en aide.
- Yobi Barry a obtenu la moyenne de 18,18 sur 20 à la session de 2019 du BEPC
En rappel, voici l’histoire de la jeune Yobi Barry que nous avait transmise le Dr Issaka Sondé et que nous avions publiée le 25 juin 2019 sur Lefaso.net :
« Issue d’une famille modeste, Yobi est loin d’être une de ces filles à maman « gâtées » dès la naissance par la bien aisance de ses parents. Avant elle, aucun membre de sa famille n’avait pris le chemin de l’école. Avec elle, ce serait la même chose, si elle n’avait pas intuitivement décidé d’elle-même de changer la donne.
Coup du destin ?
Tel semble être le cas ! Un beau matin, Yobi, annonça fermement à son père son désir ardent d’aller à l’école. Ce fut une stupéfaction totale au niveau de la famille d’autant plus que personne ne savait d’où lui venait cette idée saugrenue. Son père était sceptique, lui qui n’avait même pas songé à mettre le grand-frère de Yobi à l’école, à fortiori Yobi elle-même. Il était vraiment réticent, mais au regard de la détermination de Yobi et vu que sa mère ne s’était pas opposée à l’idée surprenante de sa fille, il finit par y adhérer.
A la rentrée scolaire 2008-2009, Yobi foula pour la première fois la cour de l’école bien distante de chez elle et dont elle aurait à parcourir le long chemin matin et soir, à pied, malgré son jeune âge. Au CP1, tout se passa bien, de même qu’au CP2. Yobi se révéla une élève douée, talentueuse et disciplinée. Malheureusement, sa scolarité a failli tourner court.
En effet, à la rentrée scolaire 2011-2012, pendant que Yobi se préparait pour le CE1, son grand-frère fugua et alla rester chez ses grands-parents. Quelle décision fut prise par son père ? L’ânesse met bat pour que son dos se repose, dit-on. Il opta pour la plus simple des solutions. Yobi fut contrainte de perdre une année scolaire pour garder le troupeau en lieu et place de son aîné absent.
Fort heureusement, avant la rentrée scolaire suivante, le grand-frère réapparut et Yobi manifesta à nouveau son désir de repartir à l’école. Ce fut chose faite à la rentrée 2012-2013. Yobi reprit le chemin de l’école pour la classe du CE1. Tout se passa bien jusqu’au CM1 où son maître eut la bonne idée de l’inscrire au Certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE) au regard de ses performances scolaires.
A l’examen blanc, Yobi quitta son école de trois classes et alla à l’école du village voisin se frotter aux costauds du CM2. Elle se classa première à l’examen blanc.
Au vrai examen, elle démontra avec brio que le maître a été bien inspiré de l’inscrire pour le CEPE, bien qu’elle soit en classe de CM1. Ce fut un grand succès. Yobi obtint le CEPE et l’entrée en 6e. Cerise sur le gâteau, elle se classa première de sa circonscription et rattrapa en même temps l’année scolaire perdue en 2011-2012.
Pour la rentrée scolaire 2015-2016, le chemin du collège s’ouvrait à elle pour la classe de 6e. Mais où ? Chez qui rester pour fréquenter ? Trouver un tuteur n’était plus chose aisée comme par le passé. Entre-temps, le père de Yobi avait aussi fini par comprendre l’importance et la nécessité absolue que Yobi poursuive son école. N’avait-elle pas déjà rapporté un vélo flambant neuf à la maison, récompense de son rang de meilleure élève de sa circonscription scolaire ? Il demanda donc conseils sur la conduite à tenir au maître de Yobi qui lui suggéra d’envisager l’internat du collège Marie-Reine de Tenkodogo, ce qu’il accepta sans hésiter.
Au test de recrutement, Yobi se classa troisième et fut retenue. A la rentrée 2015-2016, pour la première fois, elle devait quitter ses parents pour la vie de l’internat en classe de 6e. Au premier trimestre, elle occupa le deuxième rang de sa classe et pleura amèrement. Au deuxième trimestre, elle rectifia le tir et prit les commandes de sa classe qu’elle conserva pour de bon jusqu’en classe de troisième.
De la 6e à la 3e, les moyennes générales de Yobi ont été les suivantes : 6e : 18,60 ; 5e : 18,75 ; 4e : 18,39 ; 3e : 17,13 en classe et 18,18 au BEPC.
Comment ne pas avoir d’admiration pour une telle élève ? Et je reste convaincu que le meilleur reste à venir. Yobi a très tôt su ce qu’elle veut et s’est frayée son chemin. Elle mérite un accompagnement spécial pour aller le plus loin possible. Après son résultat de la classe de 6e, j’ai tenu à lui faire plaisir en lui offrant un cadeau. Bien entendu, je lui ai laissé la latitude de fixer elle-même la nature du cadeau qui lui conviendrait le mieux. En réponse, elle a souhaité avoir un bon dictionnaire de français. Je fus vraiment émerveillé.
D’autres à sa place auraient sans doute demandé un téléphone tactile !
J’ai tenu à partager avec vous le parcours de cette fille formidable, sereine, au calme olympien, qui aurait pu ne jamais aller à l’école, n’eût été le coup du destin. Je lui souhaite une bonne suite au lycée et je reste convaincu que le meilleur reste à venir. Je remercie tous ceux qui l’ont soutenue, ont cru en elle ; l’ont enseignée et éduquée. Je ne citerai pas de nom, mais ils se reconnaitront. Que le Seigneur les récompense au centuple ! »
C’est donc cette publication sur Lefaso.net qui a changé le parcours scolaire et le cours de la vie de la jeune Yobi Barry. Elle a été reçue au Prytanée militaire de Kadiogo (PMK) grâce au Dr Issaka Sondé, au commandant du PMK, le lieutenant-colonel Ismaël Diaouari, et grâce à la hiérarchie militaire et aux autorités.
- Yobi Barry, sous-major de la classe de 2de C
Pour le Dr Issaka Sondé, que nous avons joint au téléphone le 29 juin 2020, après la publication des résultats 2019-2020 de la demoiselle, « c’est la joie, la pleine satisfaction d’un devoir accompli, d’avoir été utile à autrui. Plus que jamais, je suis convaincu qu’il suffit souvent de rien du tout pour construire une vie. Du reste, à part le fait qu’elle est très intelligente par rapport à moi, mon histoire n’est pas très différente de la sienne. J’ai connu le même parcours assez difficile, et donc assez sensibilisé pour devoir compatir à toute situation semblable ! Le sentiment qui m’anime aussi, c’est la forte conviction et la preuve qu’il y a toujours des nombreuses bonnes gens à tous les niveaux de notre société. Comme le disent si bien les Hindous, « si tu veux véritablement connaître le cœur d’une personne, observe simplement comment elle se comporte avec les gens qui ne peuvent rien lui apporter ». Sur tout le parcours de Yobi, ces gens bien lui ont spontanément tendu la main. Qu’ils en soient récompensés au centuple ! ».
Le Dr Issaka Sondé est toujours resté en contact avec Yobi Barry et se dit fier du parcours atypique de la jeune fille. « Vivement qu’elle continue à briller, à scintiller et qu’elle soit un modèle pour la jeunesse, pour les jeunes filles et garçons du Faso », a-t-il souhaité.
Mamadou ZONGO (stagiaire)
Lefao.net