vendredi, novembre 22, 2024

Didier Raoult, un communicant anti- système

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Didier Raoult, était seulement, une star dans le monde de l’infectiologie mais depuis l’apparition de la covid-19, ce natif de Dakar est devenu un vrai influenceur, un communicant anti- système.

Plus il est controversé, plus il devient populaire : l’infectiologue Didier Raoult est la figure anti-système qui a émergé de la crise sanitaire. Les ressorts inédits de sa communication font de lui un outsider même dans cette catégorie.

Cet article est à retrouver dans le « Carnet des médiologues », où vous pouvez retrouver Régis Debray et sa bande chaque semaine.

« A Marseille, on a pas besoin de masques, on a Didier Raoult ! ». Le livre du plus rock and roll des druides caracole dans le top 20 des ventes, sa chaîne Youtube a décuplé son nombre d’abonnés. Outsider, en butte à tout ce qui représente le pouvoir central, il capte sur les plateformes en ligne une audience que la presse professionnelle n’est pas en mesure d’intéresser.

Raoult sait qu’il a fait apparition dans les médias dans un moment de fragilité mentale collective inédit.

L’IMAGE DE LA SCIENCE EN JEU

L’OMS contredit les conclusions du professeur sur le bénéfice d’un traitement à la chloroquine dans le cadre du Covid-19. Mais, il y a quelques mois, cette même organisation internationale s’est montrée incapable d’anticiper la pandémie.

Lorsque la renommée revue scientifique américaine The Lancet publie ses conclusions, le grand public croit Raoult K.O. Mais, le scandale arrive rapidement autour de Surgisphere, la société américaine qui a fourni et analysé les données sur lesquelles des chercheurs se sont appuyés pour évaluer l’efficacité de la controversée hydroxychloroquine contre le Covid-19. Des scientifiques ont décelé des incohérences dans les chiffres et les statistiques de l’étude. Surgisphere a refusé de donner accès à ses données, a empêché toute évaluation indépendante des travaux et semé un peu plus le doute sur la fiabilité, voire l’existence de la base de données. Leurs travaux parus dans The Lancet sont donc indéniablement biaisés. Coup de théâtre : trois des auteurs de l’étude se rétractent. Dernier rebondissement, l’essai randomisé Recovery (Grande Bretagne) semblait conclure à l’absence d’effets du traitement administré par Didier Raoult sur des malades hospitalisés. Jusqu’à un prochain rebondissement ? La presse scientifique se lasse, à l’image de « Futura », dont les journalistes refusent de traiter pour le moment le sujet de la chloroquine.

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La question « qui croire ? », ce n’est donc pas lui qui la pose, mais bien la communauté scientifique, la presse, et chacun d’entre nous, agités de doutes au quotidien.

LE MONOPOLE DU RÉEL

Depuis mars, l’infectiologue construit le récit d’un praticien porteur de solutions : quand les autorités paraissent hésiter, lui délibère et agit. Son story telling n’est pas celui du génie providentiel mais plutôt celui du savant qui s’attache à replacer la recherche scientifique dans l’ordre des activités humaines. On notera l’habileté du discoureur outsider auto-proclamé, qui ne prétend pas détenir la vérité, mais tenir de la réalité. Le méditerranéen s’octroie le monopole du réel.

Lorsque Raoult qualifiait, il y a deux semaine déjà, l’étude parue dans The Lancet visant à prouver l’inefficacité du recours à l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 d’« espèce de fantaisie complètement délirante », c’est pour lui opposer « le réel observable ici ». In situ, dans le bureau de son IHU marseillais, il tourne et diffuse une vidéo : « Comment voulez-vous qu’une étude foireuse faite avec les  »big data » (masse de données) change ce que nous avons ? ». Il transpose alors des catégories du discours scientifique vers des catégories appartenant au plan du politique. Quand il oppose le « big data » au « réel observable ici » (sic), l’infectiologue reprend à nouveaux frais la dichotomie « pouvoir central/acteurs locaux ». Sa popularité est décuplée.

En 2020, des milliers de vues et d’abonnés sur une chaîne Youtube créditent davantage que quelques membres de jury d’un prix Nobel.

« Quand je fais une vidéo, j’ai trois fois le tirage du Monde. Il faut regarder la réalité en face », se vante le professeur Raoult dans les colonnes de L’Express. Si sa posture anti-média passe par l’orchestration d’un clash avec la presse ou la télévision professionnelles, c’est parce que le rapport de force lui parait indispensable pour confronter ses interlocuteurs au réel. Sur LCI, Raoult renvoie Pujadas sur le ring du réel pour lui prouver que sur ce terrain, la star des journalistes de télévision ne peut être que perdante.

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L’étendue du succès de Didier Raoult se mesure à la longueur des files d’attente quotidiennes devant son IHU, files filmées par les chaînes de télévision d’information en continu : son acte médical, transitif et immanent, est un moment de sa communication médiatique.

D’où le fait que Raoult bénéficie d’une surface médiatique largement plus vaste qu’une Emmanuelle Charpentier, cette généticienne français nommée au Nobel et qui est à l’origine de la découverte et de la compréhension du fonctionnement de CRISPR-Cas9. En 2020, des milliers de vues et d’abonnés sur une chaîne Youtube créditent davantage que quelques membres de jury d’un prix Nobel. Est-ce à dire que la viralité vaut mieux que la validité ? Peu importe. Dans le champ discursif de Didier Raoult, la question de la valeur n’a pas à se poser. Seule compte la réalité de l’influence

Avec marianne.net