vendredi, novembre 22, 2024

SANTE- « Tout est fait pour écarter le Pr Moussa Seydi de la riposte contre le coronavirus »

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C’est connu par beaucoup de Sénégalais qui suivent l’actualité et les sorties du ministère de la Santé au Sénégal: le chef du Service des maladies infectieuses, le Pr. Moussa Seydi, et le département de Diouf Sarr ne sont pas au beau fixe.

D’après certaines indiscrétions faites à ‘’EnQuête’’, tout est fait pour savonner la planche à M. Seydi et l’écarter de la riposte contre le coronavirus, d’où la nomination du Pr. Ndour à la tête d’une structure ‘‘concurrente’’. Des assertions que le directeur de cabinet du ministère, Dr Aloyse Diouf, a rejetées. 

Que se passe-t-il au ministère de la Santé et de l’Action sociale ? C’est la question que tout le monde se pose. Au moment où la maladie progresse, on apprend que l’union sacrée qui a prévalue en début de crise se fissure, depuis que les coups bas, le clanisme et la guerre des ego ont fait leur entrée, dans ce match compliqué contre la Covid-19. Des praticiens soutiennent que, depuis un certain moment, la machine de guerre est grippée. Les divergences, soulignent-ils, ont commencé depuis la sortie médiatique du chef du Service des maladies infectieuses et tropicales de Fann et figure de proue de la lutte contre la pandémie, le professeur Moussa Seydi, à Ziguinchor. Coordonnateur de la prise en charge médicale des malades de la Covid-19, le Pr. Seydi s’est rendu dans le sud du pays pour observer l’opérationnalité des services sanitaires en place dans ce contexte de pandémie.

Après avoir salué la bravoure du personnel soignant, il a déploré l’état dans lequel se trouve le service de réanimation de l’hôpital de Ziguinchor. « Le service de réanimation, disait-il, n’est ni fonctionnel ni construit selon les normes, pour prévoir le pire ». Un discours qui, dit-on, a fait grincer des dents en haut lieu au ministère dirigé par Abdoulaye Diouf Sarr. Ce fut le début de la ‘’guerre’’, informent des sources. Depuis ce jour, nous souffle-t-on, tentations et tentatives d’écarter le Pr. Seydi de la riposte contre la Covid sont allées crescendo. Mais ce n’est pas une mince affaire, puisque son plus grand atout est d’avoir comme interlocuteur direct le boss de Diouf Sarr : le président Macky Sall. 

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Des informations recueillies, il nous revient que si la tutelle veut ‘’exclure’’ Prof Seydi, c’est parce que ce dernier est intransigeant. Depuis le début de la pandémie, ‘’il n’est pas dans les compromissions. C’est pour cette raison, d’ailleurs, qu’on n’a jamais voulu de lui à la tête du service des maladies infectieuses. Tout ce qui l’intéresse, c’est la science. Le chef du service des maladies infectieuses n’est plus consulté. Ils sont en train de le pousser vers la porte de sortie’’, dit-on.

Pourtant, bien avant ceci, le professeur aurait diligenté la mise en place de l’aérogare de Yoff pour la prise en charge des malades. En effet, d’après nos interlocuteurs, après consultation du président Macky Sall, le professeur avait proposé l’érection de l’hôpital de Diamniadio en centre de traitement. Pareil pour l’hôpital Principal et le centre de Darou Marnane à Touba. Il avait même, poursuivent nos interlocuteurs, nommé les responsables de ces centres de traitement. Mais aujourd’hui, il n’est plus au cœur de la prise en charge. ‘’La preuve par toutes les extensions comme l’aérogare de Yoff, le site de Ngor. Il n’est pas informé. Pareil pour les hôtels transformés en centres de traitement’’.

En effet, explique-t-on, ‘’lors de la première rencontre, le ministre Abdoulaye Diouf Sarr avait pris la décision de mettre sur pied une commission scientifique avec comme coordonnateur le professeur Moussa Seydi. Ce qui renvoie à la coordination suivi-maladie, l’évaluation, le fonctionnement et l’environnement sanitaire. Seulement, depuis lors, il n’a pas sorti la note. En lieu et place, il a créé le Comité recherche et éthique haut niveau. C’est là que les chamboulements ont commencé. Car une commission du genre existait déjà au sein de la tutelle. Elle est en principe chargée du protocole’’. D’ailleurs, de nombreux praticiens se demandent comment peut-on réussir cette riposte sans cette commission. C’est ce qui explique, selon eux, tout ce qui se passe comme la valse-hésitation au ministère de l’Intérieur qui a pris une décision pour revenir dessus deux jours après. ‘’Tout ce désordre est dû au fait qu’il n’y a pas une instance où les gens peuvent se réunir pour prendre une décision’’, explique un spécialiste.

‘’J’apprends beaucoup de choses dans les journaux’’

Pour en finir avec lui, soulignent nos sources, le ministre aurait nommé le directeur de la Division de la lutte contre le sida et les IST, le professeur Cheikh Tidjane Ndour, responsable de la prise en charge extrahospitalier. Une occasion, selon elles, de réduire les pouvoirs et de barrer la route au Pr. Seydi.  ‘’Le Prof Seydi est responsable de 60 % des centres de prise en charge. Pour contourner cela, ils ont mis à la place une autre personne qui va être autant responsable que lui à la prise en charge extrahospitalière. Il aura sous sa responsabilité plusieurs structures. C’est-à-dire, ils ont trouvé un autre répondant qui pourra faire la même chose que lui. Ils le font en renforçant un peu les responsabilités du Pr. Ndour. C’est un remplacement qui ne dit pas son nom’’, développe un praticien.  A côté, ajoute-t-il, les travaux entrepris à l’hôpital Fann sur proposition du Pr. Seydi ont été brusquement stoppés. ‘’De guerre lasse, le professeur a avisé le président de la République pour lui dire qu’on ne doit plus marcher sur ses platebandes. Le président Macky Sall a ordonné à Abdoulaye Diouf Sarr de mettre fin à ce torpillage. Malgré tout, il maintient la démarche’’, fait savoir un expert qui reste convaincu que ‘’ces promotions faites au colonel Ndour sont une façon d’écarter Moussa Seydi à qui on n’a pas pardonné ces prises de position et décisions depuis le début de la crise’’.

 Joint par ‘’EnQuête’’, le Pr. Cheikh Tidiane Ndour nous recommande de contacter le ministère. ‘’J’ai vu ce qui est écrit dans les journaux. Mais vous savez aussi très bien là où il faut prendre l’information. Apparemment, c’est le ministère qui nomme. J’apprends beaucoup de choses dans les journaux. C’est pourquoi il faut aller là où vous pouvez avoir la bonne information, au ministère’’, conseille le Pr. Ndour.

Quant à nos tentatives de joindre le professeur Moussa Seydi, elles sont restées vaines.

Climatisation centrale des réceptifs hôteliers : le vecteur improbable

Par ailleurs, une source précise que les ‘’guerres’’ fratricides pour la gestion de la riposte génère des flux financiers importants. A ce rythme, soutient-elle, les milliards de la lutte contre le coronavirus risquent d’assouvir plus des appétits politiques que de stopper l’accroissement de la pandémie. Pire, le choix de certains réceptifs hôteliers sans l’approbation des personnes habilitées serait même à l’origine de plusieurs contaminations, avec la climatisation centrale dont ces hôtels sont dotés. Des décisions prises à l’emporte-pièce qui vont peser lourd sur la balance, au moment du décompte.

‘’Abdoulaye Diouf Sarr doit dire la vérité sur ce qui se passe au district Ouest. Certains comportements risquent d’affaiblir la stratégie mise en place. Nous ne pouvons pas continuer à nous exposer. Certains réceptifs hôteliers sont hors norme, avec une climatisation centrale vecteur de contamination’’, dénonce un praticien. Avant d’informer que le ministère est en train de transformer certaines structures de prise en charge médicale qui fonctionnaient correctement en centres de traitement. C’est l’exemple du district sanitaire de Ngor qui fonctionne correctement. ‘’Ils veulent arrêter la prise en charge qui se fait. C’est-à-dire les accouchements, les interventions chirurgicales, la vaccination, la prise en charge des personnes tuberculeuses, des patients VIH, des diabétiques. Du jour au lendemain, ils veulent en faire une structure de prise en charge de la Covid. Plus de 45 % des fonds destinés à la lutte risquent d’enrichir des hôteliers et intermédiaires médicaux’’, fustige-t-il.

‘’Ni le Pr. Ndour ni le Pr. Seydi ne sont nommés responsables de quoi que ce soit’’

Des allégations qui sont tempérées par le directeur de cabinet du ministère de la Santé et de l’Action sociale, Docteur Aloyse Waly Diouf. Ce dernier précise qu’il n’y a aucun problème et que le département compte sur toutes les compétences. ‘’Moussa Seydi est un professeur émérite qui, dans le domaine des maladies infectieuses et tropicales, est la personne référence. Nous travaillons avec lui. Le comité scientifique est dirigé par le conseil technique n°1. A notre niveau, il n’y a pas de difficulté. Ni le Pr. Ndour ni le Pr. Seydi ne sont nommés responsables de quoi que ce soit. Nous travaillons avec toutes les compétences, que ce soit le Pr. Seydi, le Pr. Ndour, les autres professeurs agrégés en maladies infectieuses’’, précise le Dr Diouf. 

Avant d’ajouter que le chef du Service des maladies infectieuses et tropicales est consulté à chaque fois que de besoin.

S’agissant de ‘’la nomination’’ du professeur Cheikh Tidiane Ndour à la coordination de la prise en charge extrahospitalière, le Dr Diouf reste formel : ‘’Aucune note nommant un coordonnateur de la prise en charge extrahospitalière et la prise en charge des CTE n’a été faite par le ministère. Il n’y a pas de coordonnateur de prise en charge. Le directeur de la Lutte contre la maladie (NDLR : Dr Amadou Doucouré) est le coordonnateur de la prise en charge au sein du Comité national de gestion des épidémies. Maintenant, le ministre a le loisir de consulter toutes les compétences et il le fait toujours’’, clarifie-t-il.

Poursuivant, il insiste sur le fait que le ministère travaille avec l’ensemble des professionnels. Que ça soit avec les professeurs Moussa Seydi, Cheikh Tidiane Ndour ou Sylvie Diop. Ils participent même, dit-il, à toutes les rencontres. ‘’Le Pr. Seydi étant quelqu’un de renommé, de la même façon peut-être que les autres, nous lui accordons toute la place qui est la sienne dans le dispositif, en termes de consultation et autre. Il n’y a pas de nomination pour le Pr. Ndour. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est le combat que nous menons. Que nous tous puissions faire focus contre le coronavirus. L’ensemble des forces qui pourront concourir à aider le pays à régler cette question de la pandémie seront sollicitées’’.

Avec Enquête