Les réseaux sociaux peuvent détruire l’humanité, c’est l’argument défendu par le célèbre écrivain Jacques Attali, dans son dernier éditorial publié sur son blog.
Intitulé « Débrancher, ou mourir », l’article expose de manière assez alarmiste les méfaits de l’utilisation des réseaux sociaux.
« Parmi toutes les menaces qui pèsent sur l’humanité, rien n’est pire que celles qui se déguisent en progrès, et dont on vante tous les jours les mérites. De fait, bien des civilisations ont disparu pour ne pas avoir vu qu’une innovation majeure pouvait devenir mortelle pour celles qui ne sauraient pas se prémunir contre ses conséquences catastrophiques. »
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Pour lui, les réseaux sociaux peuvent détruire l’humanité. Conséquemment, deux arguments suffisent pour le prouver.
D’abord, ils participent, d’une façon imprévue et bientôt majeure, aux émissions de gaz à effet de serre, qui viennent aggraver la crise climatique.
Ensuite, les réseaux sociaux accélèrent le processus, entamé bien avant eux, de raccourcissement de la durée de vie des objets, des efforts, des sentiments, des relations, des projets.
En fin, sous couvert d’une multiplication des mises en relation entre les individus, les réseaux sociaux ne font en réalité trop souvent qu’aggraver la solitude de tous.
Ce n’est pas un phénomène nouveau : voilà longtemps que la plupart des hommes pensent plus à l’instant présent qu’à leur ambition longue. Voilà longtemps que, obsédé par le sens de l’immédiat, beaucoup ont perdu le sens de la hiérarchie des évènements et des priorités ; et se désintéressent des autres, tout à côté d’eux, et du monde qu’ils laisseront après eux. Voilà longtemps que le projet n’a plus de sens, que l’entêtement est mal vu, que l’ambition est discréditée, que l’altruisme est moqué, que la déloyauté est vécue comme une des formes légitime de l’exercice de la liberté.
Des informations sommaires, agressives, extrémistes…
Les réseaux sociaux en donnent une version paroxystique. Et on ne peut que se désoler de voir tant de gens, ayant passé de longues années à préparer leur avenir à travers des études plus ou moins réussies, se mettre d’une façon obsessionnelle à ne s’intéresser qu’à l’image immédiate d’eux-mêmes que leur renvoient les réseaux sociaux, au point de passer entre trois et six heures par jour à s’y mirer. Des heures où ils sont sollicités par des sensations et des informations de plus en plus sommaires, agressives, extrémistes, visant à retenir une attention de plus en plus évanescente. Des heures qu’ils ne peuvent plus passer à apprendre, à créer, à aimer, à découvrir, à partager, à vivre.
Dans les réseaux sociaux, tout ce qui est projet n’a pas de sens
Dans le royaume des réseaux sociaux, tout sujet ne peut retenir l’attention plus de quelques minutes, voire quelques secondes. Tout ce qui est projet n’a pas de sens. Tout ce qui n’est pas scandale ne vaut rien. La politique elle-même se réduit à une juxtaposition de petites phrases, sans plus se préoccuper vraiment de la réalité du terrain et de la vie des gens. L’art se réduit à ce qui fait scandale, oublié aussi vite qu’il a été porté au pinacle.
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Il est temps de réagir. De ne plus se laisser dominer par le spectacle permanent des invectives et des faux scandales. Ne pas se laisser contaminer par la boulimie informationnelle ; pour ne pas succomber d’obésité virtuelle, tout aussi mortelle que l’autre. Les réseaux sociaux tuent aussi sûrement que le sucre.
Savoir redonner du sens au temps
Savoir redonner du sens au temps. Savoir mener des projets longs. Penser sans cesse aux traces qu’on laissera sur les générations futures, suppose de se conduire avec l’information comme avec la nourriture : la choisir, la puiser aux meilleures sources, la déguster, prendre son temps pour en tirer profit, en parler avec les autres.
Et organiser à intervalles réguliers des jeûnes d’information, comme on doit, pour sa santé, à intervalles réguliers, se priver de nourriture. Pour s’isoler, méditer, penser, écrire, converser, aimer, en revenir à l’essentiel. Vivre, enfin.
Inventer une gastronomie des réseaux sociaux. Beau défi. Tout reste à faire !