vendredi, novembre 22, 2024

Soil testing Technology : comment l’open data peut sauver le sol africain

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Le paysage que vous allez rencontrer durant les cinq heures de route qui vous permettent de relier Nairobi au Comté de Meru, l’une des réserves alimentaires du Kenya, est d’un vert luxuriant. Alors que chaque semence devrait donner aux agriculteurs de cette région de bons rendements et produire une bonne récolte, des conditions météorologiques erratiques, des sols pauvres et les effets innombrables du changement climatique font drastiquement chuter la productivité.

Gilbert Kibuti, 56 ans, est un agriculteur du Comté de Meru. Encore jeune homme, Kibuti a hérité de deux acres détachées d’une ferme de thé à Kathera, une ville du même Comté. Mais il espérait plus : de cultures diversifiées, de rendements élevés, et d’une agriculture prospère. Au cours de ces deux dernières décennies, Kibuti est passé de ses deux acres à plus de 40 acres de terre cultivable et a fondé Farmer Centre, une organisation qui fournit aux agriculteurs des produits authentiques et des conseils en agroalimentaire.

Gilbert Kibuti labourant son champ de thé explique comme sa production a augmenté grâce à la technologie Soil Testing

Pendant longtemps, Kibuti a été victime d’une suralimentation de ses sols avec des produits indésirables. «J’ai une parcelle de maïs de 10 acres et j’obtenais de 15 à 18 sacs par acre.» Kibuti a décidé d’analyser les apports  nutritionnels de sa terre, afin de déceler les raisons profondes de ses faibles rendements.

« J’ai découvert que le pH de ma terre était trop élevé », dit Kibuti. «On m’a conseillé de le maintenir à un niveau plus bas en intégrant de la chaux et des matières organiques. Maintenant, j’obtiens une moyenne de 25 sacs par acre.» Grâce aux techniques d’analyse de sol, Kibuti a été en mesure d’augmenter son rendement de près de 70%.

La technologie d’analyse des sols aide les agriculteurs à améliorer leurs rendements en vérifiant la fertilité des terres et en fournissant aux agriculteurs des informations sur les éléments nutritifs présents dans leur sol et ceux qui manquent. Les semences, comme les gens, ont besoin de différents degrés d’éléments nutritifs pour être en bonne santé et se fortifier, et la plus grande partie de ces nutriments provient du sol lui-même. Mais beaucoup d’agriculteurs ne connaissent pas les éléments nutritifs indispensables au bon développement de leurs cultures, et ne connaissent pas non plus les éléments contenus dans leur terre. Beaucoup d’agriculteurs ajoutent divers engrais à leurs sols pour produire plus, sans savoir quels éléments sont réellement nécessaires et si ces engrais peuvent être inutiles voire contre-productifs.

L’entrepreneur agricole du Kenya montre le stockage de fertilisants de son Farmer Centre

Kibuti a décidé d’analyser sa parcelle de thé de 20 acres. Il a vite compris que sa terre avait besoin de plus de nutriments soufrés. La récolte suivante, il est passé de 4 à 4,5 kilos de feuilles par pied de thé. Le rendement en maïs augmenta également et son entreprise devint plus rentable. Après avoir réussi à analyser sa propre terre, Kibuti décida alors de diffuser cette nouvelle technique à partir de son Farmer Centre à plus de 200.000 agriculteurs de la région. « Il est indispensable de disposer d’un tel équipement pour analyser les parcelles des agriculteurs afin de déterminer la fertilité du sol, parce que, sinon, les rendements ont tendance à diminuer », dit Kibuti.

«Les agriculteurs viennent au Farmer Centre acheter des engrais, mais ils ne savent pas lequel prendre. » Maintenant, les agriculteurs peuvent analyser leur sol pour déterminer les éléments nutritifs spécifiques dont leurs cultures peuvent avoir besoin, et donc l’achat des engrais adaptés à leurs cultures.

Lutter contre la dégradation du sol à travers l’accès à l’information

Pendant des décennies, le procédé de chimie par voie humide a été la principale technique pour les analyses du sol au Kenya. Un agriculteur apportait un échantillon de sa terre au laboratoire de Nairobi, capitale du Kenya, où des techniciens faisaient réagir la terre à des produits chimiques. Les analyses par chimie à sec ont révolutionné l’industrie des agro-analyses et ont facilité la vie de nombreux agriculteurs. Aujourd’hui, les agriculteurs peuvent faire analyser leur terre directement sur leurs parcelles avec l’aide de Soil testing technology. Ce dernier utilise la technologie de la stéréoscopie pour envoyer un rayon lumineux sur la terre. Le rayon réfléchi est analysé et permet de connaître les caractéristiques du sol.

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Soil Cares est l’un des premiers laboratoires de Chimie Sèche au Kenya. L’initiative Soils Cares au Kenya a été lancée par Reinder van der Meer, un Néerlandais établi au pays depuis 2009, qui travaillait dans un laboratoire de Chimie Humide.

Dennis Mbaabu, technicien de laboratoire chargé des analyses chez Soil Cares à Meru, explique l’organisation : «Nous prélevons des échantillons de terre provenant à la fois de la couche arable et du sol profond (environ 25 cm de profondeur) pour avoir tous les éléments nutritifs. L’échantillon arrive au laboratoire où il est étiqueté, muni d’un code à barres et va alimenter la base de données de Soil Cares, située au siège de Soil Cares de La Haye au Pays-Bas. Les résultats sont soit envoyés sur le téléphone du fermier, soit imprimés. Les résultats indiquent quels nutriments ont été décelés dans le sol, quelles cultures peuvent mieux se développer avec les nutriments existants et quels éléments et engrais sont nécessaires pour certaines cultures. Tout ce processus utilise des algorithmes développés sur une base des donnée collectées dans différents pays et mise à disposition des paysans africaines, à 13 USD par test.

Dennis Mbaabu, technicien du laboratoire du Farmer Centre, démontre le fonctionnement de la technologie Soil testing

La dégradation des terres puis la reprise progressive de sa neutralité ont été une grande préoccupation pour de nombreux petits agriculteurs. La Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification (UNCCD) [United Nations Convention to Combat Desertification], qui lutte contre la dégradation des sols, a mis en évidence la rapidité avec laquelle les ressources terrestres se dégradent et affectent les moyens de subsistance de plus de 2,5 milliards de petits agriculteurs dans le monde. Un rapport récent de l’UNCCD indique que 25 milliards de tonnes de sols fertiles sont perdus chaque année, alors que nous perdons aussi une moyenne de 1,7 million d’arbres par heure, soit 15 milliards d’arbres per an. Soil Cares développe également des scanners portables pour envoyer des messages texte, via une application, aux agriculteurs. Ils ont également créé puis développé des laboratoires en Tanzanie, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, en Namibie, en Europe, en Russie et en Ukraine. Ils voient la stéréoscopie pour l’analyse des sols comme une technologie globale. La technologie de stéréoscopie a un large spectre d’application. Ainsi, Soil Cares adapte aujourd’hui cette même technologie  pour analyser l’alimentation des animaux en même temps que le sol. Ils ont également développé une application mobile et mettent au point un logiciel pouvant aider à la surveillance des récoltes en temps réel.

Austin Ochieng décrit comme la technologie Soil Testing composée par un laser qui analyse le sol et envoie une réponse à travers une application pour smartphone.

Kibuti a réussit à multiplier des succursales Farmers Centre au-delà du Comté de Meru, à Laikipia, Isiolo, Marsabit et Nyeri au Kenya. Son vrai souhait pourrait être celui-ci: «Exhorter toutes les institutions et toutes les personnes importantes à rencontrer les agriculteurs, à les renseigner sur les nouvelles technologies, et notamment pour tout ce qui concerne l’analyse de la terre».

Ce reportage fait partie du projet Agritools, et a été réalisé avec le soutien du European Journalism Centre (EJC) grâce au financement de la Bill and Melinda Gates Foundation.

Par Winnie Kamau et Elisabetta Demartis

Traduit en français par Gabriela Kukurugyova