Deux ingénieurs, Mame Birame Bakhoum et Ousmane Baldé, ont exposé, au stand du ministère de l’Economie numérique, les premières tablettes entièrement fabriquées au Sénégal. Mais ils n’y ont pas intégré les usages habituels des tablettes classiques. Toutefois, une gamme de services pour la comptabilité est proposée. Aussi, elle peut être utilisée par les personnes qui ne savent ni lire ni écrire en français. L’usager, en un clic, peut faire l’inventaire de son activité commerciale.
Le Sénégal est-il entré dans la course aux innovations numériques ? Beaucoup d’observateurs répondront par l’affirmative en s’appuyant sur le classement Global innovation index (Gii) qui place notre pays au rang de 6ème Etat africain et occupe la 84ème place au niveau mondial devant le Botswana, 7ème en Afrique et 90ème au niveau mondial, et le Kenya, 8ème en Afrique.
La 3ème édition du Salon africain de la recherche et des innovations au Sénégal a confirmé l’idée selon laquelle les Sénégalais exploitent davantage les opportunités des nouvelles technologies. Debout au stand du ministère de l’Economie numérique, Mame Birame Bakhoum, formé à Nti, et Ousmane Baldé, un produit de l’Institut supérieur de l’informatique (Isi), vantent les avantages de leur tablette devant des visiteurs.
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L’écran de l’appareil est incorporé dans une structure en bois. Des boutons de mise en marche et d’arrêt sont visibles sur la façade latérale. Après la mise en marche, les images des marchandises envahissent l’écran. Le boutiquier ou le commerçant touche le symbole du produit qu’il veut vendre. A chaque touche, l’acte est enregistré par marchandise. « C’est une tablette entièrement conçue au Sénégal. Elle est destinée aux boutiquiers, aux vendeurs de tissus, de fruits et aux opérateurs économiques. Toutes les marchandises sont identifiées. Pour écouler une unité, il tape sur la touche correspondant », explique M. Bakhoum, l’un des concepteurs.
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Les deux ingénieurs se sont beaucoup préoccupés des personnes qui ne savent ni lire ni écrire en français. L’usage est basé sur une communication par les images. Le recours à la communication par l’image est plus adapté au secteur informel qui compte plus d’acteurs qui n’ont pas fréquenté l’école des Blancs. « Beaucoup de commerçants ne savent pas tenir une comptabilité. Avec cette tablette, s’ils respectent les principes de l’utilisation, ils peuvent connaître les pertes et les bénéfices tous les jours », informe Mame Birame Bakhoum.
Le suivi des prêts
Les inventeurs ont même aménagé un espace pour enregistrer les clients qui veulent contracter des dettes ou ceux à qui le boutiquier doit de l’argent. C’est une tablette qui offre, en un clic, tous les services de la comptabilité. Cette innovation, en plus du gain de temps, sert à faire l’inventaire et aide à lever les malentendus sur le remboursement ou pas d’une dette.
Les séances de démonstration ont fini par convaincre beaucoup de commerçants rétifs à l’introduction des nouvelles technologies dans leurs pratiques professionnelles quotidiennes. « Au début, les commerçants se posaient cette question : A quoi va me servir cette tablette ? Mais, au fil des démonstrations, ils ont découvert son importance. Certains ont pu améliorer leurs recettes », a révélé M. Bakhoum.
Le commerçant, avec la mise à jour presque systématique, a une vue sur les divers stocks de marchandises. Il suffit d’appuyer le login y afférant pour avoir une idée sur la quantité d’un produit.
Vente programmée
L’appareil, se félicitent ses concepteurs, sort les boutiquiers et commerçants (grossistes comme détaillants) d’une gestion informelle de leurs revenus pour les amener vers une gestion numérisée qui a aussi l’avantage d’être plus précise. « Lorsqu’un stock s’épuise, le commerçant peut le savoir. De ce fait, il peut faire une nouvelle commande », affirme l’ingénieur formé à Nti.
Les ingénieurs ont conçu aussi un modèle spécifique adapté aux besoins des vendeuses de poissons. L’expérimentation de l’introduction de cette technologie a séduit ces dernières. Elles ne sont pas les seules. L’utilité de cette innovation ne fait pas l’objet de discussions pour les acteurs du secteur informel. La preuve, au début du mois de novembre, la vente à grande échelle va démarrer au Sénégal. C’est une première : l’appropriation d’une tablette orientée vers la gestion de la comptabilité. « Nous allons commencer la vente des tablettes à grande échelle entre fin octobre et début novembre. Il y a des personnes qui ont passé leur commande. Nous pouvons, dans un premier temps, vendre au moins 20 tablettes », a révélé l’ingénieur Ousmane Baldé formé à l’Institut supérieur d’informatique (Isi).
Le nombre d’unités programmées pour la vente est insignifiant. D’autant plus que plusieurs innovateurs et inventeurs peinent à écouler leurs produits. Certaines inventions, malgré leur utilité, sont à l’état de prototype. La mévente des appareils inventés par les Sénégalais est une contrainte de premier ordre à la créativité et à l’inventivité au Sénégal.