Mardi, l’administration Trump a taillé dans les effectifs de son ministère de l’Éducation – licenciant environ 1 300 employés – avec en ligne de mire un projet de suppression totale. Ce département compte désormais 2 183 employés, contre plus de 4 000 au début de l’année.
Ces réductions d’effectifs ont lieu alors que vient de fuiter le projet du président Donald Trump de signer un décret appelant au démantèlement du département, selon des documents révélés par le Wall Street Journal.
Bien que le président dispose de larges pouvoirs exécutifs, il y a beaucoup de choses qui ne dépendent pas de sa seule décision. L’une d’entre elles est le démantèlement d’une agence ministérielle créée par la loi. Mais Donald Trump semble déterminé à vider l’agence de sa substance.
En tant qu’expert en éducation, m’étant déjà largement exprimé sur la tendance à la privatisation des services éducatifs américains, je considère ce dernier effort comme un héritage de la promesse de campagne d’abolir le département. Celle-ci s’inscrit également dans une vague d’actions créant une incertitude juridique et politique autour des financements dans les écoles et les collectivités locales.
Une promesse de campagne
En apparence, la volonté de supprimer le département de l’éducation n’est pas nouvelle.
Le programme de campagne de Trump comprenait un appel à abolir ce département, en ouverture même du chapitre dédié à l’éducation de son Projet 2025.
Ce qui est différent aujourd’hui, c’est la stratégie adoptée, qui consiste pour Trump à faire ce qu’il peut pour éliminer le département de sa propre autorité tout en cherchant l’approbation du Congrès dont il a légalement besoin.
Le projet de décret comporte deux volets suivant cette logique.
La première demande à la ministre de l’éducation, Linda McMahon d’organiser la réduction de ses propres fonctions. Dans ce cadre, Mme McMahon doit accorder une attention particulière à tous les programmes susceptibles de contrevenir aux initiatives antérieures de l’administration en matière de diversité, d’équité et d’inclusion, ou DEI (diversity, equity and inclusion).
La deuxième partie indique que ces actions doivent respecter la législation et les orientations administratives existantes. Cela équivaut à une affirmation d’autorité pour le Bureau de la gestion et du budget de Trump.
D’un point de vue élémentaire, Trump rappelle ainsi à tout le monde qu’il contrôle le budget opérationnel du ministère de l’éducation. En même temps, je crois qu’il demande implicitement au Congrès de terminer le travail de Mme McMahon en supprimant tout obstacle juridique persistant au démantèlement final de l’agence.
La question de savoir si le Congrès le fera est purement spéculative, surtout dans le contexte politique actuel.
En 2023, une majorité bipartisane de membres de la Chambre des représentants des États-Unis a déjà rejeté une proposition visant à supprimer le département de l’éducation. Mais c’est Joe Biden qui était alors président. Il est presque certain qu’il aurait de toute façon opposé son veto à toute proposition de loi de ce type qui aurait été adoptée.
Le calcul est différent lorsqu’il s’agit de savoir ce que ferait la Chambre des représentants sous la pression de Trump. Néanmoins, même maintenant, le Sénat a aussi son mot à dire. Il faudrait 60 voix pour mettre fin à l’obstruction des démocrates et supprimer le département.
Une « ultime mission »
Ainsi, dans un sens, un décret de Trump ne ferait que renforcer ce qu’il a entrepris : vider le personnel des agences et stopper leurs activités, tout en appelant le Congrès à terminer le travail.
Mais cela nous ramène à la première partie du décret : demander à la nouvelle ministre de l’éducation d’identifier les postes de l’administration que Trump peut supprimer par lui-même – ou du moins transférer à d’autres agences.
Comme le montrent les licenciements massifs du 11 mars, il n’est même pas certain qu’un tel plan soit nécessaire pour que McMahon commence à démanteler l’agence.
Avant même ces coupes, par l’intermédiaire du Département de l’efficacité gouvernementale d’Elon Musk, l’administration a pratiquement gelé un rouage clé du département de l’éducation : l’Institut des sciences de l’éducation, son organe de recherche non partisan.
Dès son premier jour au ministère, Mme McMahon a envoyé une directive aux employés de l’agence, qualifiant son démantèlement d’ « ultime mission ». Dans cette perspective, l’administration pourrait décider de geler les embauches et certains programmes de financement au sein du ministère.
L’administration Trump a tenté de mettre en œuvre ce type de scénario avec le programme fédéral « Head Start », qui aide les familles à faible revenu à préparer leurs jeunes enfants à l’entrée à l’école. Mais elle a annulé ce plan en janvier, parallèlement à une pause dans le gel des dépenses plus général au sein du gouvernement fédéral.
Les licenciements du mois de mars laissent présager un mouvement extrême : une décimation totale du département de l’éducation, comme l’équipe de Musk l’a fait pour l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Cette action a entraîné la fermeture de la majeure partie de l’USAID, avec le projet de rattacher les services restants au département d’État.
Incertitudes juridiques et politiques
La question de savoir si ces activités sont légales, même en vertu d’un décret de Trump, est une autre question.
Elles seront toutes contestées devant les tribunaux et viendront allonger la liste de procès intentés contre l’administration, dont beaucoup ont incité les juges fédéraux à suspendre en particulier les initiatives de Musk.
Mais l’équipe de Trump tiendra-t-elle même compte des exigences judiciaires concernant ses plans pour l’éducation, dans la mesure où elle remet ouvertement en question une telle autorité ? Et, dans un cas au moins, lorsqu’elle a été sommée de débloquer des milliards de dollars de subventions fédérales, elle a refusé de s’y conformer.
En d’autres termes, un décret de Trump visant à démanteler le département de l’éducation créera une incertitude juridique et politique considérable.
Il est bien connu que Trump et ses alliés veulent éliminer le département et qu’il ne peuvent le faire légalement sans le Congrès.
Le projet de décret semble indiquer que l’administration Trump reconnaît ces limites – du moins officiellement. Mais les licenciements massifs qui viennent de se produire ouvrent la possibilité que Trump passe outre.
La seule chose claire à l’heure actuelle est que des milliards de dollars de programmes éducatifs publics à travers le pays sont en jeu dans l’issue de ces décisions.
Et la mesure dans laquelle la dernière directive de Trump aura des conséquences réelles sur ces financements dépendra de la propension ou non du Congrès à abandonner sa propre responsabilité et son autorité dans ce domaine.