C’est à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar que s’est tenue, ce samedi, la cérémonie de dédicace du livre « La désinformation à l’ère du numérique, entre vérités et illusions », signé par Oumar Watt, Président du Conseil d’Administration de Sénégal Numérique S.A. Spécialiste en gestion des technologies numériques, l’auteur analyse en profondeur les mécanismes de propagation de la désinformation et leur impact sur notre perception du monde.
Dans cet ouvrage, il retrace l’évolution historique des techniques de manipulation de l’information, de la propagande classique aux deepfakes et fake news modernes. Fondateur et PDG de Yiitu, Oumar Watt propose aussi des solutions concrètes pour renforcer l’esprit critique face au déluge d’informations que nous subissons aujourd’hui.
Une amplification par le numérique
Lors de son intervention, l’auteur a insisté sur l’ampleur que prend aujourd’hui la désinformation.
« Je traite ce phénomène sous plusieurs angles : historique, actuel et technologique. La grande différence avec l’ère numérique, c’est que les technologies amplifient la désinformation à une échelle insoupçonnée, touchant ainsi tous les utilisateurs. »
Il évoque également l’usage des technologies de manipulation, notamment l’intelligence artificielle (IA), qui rend les fake news de plus en plus crédibles et virales.
Face à cette montée en puissance, Oumar Watt appelle à une mobilisation collective, insistant sur le rôle crucial des États. Il plaide pour une approche globale et concertée, basée sur l’éducation aux médias et à l’information.
« Il est impératif que les gouvernements s’unissent pour trouver des solutions durables. L’éducation est une clé essentielle pour combattre ce fléau. »
Un pouvoir immense entre les mains des plateformes
L’auteur souligne également la responsabilité des grandes plateformes numériques, qui ont désormais une influence majeure sur l’opinion publique.
« Aujourd’hui, la désinformation ne se limite plus aux rumeurs ou à la propagande officielle. Elle est devenue plus sophistiquée, plus virale, et souvent invisible. »
Avec plus de trois milliards d’utilisateurs actifs par mois, Facebook est le premier réseau social mondial. Il est suivi de YouTube (2,5 milliards), WhatsApp (2 milliards), Instagram (2 milliards) et TikTok (1,5 milliard).
« Jamais dans l’histoire autant de pouvoir n’a été concentré entre les mains de si peu d’acteurs. Ces plateformes ne sont pas simplement nationales, elles opèrent à l’échelle mondiale, ce qui complique toute tentative de régulation. »
L’éducation aux médias, une priorité absolue
Face à ces défis, le PCA de Sénégal Numérique SA insiste sur l’importance d’enseigner l’esprit critique dès le plus jeune âge.
« Les enfants reçoivent souvent l’information avant leurs parents. Il est essentiel de leur donner des clés pour analyser et vérifier les contenus qu’ils consomment. »
Il souligne également que les fake news circulent plus vite que les informations vérifiées, posant un défi majeur aux démocraties et aux sociétés modernes.
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« La manipulation de l’information affecte non seulement la politique, mais aussi la consommation et notre manière de vivre ensemble. Il est crucial d’encourager une culture de la vérification pour limiter l’impact de cette désinformation massive. »
Un virage vers le contenu vidéo et les réseaux sociaux visuels
L’auteur observe aussi une évolution vers une consommation accrue de vidéos sur les réseaux sociaux. YouTube et TikTok dominent cette tendance, attirant principalement les générations Y et Z.
« Les jeunes privilégient de plus en plus les contenus courts et visuels. Cela oblige les plateformes à s’adapter, comme Instagram qui a lancé les “Reels” en 2020 pour concurrencer TikTok. »
Mais cette transition vers le format vidéo ne fait qu’accélérer la circulation des fake news, rendant encore plus difficile la distinction entre information et manipulation.
Une lutte contre les fake news qui reste un défi mondial
Les réseaux sociaux sont souvent pointés du doigt pour leur rôle dans la diffusion massive de fausses informations. Pendant la crise du Covid-19, 28 % des internautes déclaraient être préoccupés par la désinformation sur Facebook.
Toutefois, le contrôle des informations reste compliqué, les plateformes étant privées et régies par des logiques économiques.
« En cultivant un esprit critique et en promouvant la vérification des sources, nous pouvons lutter contre cette stratégie du trompe-l’œil. J’invite les lecteurs à explorer différentes méthodes et solutions pour répondre à cette problématique. »
À travers son ouvrage, Oumar Watt alerte sur un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Face à cette réalité, la régulation, l’éducation et la responsabilité des plateformes seront des éléments clés pour limiter les effets néfastes de la désinformation. La sortie de « La désinformation à l’ère du numérique, entre vérités et illusions » tombe ainsi à point nommé, au moment où le Sénégal s’apprête à adopter une nouvelle stratégie numérique nationale.