Vous n’avez jamais entendu parler de meme coin, de MiCA (et non de la célèbre marque de chocolat), de stable coin ou d’ETF ? À l’heure où le règlement européen sur les marchés de cryptoactifs entre progressivement en vigueur le 30 décembre 2024 et que le cours du Bitcoin s’envole, tour d’horizon des enjeux de la cryptomonnaie en 2025.
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en novembre 2024 a marqué un tournant pour le Bitcoin. Entre septembre et décembre 2024, le Bitcoin a doublé sa valeur, passant de 52 000$ à plus de 100 000$. Cette année, il affiche une performance de 124 % avec un plus haut historique à 108 000 $. Des performances largement au-dessus de l’indice Nasdaq (30 %), de l’or (27 %) ou du CAC 40 (-2 %), le placent à la 7e position des actifs financiers les mieux valorisés. Le marché des cryptomonnaies dans son ensemble n’est pas en reste avec une performance proche des 100 % sur l’année 2024.
Cette année prolifique pour les investisseurs fait suite à une année 2023 qui avait vu le cours du Bitcoin se redresser après les plus bas atteints en 2022 aux alentours des 15 000$.
Essor des ETFs, soutenus par BlackRock
Les raisons d’un tel succès sont multiples.
La première ? La mise sur le marché des premiers ETFs (fonds indiciel coté ou Trackers) après le feu vert début janvier 2024 de la SEC, le gendarme de la bourse aux États-Unis. Ces fonds négociés en bourse suivent la performance d’un actif sous-jacent (de référence) comme le Bitcoin, l’or ou le CAC 40. Ils répliquent la performance de l’actif et ils peuvent être achetés et vendus comme des actions directement, sans avoir à détenir l’actif lui-même. Ce processus facilite les transactions et la détention, car il n’y a pas de stockage physique.
BlackRock, le plus gros gestionnaire d’actifs s’en veut le porte-étendard. IBIT, son ETF, a été particulièrement performant, contribuant de moitié aux 100 milliards de dollars amassés par les 11 ETF Bitcoin approuvés. Larry Fink, le puissant patron de BlackRock, s’étant mué en un ardent promoteur, qualifiant désormais l’actif « d’or numérique ». Ce changement radical de position de la part d’un des plus influents gestionnaires d’actifs a de fait considérablement renforcé la légitimité du Bitcoin auprès des investisseurs institutionnels.
Halving : de 900 à 450 bitcoins émis par jour
La deuxième ? Le halving. Ce processus de réduction de moitié de la création de nouveaux bitcoins, revient environ tous les quatre ans ou plus exactement tous les 210 000 blocs validés sur sa blockchain par les mineurs. Ces derniers fournissent le service à la blockchain en mettant à disposition la puissance de calcul de leurs ordinateurs pour valider les transactions et sécuriser le réseau. Le halving raréfie automatiquement l’offre sur le marché, créant ainsi les conditions pour une appréciation des cours.
Désormais, ce ne sont plus 900 bitcoins qui seront ainsi émis par jour, mais 450 en moyenne. Le protocole qui régit la reine des cryptomonnaies est en effet une mécanique de précision avec une offre maximale de 21 millions de bitcoins qui ne sera pas atteinte avant 2 140 et dont 90 % ont déjà été minés.
Meme coins et embuscades numériques
Cette ruée vers l’or digital ne se fait pas sans heurts et, à l’image de la conquête de l’Ouest, les pièges et les embuscades sont nombreux. Les opérations en cryptomonnaies restent exposées aux erreurs techniques – mauvaise adresse de portefeuille ou réseau sélectionné – ou aux arnaques.
L’engouement pour les meme coins s’apparente à un casino géant. Des joueurs galvanisés par la promesse de multiplier par 100 ou 1 000 leur investissement. En hausse de plus de 300 % sur l’année, ce marché représenté notamment par les jetons Dogecoin, Shiba Inu ou Pepe, culmine à plus de 100 milliards de dollars. Ces cryptomonnaies créées initialement comme une référence à un mème Internet, peuvent être des monnaies à but uniquement spéculatif. Et n’importe qui peut en créer. Il suffit d’une simple connexion, d’une image d’illustration et le renseignement du nom du jeton et de son ticker – code unique avec une combinaison de lettres et de chiffres – pour la mettre sur le marché.
Certains projets peuvent présenter une utilité mais, par définition, les meme coins sont au mieux à but humoristique. Au pire, là pour attirer des capitaux et pour mieux les détourner. Et lorsqu’un écolier arrive à escroquer des investisseurs à hauteur de 30 000$, il est légitime de se poser la question de la régulation de ce genre de plateforme pour protéger les investisseurs.
Régulation des cryptomonnaies : États-Unis VS France
L’Union européenne, avec la réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets Regulation) en vigueur depuis hier, offre désormais un cadre juridique uniforme pour les marchés des cryptoactifs. Ces opérations sont dorénavant tracées de la même manière que les transferts d’argent traditionnels. Les fournisseurs de services en cryptomonnaie sont placés sous autorisation, renforçant la protection des consommateurs. Cette régulation va probablement à contre-courant de la tendance américaine. L’arrivée aux États-Unis de la deuxième administration Trump, en particulier sous l’influence d’Elon Musk, vise à la simplification des normes sur la cryptomonnaie.
MiCa fait déjà grincer des dents certains acteurs de l’écosystème cryptomonnaie. Tether, l’émetteur du stablecoin USDT a refusé de se plier aux règles d’obtention de l’agrément requis par MiCA. Les stablecoins sont des cryptomonnaies dont la valeur est indexée sur celle d’un actif de référence, généralement le dollar américain. Ils jouent un rôle crucial en offrant une stabilité nécessaire pour les échanges et en servant de refuge lors des périodes de volatilité.
L’USDT de Tether, avec sa capitalisation de plus de 130 milliards de dollars, est devenu un pilier incontournable du marché crypto. Il représente la troisième plus forte capitalisation derrière le bitcoin et l’ethereum. L’USDT a souvent été identifié comme une cause potentielle de risque systémique au vu de sa valorisation actuelle.
Perspectives pour 2025
De nombreux autres stablecoins ne sont toujours pas délistés et des plates-formes de spéculation effrénée sur les meme coins restent ouvertes. On peut ainsi se poser la question de la pertinence de la régulation européenne et de son impact sur le développement de l’industrie des cryptomonnaies en Europe.
L’année suivant le halving est généralement propice aux cryptomonnaies, surtout lors des trois premiers trimestres. On peut s’attendre à ce que cette année ne fasse pas exception à la règle. En revanche, si le marché venait à corriger fortement comme en 2021, les failles dans l’industrie pourraient avoir des conséquences similaires à celles des subprimes en 2008.
Il est donc important que des règles de bonne gestion, plutôt que des régulations unilatérales, s’imposent aux acteurs de la finance décentralisée et traditionnelle dans les années à venir.
Jean-Philippe Serbera, Professor de Comptabilité et Finance, Doyen Associé à la Recherche, ESC Pau
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.