La compréhension des matières scientifiques dans les lycées et collèges demeure un défi pour de nombreux élèves en Afrique. En effet, beaucoup d’entre eux éprouvent une forte désaffection envers les sciences.
La journée consacrée au jeune public, organisée en novembre 2024 à l’occasion de la célébration au Sénégal des 80 ans de l’IRD, a permis de se faire une idée des raisons qui expliquent ce désamour entre les élèves africains et les sciences.
Fayol Gassama Barry de la classe de 4ᵉ au collège d’enseignement moyen (CEM) John Fitzgerald Kennedy de Dakar au Sénégal affirme par exemple que « parfois, la façon dont les enseignants expliquent ne me convient pas ; car moi, je prends mon temps pour appréhender les cours. Je préfère par exemple écrire plutôt qu’écouter. »
“Il faut être patient mais surtout méthodique (ndlr: dans la façon d’enseigner). Pour expliquer les sciences, on peut s’appuyer sur des images et des vidéos ; c’est avec ça que les élèves ont une perception facile de la chose”
Cheikh Camara, enseignant de mathématiques, CEM John Fitzgerald Kennedy, Dakar, Sénégal
« Alors, à force d’écouter les explications du professeur, cela m’embrouille et la compréhension de cette matière devient complexe. C’est ma principale difficulté avec les mathématiques », ajoute-t-elle.
La physique-chimie fait également partie du programme scolaire au Sénégal. Dès la classe de 4e, les concepts fondamentaux de ces disciplines sont enseignés aux élèves.
Fatou Yacine Cissé, en classe de 3e, confie à SciDev.Net qu’elle « aime beaucoup la physique par rapport à la chimie. C’est lié au fait que je n’arrive pas à me concentrer suffisamment quand il s’agit de la chimie », compare-t-elle.
Ndeye Maguette Gueye, inscrite en classe de 4ᵉ, avoue quant à elle ne pas aimer les sciences de la vie et de la terre (SVT). « Je ne les aime pas parce que c’est un peu difficile. Quand l’enseignant explique, ce n’est souvent pas clair pour moi », se désole la collégienne.
Pour autant, à l’occasion de cette articulation de l’anniversaire de l’IRD au Sénégal, ces collégiens ont montré un réel enthousiasme en visitant les différents laboratoires du Centre commun de recherche IRD /ISRA (Institut sénégalais de recherches agricoles) de Han Bel Air, à Dakar.
Prenant connaissance des différents projets en cours dans les domaines de l’écologie marine, de l’aquaculture, de la microbiologie et de l’agronomie, etc.
Khady Diop, chercheure biologiste à l’IRD, estime dès lors que ce contraste résulte de la mauvaise publicité sur les sciences qui a duré longtemps ; ce qui fait que des perceptions non fondées sont parfois incrustées dans la mentalité des jeunes.
« Je pense que c’est parce qu’on dit que c’est difficile. En réalité, c’est une mauvaise publicité pour les matières scientifiques. Les élèves ont peur des matières scientifiques et c’est bien de leur dire que ce n’est pas difficile et surtout, que c’est faisable et que les débouchés sont là. Il y a plein de choses qu’on peut faire avec les matières scientifiques », fait-elle savoir.
À en croire Cheikh Camara, enseignant de mathématiques et sciences physiques au CEM John Fitzgerald Kennedy de Dakar, il est nécessaire d’adapter la façon de disséminer le savoir. Interrogé par SciDev.Net, ce dernier souligne qu’ « il faut être patient mais surtout méthodique (ndlr: dans la façon d’enseigner). Pour expliquer les sciences, on peut s’appuyer sur des images et des vidéos ; c’est avec ça que les élèves ont une perception facile de la chose ».
Clubs sciences
L’enseignant ajoute qu’on peut aussi mettre en avant les perspectives pour intéresser les apprenants aux disciplines scientifiques. Pour lui, « si un apprenant veut devenir médecin par exemple, tu lui fais savoir qu’il ne peut pas devenir médecin sans pour autant exceller dans ces matières-là. Donc, rien que la volonté de devenir médecin pourra être source de motivation pour l’apprenant », explique ce dernier.
La participation aux clubs sciences est une des stratégies qui pourraient stimuler l’intérêt des jeunes envers les sciences, suggère pour sa part Maimouna Cissokho, ingénieure de recherche à l’IRD.
« Moi, je participais très tôt à des clubs sciences qui m’ont beaucoup aidée à m’intéresser à la science. Il faut aussi penser à un système de mentorat », dit-elle.
Maimouna Cissokho pense par ailleurs que pour des raisons éducatives, il faudrait multiplier les ateliers d’informations au profit des plus jeunes dans les écoles et les lycées. À l’en croire, cette approche permettra la transmission des connaissances dès le bas âge pour la compréhension des défis sociétaux.
« Ils sont jeunes, dit-elle, mais il faut les sensibiliser aux enjeux sociétaux. L’environnement est sacré et il faut le préserver, par exemple. Et également renforcer leurs compétences à travers des ateliers. Créer aussi un espace de dialogue entre les jeunes et les professionnels pour susciter leur intérêt pour notre profession ».
Kadhy Diop estime enfin qu’une initiative telle que cette journée consacrée au jeune public à l’occasion des 80 ans d’existence de l’IRD « leur permet d’avoir une vision globale de tout ce qui peut se faire dans la recherche, dans la science et les apports de la science sur le quotidien des gens. « Cela peut aussi motiver ces élèves, leur donner l’envie de choisir les matières scientifiques ».
Par: Kuessi Giraud Togbé, SciDev.Net