Lundi 4 novembre, l’Académie Goncourt, désormais présidée par Philippe Claudel, a attribué son prestigieux prix à Kamel Daoud pour son ouvrage *Houris* (Gallimard). Ce roman, vendu 23 euros en version papier et 15 euros en numérique, a été distingué lors de la cérémonie traditionnelle au restaurant Drouant, à Paris. La compétition comptait également Madelaine avant l’aube de Sandrine Collette (JC Lattès), Jacaranda de Gaël Faye (Grasset), et Archipel d’Hélène Gaudy (L’Olivier). Le Prix Renaudot, qui est annoncé dans la foulée, a quant à lui récompensé Gaël Faye pour Jacaranda.
Une Déclaration Émotive de Kamel Daoud
Dans un message sur les réseaux sociaux, accompagné d’une photo de ses parents, Kamel Daoud a partagé son émotion : « C’est votre rêve, payé par vos années de vie. À mon père décédé. À ma mère encore vivante, mais qui ne se souvient plus de rien. Aucun mot n’existe pour dire le vrai merci. »
Cette victoire marque un tournant pour l’auteur algérien, qui s’inscrit désormais dans la tradition littéraire française tout en revisitant les pages sombres de l’histoire de son pays.
Kamel Daoud : un auteur engagé et incontournable
Houris succède à Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea, lauréat de l’an dernier. Cette reconnaissance fait de Kamel Daoud le premier écrivain algérien à remporter le Prix Goncourt. Natif de Mostaganem en Algérie, journaliste et chroniqueur, Daoud est installé en France depuis 2023. Cet engagement littéraire, visible dès son premier roman Meursault, contre-enquête, l’a rapidement placé au cœur des débats de société en France.
Un roman au cœur de la « décennie noire »
Houris revisite la tragédie de la guerre civile algérienne, un sujet sensible qui a valu au livre d’être interdit en Algérie. Ce roman, interdit de publication au Salon du Livre d’Alger, transgresse la charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui interdit l’évocation des « blessures de la tragédie nationale ». De 1992 à 2002, le conflit entre groupes islamistes et l’armée algérienne a fait des milliers de victimes, laissant une cicatrice profonde et encore vivace.
Houris retrace cette période à travers les voix de deux personnages : Aube, une jeune femme de 26 ans marquée par la guerre, et un chauffeur-libraire, guide involontaire d’un voyage vers un village autrefois ravagé par la violence. Cette narration offre un regard sincère et poignant sur les blessures non cicatrisées de l’Algérie.
Une réflexion profonde sur le silence et la mémoire
En racontant ces parcours, Kamel Daoud exprime la libération de la parole autour de ces traumatismes enfouis. L’ouvrage se déploie en un témoignage troublant qui confronte les souvenirs et la douleur collective. Il interroge le silence et les horreurs longtemps niées pour honorer la mémoire des victimes et réhabiliter les voix opprimées.