samedi, décembre 21, 2024

L’industrie du jeu vidéo pèse 700 milliards de FCFA en Afrique selon un expert

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ENTRETIEN AVEC EL H MANSOUR JACQUES SAGNA DU COMITÉ NATIONAL DE PROMOTION DU ESPORT

Le Comité international olympique lancera en 2025, en Arabie Saoudite, les premiers jeux olympiques du sport électronique (eSport). Une compétition distincte des Jeux olympiques traditionnels d’été et d’hiver. En perspective de cet évènement, Lii Quotidien s’est attaché les services de El H Mansour Jacques Sagna, plus connu sous le nom de Lordalajiman du Comité national de promotion du eSport.

Dans cet entretien, il évoque le développement du sport électronique, les problèmes rencontrés. Lordalajiman dissèque également les chances de médailles du Sénégal et du continent lors des jeux olympiques de l’e­sport prévus en 2025. Il prône la mise en place, dès maintenant, d’une stratégie globale pour s’y préparer.

Entretien réalisé par Ousmane THIANE

Lii Quotidien : Pouvez-vous nous faire l’état des lieux du sport électronique et comment il se développe au Sénégal ?

Lordalajiman : Il est crucial de différencier le jeu vidéo du pari ou de la loterie. L’e­sport, ou sport
électronique, se distingue comme une compétition sportive organisée autour des jeux vidéo multi joueurs, connaissant actuellement une croissance exponentielle en termes d’audience en ligne.

En moins d’une décennie, la compétition à travers le jeu vidéo a transcendé son statut de simple loisir pour devenir une discipline professionnelle reconnue sous le nom d’e­sport avec plus de 3.2 milliards de gamers dans le monde. Face à cet essor fulgurant, l’État du Sénégal, par le biais du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, en collaboration avec le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, a pris des mesures déterminantes pour accompagner ce mouvement.

La création du Comité National de Promotion du ESport en 2021, matérialisée par l’arrêté ministériel n°22 Déc 2021­ 045975, marque une étape charnière dans la reconnaissance et l’encadrement de l’e­sport au Sénégal. L’e­sport, loin d’être un simple divertissement, s’affirme comme une véritable industrie en plein essor au Sénégal. Avec un chiffre d’affaires de plus de 700 milliards de F CFA, l’industrie du jeu vidéo se positionne comme la deuxième économie, après internet en Afrique.

Cette croissance remarquable ouvre des perspectives économiques et sociales prometteuses, notamment pour la jeunesse. Elle se traduit par la création d’emplois et d’opportunités dans divers domaines, contribuant ainsi à l’édification d’une société numérique inclusive. Le Sénégal dispose aujourd’hui d’un cadre réglementaire favorable à la pratique compétitive de l’e­sport, grâce à l’action du Comité National de Promotion de l’eSport.

Ce cadre s’accompagne d’une expertise locale indéniable, portée par une communauté dynamique d’associations et de joueurs talentueux. Membre de la GEF (Global eSport Federation), l’engagement du Sénégal sur la scène internationale de l’e­sport se traduit par sa participation active à diverses compétitions mondiales, telles que les Global Games de Riyad et l’eFIBA en 2023.

Des initiatives concrètes pour promouvoir l’e-sport à tous les niveaux

Le Sénégal s’illustre par la mise en œuvre d’actions concrètes favorisant l’accessibilité et le développement de l’e­sport sur l’ensemble du territoire national.

• Atelier National : Un atelier national a été organisé afin de promouvoir une démarche participative et inclusive, en collaboration avec la communauté.

• eNavetanes : En partenariat avec l’ONCAV, le programme eNavetanes (“Navétanes Électroniques”)

• Senum SA : un contrat a été signé avec Sénégal Numérique sur le sujet de l’E­Sport pour permettre à la discipline d’être déployée dans les espaces Sénégal Numérique, couvrant plus de 6500 km de fibre optique.

• Formation : Un accord avec HP a été conclu pour mettre en œuvre le programme HP Gaming Garage, permettant à tous les jeunes sénégalais intéressés de se former aux métiers de l’industrie du jeu vidéo, avec plus de 67 modules à disposition.

En septembre 2023, le Sénégal a franchi une étape historique en organisant l’Assemblée Générale Constitutive de la Confédération Africaine des Sports Électroniques (CASE). Le pays a l’honneur d’abriter le siège de cette instance continentale et occupe également les postes de Secrétaire exécutif et de Vice-président Délégué. Le Sénégal s’est positionné comme un acteur majeur de l’e­sport en Afrique, en s’appuyant sur un cadre réglementaire solide, une expertise locale reconnue et une volonté politique affirmée.

L’engagement du pays dans la promotion et le développement de cette discipline a ouvert la voie à de nombreuses opportunités économiques et sociales, en particulier pour la jeunesse sénégalaise. L’eSport s’affirme ainsi comme un vecteur de transformation sociale et économique, contribuant à l’édification d’un Sénégal numérique, inclusif et prospère.

Lii Quotidien : L’eSport suscite-t-il l’engouement chez les jeunes au Sénégal ?

Lordaladjiman : L’eSport est en train de devenir un phénomène incontournable au Sénégal, suscitant un enthousiasme débordant chez les jeunes. Cette passion se traduit par une participation active aux compétitions locales et internationales, une fréquentation assidue des événements dédiés et une consommation régulière de contenus liés à cette discipline, notamment sur les plateformes numériques spécialisées.

Si les statistiques officielles sur le nombre de gamers au Sénégal font défaut, plusieurs indices témoignent de l’ampleur de ce phénomène ; notamment dans tous les quartiers de Dakar, le jeu vidéo s’impose comme l’une des principales distractions des milléniaux et d’ailleurs, il est crucial que les parents s’informent sur ce sujet et s’impliquent pour mieux encadrer les jeunes gamers.

En 2023, on dénombrait plus de 3,2 milliards de joueurs et l’industrie du jeu vidéo pesait plus de 200 milliards de dollars, dont 700 milliards de FCFA pour l’Afrique (soit 1,8%) avec un nombre de joueurs qui explose avec plus de 600 millions de gamers représentant 1,8% de la communauté du gaming mondiale. Cette croissance se traduit également par une multiplication des tournois et événements eSport sur le continent.

« L’eSport a toutes les cartes en main pour devenir un vecteur de transformation sociale et économique, contribuant à l’édification d’un Sénégal numérique, inclusif et prospère »

Au Sénégal, les salles de jeux vidéo, particulièrement celles de Dakar, connaissent un afflux croissant de jeunes joueurs. Les streamers et influenceurs eSport gagnent en popularité, rassemblant des communautés de fans passionnés même si les médias traditionnels et digitaux n’accordent pas encore une attention particulière à l’eSport, son essor ne laisse aucun doute sur son potentiel d’attraction.

Plusieurs facteurs contribuent à l’engouement des jeunes sénégalais pour l’eSport qui se professionnalise de plus en plus, ouvrant des perspectives de carrière en tant que joueur, coach, commentateur, analyste ou dans d’autres domaines liés à l’industrie. Et dans ce cadre le Comité National de Promotion de l’eSport joue un rôle crucial dans la promotion et la professionnalisation de l’eSport au Sénégal. Il accorde une importance particulière à la structuration de la pratique et aux opportunités qu’elle offre aux jeunes, notamment en termes d’épanouissement personnel et de professionnalisation. Le gouvernement de l’État du sénégalais, conscient du potentiel de l’eSport, s’engage à soutenir son développement en créant un environnement favorable à sa pratique et en accompagnant les acteurs de cette industrie prometteuse. L’eSport a toutes les cartes en main pour devenir un vecteur de transformation sociale et économique, contribuant à l’édification d’un Sénégal numérique, inclusif et prospère.

Lii Quotidien : Quels problèmes rencontrez vous souvent dans la pratique de l’eSport au Sénégal ?

Lordalajiman : Malgré son essor fulgurant, l’eSport au Sénégal se heurte à certains défis qui freinent son développement optimal. Le nombre d’espaces dédiés à la pratique de l’eSport est insuffisant, en particulier en dehors de Dakar.

Cette situation limite l’accessibilité à la discipline pour une grande partie de la population. La qualité et la stabilité des connexions internet font souvent défaut, affectant négativement l’expérience de jeu et la participation aux compétitions en ligne. L’accès à internet haut débit demeure onéreux pour une grande partie de la communauté, limitant encore plus l’accessibilité à l’eSport.

Les équipes sénégalaises peinent à obtenir des financements suffisants (subventions, sponsoring…) pour participer aux compétitions nationales et internationales. Ce manque de ressources freine leur développement et leur compétitivité sur la scène internationale. Un accès à des formations de qualité en matière de jeu, de coaching et d’analyse est crucial pour améliorer le niveau des joueurs sénégalais. Cette structuration professionnelle est également nécessaire pour promouvoir la création d’emplois et la formalisation des activités liées à l’eSport.

« Malgré les défis, l’avenir de l’eSport au Sénégal s’annonce prometteur »

Le jeu vidéo est parfois perçu à tort comme une activité frivole et addictive, ce qui freine son adoption par un public plus large et son intégration dans la société sénégalaise. Un changement des mentalités et une meilleure compréhension des aspects positifs de l’eSport sont nécessaires pour favoriser son développement.

Malgré ces défis, l’avenir de l’eSport au Sénégal s’annonce prometteur. La passion croissante des jeunes pour cette discipline, l’engagement des acteurs du secteur et le soutien croissant des autorités permettent d’envisager un développement fulgurant dans les années à venir.

En surmontant ces obstacles et en tirant parti de son potentiel immense, l’eSport peut devenir un vecteur de transformation sociale et économique, contribuant à l’épanouissement des jeunes, à la création  d’emplois et à l’affirmation du Sénégal sur la scène internationale.

Lii Quotidien : Le Gouvernement du Sénégal intègre-t-il l’eSport ?

Lordalajiman : Oui, le gouvernement du Sénégal s’implique activement dans la promotion et la professionnalisation de l’eSport et c’est d’ailleurs la raison de la mise en place du Comité National de
Promotion du E­Sport (CONAPES) été créé par arrêté ministériel en décembre 2021.

Le CONAPES initie des actions pour promouvoir et développer la pratique de l’eSport sur tout le territoire national. Il organise régulièrement des compétitions dans toutes les régions du Sénégal. L’eSport au Sénégal est en plein essor, avec des initiatives gouvernementales à travers le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture et une communauté passionnée de joueurs cette corrélation permettra à notre pays de se positionner comme un acteur majeur dans ce domaine en Afrique. J

e profite également de l’occasion pour exprimer ma gratitude au nom du Comité envers notre ministère de tutelle pour l’initiative qui consiste à mettre à jour le Code du Sport. Cette opération permettra à l’ESport (Sport Électronique) et au sport en général d’être profitable à tous les acteurs impliqués.

Pour rappel, le Sénégal dispose d’une infrastructure Internet de qualité, qui continuera à s’améliorer grâce à la vision Numérique annoncé par son Excellence Monsieur le Président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Le développement de l’eSport permettra à notre pays de mettre en avant l’infrastructure Internet, la connectivité de qualité et l’économie créative numérique. Cela contribuera à une société numérique inclusive.

Lii Quotidien : Le Comité international olympique lancera en 2025 en Arabie Saoudite les premiers jeux olympiques de l’eSport. Comment le Sénégal se prépare-t-il à rentrer dans l’eSport olympique ?

Lordalajiman : Effectivement, cette vision est intégrée à notre stratégie depuis longtemps, comme en témoignent nos nombreux échanges avec le CNOSS (Comité National Olympique et Sportif Sénégalais). Il est important de souligner que les JO d’eSport ne concernent pas seulement le Comité National de Promotion de l’eSport, mais qu’il s’agit d’un enjeu national. C’est pourquoi je tiens à affirmer que la phase de préparation est cruciale pour nos futurs athlètes eSportifs olympiques, à plusieurs niveaux : physique, mental et stratégique. En effet, il faudra organiser de nombreux voyages d’entraînement car, audelà des qualifications en ligne, les compétitions se dérouleront en présentiel (“offline”). L’expérience de jeu en mode online diffère considérablement du mode offline, et il est essentiel que nos athlètes s’adaptent à ces environnements distincts. Bien que les JO d’eSport se tiennent en Arabie Saoudite d’ici 2025 et durant les 12 prochaines années, il est impératif que le Sénégal mette en place dès maintenant une stratégie globale pour s’y préparer.

Lii Quotidien : Y a-t-il des chances de médailles pour le pays et l’Afrique d’une manière générale ?

Lordalajiman : Il est difficile de prédire avec certitude les chances de médailles pour le Sénégal et l’Afrique aux Jeux Olympiques d’eSport de 2025. En effet, il s’agit d’une discipline relativement nouvelle dans le contexte olympique, et les données manquent pour établir un pronostic précis. Le succès des athlètes africains dépendra de leur préparation, du soutien qu’ils recevront des autorités et de la mise en place d’infrastructures adéquates. Le temps dira si les efforts déployés aujourd’hui porteront leurs fruits dans les années à venir.

Cependant, plusieurs facteurs indiquent que le Sénégal et l’Afrique ont un fort potentiel pour briller dans cette compétition. L’eSport connait une croissance exponentielle sur le continent africain, avec un nombre croissant de joueurs et de compétitions organisées. Les joueurs africains sont reconnus pour leur talent, leur passion et leur détermination dans le domaine des jeux vidéo. Ils ont déjà obtenu des résultats notables dans des compétitions internationales d’eSport. Certains gouvernements africains, suivent l’exemple du Sénégal et commencent à prendre au sérieux l’eSport et à mettre en place des initiatives locales pour soutenir le développement de la discipline.

« Pour que le Sénégal et l’Afrique puissent espérer remporter des médailles, plusieurs conditions devront être réunies »

Néanmoins, il est important de souligner que la concurrence sera rude aux Jeux Olympiques d’eSport. Les pays asiatiques et européens, notamment la Corée du Sud, la Chine, les États­-Unis et la France, sont considérés comme les favoris de la compétition. Ils possèdent une expérience plus importante dans l’eSport et bénéficient de structures d’entraînement et de compétition plus développées.

Pour que le Sénégal et l’Afrique puissent espérer remporter des médailles, plusieurs conditions devront être réunies, les athlètes africains devront s’entraîner intensivement et bénéficier d’un encadrement de qualité pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs joueurs du monde. Cela implique l’accès à des coachs expérimentés, des infrastructures d’entraînement adéquates et des compétitions de haut niveau. Il est crucial que les gouvernements et les fédérations sportives africaines continuent à soutenir le développement de l’eSport et à mettre en place des programmes de formation et de compétition pour les athlètes.

Cela inclut le financement des programmes d’entraînement, l’organisation de compétitions nationales et internationales, et la participation aux événements eSport de renommée mondiale. Par ailleurs, l’accès à des infrastructures internet de qualité et à des équipements performants est également un facteur important pour la réussite des athlètes africains. Cela permettra aux joueurs de s’entraîner dans des conditions optimales et de participer aux compétitions en ligne sans rencontrer de difficultés techniques.

En conclusion, si le Sénégal et l’Afrique ont un fort potentiel pour briller aux Jeux Olympiques d’eSport de 2025, il faudra encore beaucoup de travail, d’investissement et de collaboration entre les différentes parties prenantes pour concrétiser cet espoir.