Le ministre-conseiller, porte-parole de la présidence a présenté, hier, avec son équipe digitale, la plateforme «Jubbanti» et la première initiative «Sa gis-gis ci doxaliinu yoon». Ousseynou Ly vient de succéder, à 35 ans, au politologue Yoro Dia, dernier à ce poste sous Macky. Le responsable Pastef à la Médina est un de ces jeunes qui se sont distingués dans l’odyssée de leur leader. Pour atteindre Ithaque, il a fallu à Ulysse un Citizen.
Le long du trajet, depuis le Palais de justice, le son strident de la sirène de Police opprime les tympans. Le cortège s’ébranle sous haute tension. En soutien au prévenu, un essaim de militants aux nerfs tendus se rue en bouclier mouvant. Le souffle est retenu ! Quelques minutes plus tard, le vacarme va crescendo… Un tir de gaz lacrymogène retentit. Puis un autre se perd dans le boucan. Les choses s’emballent lorsque le convoi de Sonko se retrouve coincé au sortir du tunnel de Soumbédioune. Le leader du Pastef, sommé auparavant d’emprunter ce passage souterrain, venait de faire fi de l’injonction. A l’image d’une embuscade, ce décor est le théâtre du bras de fer entre l’opposant et les forces de l’ordre décidées à l’exfiltrer. Au bout d’intenses tractations, un gendarme passe à l’action. Casque à la tête, visage camouflé, l’homme de tenue pulvérise du coude la vitre arrière du véhicule. A côté de cette scène digne d’une prise d’otage que s’emploient à immortaliser un groupe de reporters massés aux abords de la route, se déroule une autre hautement épique. Membre de l’équipe de Com’ du Pastef, Ousseynou Ly, d’une allure fougueuse, est en prise avec un des gros bras de son leader qui tente de l’éloigner des lieux. «Attends ! Attends ! Je ne vais pas bouger d’ici. Je vais rester», se braque-t-il, sortant de ses gonds, la voix enrouée par l’âcre odeur des lacrymogènes. «On a besoin de toi dehors ! On a besoin de toi dehors !», sermonne l’autre en vain, tout près des éléments du Gign lourdement armés. Courage en bandoulière, manœuvrant avec tact, Ousseynou Ly est dans le lot de ces jeunes près au sacrifice ultime pour la propagation des idéaux portés par le leader du Pastef.
Un manager au porte-parolat
Taille fluette, visage juvénile et débonnaire, un regard perçant qu’atténue une paire de lunettes, des traits qui esquissent déjà le fin stratège. Ousseynou Ly alias «Citizen» est un «coach» qui vient d’atterrir au porte-parolat de la Présidence. En tant que ministre-conseiller, il lui est assigné aussi une mission de chef de cellule de la communication digitale du Palais. C’est dans ce sens qu’il a présenté, hier, avec son équipe, la plateforme «Jubbanti» et la première initiative «Sa gis-gis ci doxaliinu yoon», pour «donner la parole aux citoyens, afin de bâtir ensemble une justice plus transparente, efficace et accessible à toutes et à tous». Une initiative en prélude à la journée du Dialogue national du 28 mai 2024. Le Gestionnaire en Marketing a, là, un produit à vendre ! Mais Ly est aussi spécialisé en Comptabilité, Finance et Ressources humaines. Et l’homme n’est cependant pas un profane dans sa nouvelle tâche. Car si la force du destin vient de le placer hors de son champ professionnel, le «don de soi» qu’avait emprunté le Pastef l’aura outillé. Bien sûr pas comme un Elhadj Hamidou Kassé, philosophe et journaliste, entré dans le moule avant même d’occuper le poste. Ni un Yoro Dia, journaliste-politologue et virtuose réputé de la plume et du verbe dont les derniers éléments de langage griffonnés n’ont pas encore quitté les poubelles du palais. Diplômé de l’Institut supérieur de management de Dakar (Ism), Ousseynou, parmi les orfèvres du langage des codes de «l’anti-système», est un parolier à la carapace endurcie au sein du secrétariat national de Communication du Pastef. «C’est un militant acharné, un travailleur infatigable qui a beaucoup trimé dans les coulisses de la machine de com’ du parti. Mais c’est sa nomination dans le cabinet du Pros en tant que chargé de l’image de ce dernier qui l’a propulsé. C’était en 2022, lors de la dernière restructuration du Pastef. Depuis lors, il continue d’assurer audevant de la scène comme derrière les projecteurs», témoigne son camarade, Ibrahima Diallo, membre comme lui de l’équipe de com’ rapprochée de Sonko.
Le flair politique dans l’aventure…
Né à Mbour, Ousseynou Ly, qui a grandi à la Medina, était loin de s’imaginer un destin politique. Mais comme la plupart des jeunes de sa génération, les sorties de Sonko sur la scène médiatique comme ses fracassantes interventions à la tribune de l’Assemblée ne le laisseront point indifférent. Mû par un besoin de changement de paradigmes dans la marche du pays, Citizen Ly rejoint «l’appel aux Patriotes» quatre ans après la naissance du parti, plus précisément en 2018. «Comme beaucoup de gens à l’époque, je suivais les interventions de Ousmane Sonko. Je remarquais aussitôt que sa vision politique et ses idées correspondaient à mes aspirations en termes d’offres politiques», se remémore-t-il. De militant de l’ombre, il devient très actif, et se fera ensuite remarquer dans les médias traditionnels et les réseaux sociaux. Puis, il échelonne à la vitesse de la F1, sport qui le passionne comme il le signale dans le descriptif de son compte X. Et au bon moment puisque le Pastef tissait sa toile en perspective de l’âpre lutte pour le contrôle de Dakar. Mais c’était encore Bamba partout à la Médina ! «Je devais jouer un rôle de point focal pour la commune de Médina et ensuite travailler sur la visibilité du parti dans la zone. Quelques temps après, j’ai intégré le secrétariat national à la communication où, avec d’autres compétences d’ici et de la Diaspora, on a bâti la machine de communication du parti», relate le porte-parole de la Présidence. Les années qui suivent, les choses sérieuses commencent pour Citizen derrière un leader «présidentiable» assailli par une série de procès à connotation politique. Sonko et une centaine de ses compagnons dont Diomaye finissent par être incarcérés. Au-delà du rapport de force dans les rues et autres combats de robes noires, le sauvetage du «projet» consistera désormais dans la maitrise des ficelles de la communication de crise. Et Ousseynou s’y emploie à merveille jusqu’à surprendre son monde ! Au comble de la polémique née des suspicions autour d’un «protocole de Cap Manuel», il se fend d’un post sur Facebook suggérant à Sonko de répondre à la main tendue de Macky en faveur de sa libération. Comme Imam Dramé d’ailleurs. En demandant ainsi à ses camarades de se «départir de toute émotion et de tout autre sentiment de haine envers ses persécuteurs», l’homme se retrouve poursuivi par la clameur… pastéfienne. D’aucuns y ont vu une «lucidité» de ce «Talibé Serigne Babacar Sy», comme il se définit. «Ce fut une réaction qui démontre sa force de recul et de retenue dans les moments de crise que nous avons dus traverser. Surtout qu’à ce moment, il n’était pas évident d’avoir un regard détaché pendant que la plupart d’entre nous suivaient une autre logique. C’est dire combien il est pondéré», reconnait Ibrahima Diallo du Pastef.
Symbole de la consécration des jeunes
Marié et père d’un enfant, Ousseynou Ly, auparavant chargé de projet à l’Agence de Coopération internationale de la Corée, est un autre symbole de la consécration des jeunes dans les luttes politiques. Qualifié de «méticuleux» par ses compagnons, «têtu» pour ses proches, Citizen se singularise aussi par son statut de plus jeune porte-parole de la Présidence ces 20 dernières années. «Hébergé» dans cette branche Com’, fer de lance du Pastef dans sa conquête du pouvoir, sa nomination est source de fierté et de reconnaissance. «C’est une opportunité donnée à l’un d’entre nous afin qu’il fasse ses preuves et mette ses compétences au service du pays. Il faut aussi reconnaitre que, globalement, ce sont les jeunes qui ont porté le Pastef au pouvoir. D’autant plus que plus de 60% de notre population est composée de jeunes. Donc, pour nous, c’est une consécration», se réjouit Alexandre Mpal Sambou, secrétaire général de la Jeunesse patriotique du Sénégal (Jps). De même que le concerné, Ousseynou Ly, qui y voit «un appel à servir dans l’humilité et la rigueur» !
Source: Bes bi, Le jour