vendredi, novembre 15, 2024

Le Sénégal s’apprête à lancer son premier satellite au service de l’environnement

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Le Sénégal envisage de lancer, en juillet prochain, son premier satellite appelé GaindéSat, un satellite de type 1U. Le projet, initié par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, implique un comité technique composé d’enseignants-chercheurs d’institutions académiques sénégalaises, ainsi que la collaboration de structures bénéficiaires. Le Professeur Gayane Faye, coordonnateur du projet et spécialiste en Sciences physiques explique à The Conversation Africa la pertinence du projet qui a pour missions principales la collecte de données environnementales et la prise d’images à basse résolution du Sénégal. Il souligne également l’importance de la collaboration entre pays africains dans le domaine spatial.

 

Quel type de satellite le Sénégal prévoit-elle de lancer ?

Le satellite que nous apprêtons de lancer est un satellite 1U. qui a deux missions principales. La première est la collecte de données environnementales. Et la deuxième est une émission d’imagerie. D’ailleurs, c’est pour cela qu’on l’a appelé Gaindé Sat : Gainde veut dire lion, c’est le totem du Sénégal. C’est également un acronyme qui signifie Gestion automatisée d’informations de données environnementales par satellite. ll s’agira de collecter des données environnementales que d’habitude les institutions de l’Etat collectent manuellement. A titre d’exemple, on peut citer la Direction de la gestion et de la planification des ressources en eau (DGPRE), qui dispose de stations de mesure à travers le Sénégal et qui, pour récupérer les liens de ces stations de mesure, se déplace sur place pour brancher un ordinateur ou bien en utilisant les réseaux de transmission des opérateurs de téléphonie. Ce qui coûte cher. Le projet est financé à 100 % par l’état du Sénégal.

Aller sur le terrain et brancher son ordinateur pour aller récupérer les données aussi, cela coûte cher. Ce satellite a pour mission de se connecter aux stations de mesure de ces structures à chaque passage et d’aspirer les données avant de les envoyer au centre de contrôle de Diamniadio (près de Dakar). Cette première application permettra d’élargir et plus tard de connecter l’ensemble des stations de mesure des structures de l’Etat et, pourquoi pas, des structures privées pour faciliter la collecte des données environnementales.

La deuxième mission du satellite consistera à prendre des images du Sénégal. Ces images seront de basse résolution spatiale car, pour le moment, c’est un petit satellite qui ne peut pas prendre des images avec une haute résolution. Elles permettront de tester certaines applications avec pour objectif d’avoir une souveraineté dans la collecte, l’analyse et l’exploitation des images pour la production de services pour soutenir le développement du Sénégal.

Quels sont les autres avantages et retombées potentielles ?

Comme mentionné précédemment, cette initiative facilitera la collecte de données permettant aux structures d’économiser du temps et de l’argent. Par exemple, dans la région du Sine-Saloum (centre du pays), au sud ou à l’Est du pays, le déplacement d’une équipe pour récupérer des données peut être coûteux en termes de ressources et de temps. L’aspiration directe des données vers la station de Diamniadio, où elles sont directement accessibles sur ordinateur, représente un gain de temps et d’argent significatif. De plus, cela facilite la prise de décisions rapides et les alertes précoces. Par exemple, en cas de crue, le Sénégal pourra prendre des décisions rapidement.

Un autre avantage est la stimulation de l’innovation et la motivation des jeunes. Participer à la fabrication d’un satellite, cela peut inspirer d’autres vocations et susciter des ambitions. C’est pourquoi nous prévoyons de visiter les centres de formation et les écoles pour encourager les vocations, démystifier ces technologies et lever certaines barrières perçues comme infranchissables. Il s’agit de permettre aux jeunes de développer tout leur potentiel. Les données collectées permettront également de mener des recherches pour améliorer les futures missions assignées au satellite.

Qui sera impliqué dans ce projet ?

Ce projet est initié par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et porte le nom de SENSAT. J’ai eu l’honneur et le privilège de le diriger et de le coordonner depuis quatre ans. Un comité technique a été mis en place. Il est composé d’enseignants-chercheurs de l’École Supérieure Polytechnique, de l’École Polytechnique de Thiès, de l’École Polytechnique de Saint-Louis, ainsi que de l’Institut des Sciences de la Terre d’où je viens. Des jeunes ont également été sélectionnés pour participer au projet. Nous avons associé toutes les structures bénéficiaires, telles que la Direction de la Gestion et de la Planification des Ressources en Eau (DGPRE), l’Office des lacs et cours d’eau (OLAC), l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie, etc. Nous collaborons avec toutes ces structures pour les impliquer dans la réflexion et la revue de nos travaux. Des revues régulières de l’avancement du projet sont organisées, permettant d’apporter des corrections et de prendre des mesures urgentes si nécessaire. Toutes ces structures, ainsi que la Direction de la recherche et de l’innovation, participent à ce processus.

D’autres pays africains ont lancé des satellites ces deux dernières années. Quel type de collaboration envisagez-vous avec ces pays?

Le domaine spatial est vaste, complexe et nécessite une main-d’œuvre importante. Il n’est donc pas réaliste pour chaque pays de tout gérer seul. Bien que chacun doive faire des efforts, il est important de ne pas se disperser. Il est donc nécessaire de collaborer avec d’autres pays. En tant que coordinateur du réseau académique GMES & AFRICA (Global Monitoring of Environment for Security and Africa), le programme spatial de l’Union africaine, j’ai plaidé lors de nombreux événements pour la mutualisation de nos efforts en vue d’atteindre la souveraineté spatiale. Chaque pays doit poser les bases fondamentales en termes de formation des ressources humaines, de mise en place des infrastructures et d’un écosystème spatial pour aborder les grands enjeux qui transcendent les frontières. Actuellement, nous n’avons pas de partenariats spécifiques avec d’autres pays, mais nous sommes en contact avec des responsables de projets et de programmes spatiaux sur le continent.

Par ailleurs, nous sommes partenaires stratégiques du Centre Spatial Universitaire de Montpellier, en France, où nos ingénieurs sont formés au développement d’objets spatiaux. Ce centre possède une grande expérience et offre l’avantage d’être un partenaire académique. S’il s’agissait d’un partenaire privé, il serait orienté vers le secteur commercial, ce qui compliquerait le transfert de technologie pour nous. Le rôle d’un partenaire académique est le partage de connaissances, ce qui nous a permis d’acquérir des compétences très utiles pour poursuivre le développement du projet spatial du Sénégal.The Conversation

 

Gayane Faye, Professeur de sciences physiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.