mardi, juillet 16, 2024

Le Cameroun confie la production de ses CNI à une entreprise allemande

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L’État camerounais a confié le marché de l’attribution du contrat de production des cartes nationales d’identité à une entreprise allemande, bafouant ainsi la question de la souveraineté numérique, un défi majeur pour les pays africains selon plusieurs acteurs.

La colonisation numérique se poursuit en Afrique. En effet, le continent est confronté depuis quelques années à une véritable problématique de souveraineté numérique. L’Europe, consciente de la faiblesse de l’Afrique, déploie de plus en plus des stratégies de conquête pour maintenir le continent sous sa dépendance.

Après le Sénégal, où la question de la souveraineté numérique a été soulevée dans le cadre de plusieurs projets, comme le projet des  états civils ou encore  la colonisation via l’IA , le Cameroun entre à nouveau en jeu en confiant à l’entreprise Augentic GmbH, déjà responsable de la production des passeports camerounais, la production des cartes nationales d’identité (CNI).

Cette décision est jugée très dangereuse par des spécialistes, qui y voient une atteinte grave à la protection des données personnelles.

Selon le GEDCAM (Groupement de l’entreprenariat du digital pour le Cameroun), l’attribution de ce marché à une entreprise européenne prouve que les autorités ne sont pas conscientes des inconvénients, alors que des entreprises camerounaises disposent des compétences nécessaires.

« Au GEDCAM, nous avons appris comme tout le monde la validation d’un contrat de concession sur la CNI entre la DGSN et la société Augentic. C’est un énième opérateur après plusieurs autres qui ont échoué. Si GEMALTO, THALES et les autres ont échoué, est-ce qu’Augentic va résoudre le problème juridique et de citoyenneté de notre identité nationale ? Au-delà du document de la CNI, il s’agit d’un acte juridique régalien qui attribue une existence légale à un citoyen. En amont, nous avons d’autres documents officiels indispensables pour l’obtention de la CNI. Vont-ils également s’en occuper ? Nous sommes encore ici comme des esclaves que les maîtres affranchissaient par un document pour leur liberté afin d’être reconnus comme citoyens. Les Camerounais n’étant pas en possession de cette CNI, pouvons-nous être considérés aujourd’hui comme citoyens accomplis et libres ? Assurément NON », s’indigne le président du GEDCAM, Jean Genestar Priso.

D’après le contrat signé le 13 mai dernier à Yaoundé, entre la Délégation générale à la Sûreté nationale, représentée par Martin Mbarga Nguele, et l’entreprise allemande Augentic GmbH, représentée par son directeur général, Labinot Carreti, la carte nationale d’identité sera délivrée en seulement 48 heures, d’ici la fin de l’année 2024.

La Délégation générale à la Sûreté nationale (DGSN), qui s’occupe de ce dossier, avait obtenu il y a quelques mois le feu vert du Président de la République pour rechercher un prestataire afin de réformer le processus et le système de délivrance des CNI.

L’entreprise allemande Augentic opérera selon le modèle Build-Operate-Transfer pour une durée de dix ans. Elle sera chargée de construire trois centres autonomes de production de la carte nationale d’identité à Yaoundé, Douala et Garoua, ainsi que des centres modernes d’enrôlement avec un minimum de quinze postes d’enrôlement dans chaque chef-lieu de région.

Augentic remplace l’entreprise française Gemalto, qui opérait au Cameroun depuis le 31 juillet 2015. Dans le cadre du projet Senac (Système de sécurité de la nationalité camerounaise) géré par la DGSN, Thalès produisait depuis dix ans des CNI camerounaises. Le 31 décembre 2014, l’État du Cameroun a décidé de ne pas renouveler le contrat, et Thalès a réclamé une dette d’environ 4 milliards de francs CFA à l’issue du contrat. Après négociations, un accord à l’amiable avait été trouvé.