Quelle compréhension avoir de la notion « d’opérateur puissant » ou « exerçant une puissance significative » comme disposé dans le code des communications électroniques (Cf : Article 4 Définitions, 78 et suivants : Identification des marchés pertinents et désignation des opérateurs ayant une puissance significative sur ceux-ci) ?
Il est intéressant de se pencher sur la notion de « puissance significative », ou « d’influence significative » ou de « position dominante » sur un marché. Indifféremment, ces notions ont été utilisées depuis 2001 dans les différentes lois régissant et organisation le secteur des télécommunications/TIC au Sénégal. On retrouve même la notion de position dominante dans le code des marchés publics. La notion de position dominante a été introduite pour la première fois par la directive 97/33/CE qui organisait la concurrence dans le secteur des télécommunications au niveau de la communauté européenne, reprise par la suite dans nos différents textes lois au Sénégal et dans les pays francophones, sans que nous ayons au préalable réfléchi et développé une doctrine autour de cette notion.
La compréhension qu’il faut avoir de la notion de puissance significative, c’est qu’elle définit un seuil à partir duquel un organisme est soumis à des obligations spécifiques sur un marché pertinent. Laquelle part de marché pertinent est fixée a priori au minimum à 25%. Sous ce rapport, il importe de noter que ces notions sont différentes de celle du droit de la concurrence de « position dominante » que l’on retrouve dans le Code des marchés publics par exemple, qui analyse le marché au cas par cas et par un contrôle a posteriori. Il n’y a donc pas une présomption légale quant au seuil constituant une position dominante, mais c’est un ensemble de critères qui permettent de déterminer la part de marché et la position dominante.
Sous l’influence du droit de la concurrence, ces concepts ont évolué, puisque la proposition contenue dans le Code des communications électroniques en vigueur au Sénégal revoit la notion de puissance significative. Celle-ci semble en effet obsolète dans la mesure où un opérateur peut-être en position dominante sans représenter 25% de ce marché. C’est pourquoi la notion de marché pertinent a été introduite dans le Code des communications électroniques. Il en résulte que l’exercice de ce droit par le régulateur est un moyen de développer la concurrence dans la mesure où le principe de non-discrimination qui est prônée favorise les nouveaux entrants sur les différents segments.
Enfin, le principe de transparence propre aux modes opératoires de la régulation s’applique aux coûts, qui doivent être pertinents et clairement identifiés par le régulateur sur la base d’une discussion franche avec les acteurs, car il se reflète aussi dans la tarification qui constitue l’enjeu principal de la politique concurrentielle.
L’exemple des communications électroniques offre donc une illustration intéressante du recours aux instruments de la régulation pour définir les conditions d’utilisation d’un réseau pour la fourniture de produits et services ouverts à la concurrence. Il reflète également le caractère évolutif de la régulation en fonction du degré de concurrence (Concurrence naissante, concurrence établie et concurrence durable).
En définitive, les fondements de la régulation qui reposent sur le respect de la concurrence doivent aboutir à la mise en place d’une organisation équitable du marché régulé, car cette concurrence entre les différents acteurs du secteur régulé doit s’exercer de manière « saine et loyale ».
Issa Isaac SISSOKHO
Docteur en Droit
Expert en régulation des marchés Télécoms/TIC et Poste