Cette étude intervient dans un contexte où le Sénégal connait des cas de coupure d‟internet à l‟instar des pays comme le Togo, Kenya, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Mali et la Guinée. Or, au regard du droit international, les perturbations de l‟internet sont d‟une violation des droits numériques des utilisateurs Internet et une violation de la Constitution du Sénégal qui garantit à tous les « citoyens les liberté s individuelles fondamentales dont les libertés d’opinion, d’expression, de presse, d’association, de réunion, de dé placement, de manifestation ».
L‟existence des coupures d‟Internet ou des restrictions d‟accès à Internet n‟est plus contestable au Sénégal et les coupures d‟internet mobile et les restrictions d‟accès aux réseaux sociaux durant les événements du 1er juin en sont la preuve.
A l‟instar de la Déclaration conjointe des organisations de la société civile pour dénoncer la fermeture d‟internet, le Réseau des entreprises du secteur des technologies de l‟information et de la communication (Restic) menace de porter plainte contre les trois opérateurs de télécom du Sénégal devant la CEDEAO pour violation sur les droits économiques et libertés d‟expression suite à la rupture observée dans le réseau d‟internet mobile au Sénégal . Le litige stratégique en matière de coupure d‟internet constitue un moyen de plaidoyer, de sensibilisation et d‟éducation pour permettre aux citoyens d‟avoir un accès libre à internet, de sensibiliser l‟Etat de l‟ impact des coupures d‟internet sur les droits de l‟homme et de permettre à la communauté de connaitre la procédure à suivre, d‟en saisir les autorités judiciaires compétentes et d‟avoir droit à une assistance judicaire et à une réparation. Le présent document constitue un rappel aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs d‟accès à internet de leur mission principale qui est la fourniture d‟un internet de qualité et de haut débit.
Les premiers pas du Sénégal sur le chemin de l‟Internet remontent à la fin des années 80, lorsque, à l’initiative de l‟ORSTOM, aujourd‟hui, connu sous le nom d‟Institut de Recherche pour le Développement
(IRD) et de l‟organisation nongouvernementale, Environnement et Développement du Tiers-monde (ENDATM), ont été installés les deux premiers systèmes de messagerie électronique du pays.
La seconde initiative majeure de la connectivité au Sénégal est mise en œuvre par l’Association for Progressive Communication (APC) regroupant des ONG impliquées dans le développement social et la résolution des problèmes environnementaux. Afin de faciliter la communication entre ses membres, APC met au point en 1990 un système de messagerie électronique de type « store and forward » basé sur le protocole FIDO. Ce système de messagerie électronique est conçu pour être utilisé dans les pays en développement.
Ce n‟est qu‟en mars 1996 que le Sénégal est officiellement raccordé à Internet, dont le premier serveur Web en ligne est historiquement apparu en novembre 1995 au Centre SYFED-REFER de Dakar.
Depuis lors, sa connectivité n‟a cessé de s‟améliorer, en raison de l‟élargissement progressif de la bande passante de liaison qui est l‟une des plus importantes de l‟Afrique de l‟Ouest.
De plus, il faut noter que durant la décennie 1996-2006, l‟ère de l‟information au Sénégal était caractérisée par la privatisation de l‟opérateur national de télécommunications, la libéralisation du
marché des télécommunications, la création d‟une agence de régulation, la connexion à Internet et le lancement de la téléphonie mobile. Cette évolution s‟est accompagnée de nombreuses initiatives de la communauté internationale visant à réduire la fracture numérique tandis que la société civile se mobilisait afin que les enjeux sociaux et sociétaux soient pris en considération.
Le Sénégal développe activement l‟usage généralisé des technologies de l‟information et de la communication à travers ses différentes initiatives nationales telles que décrites dans sa stratégie « Sénégal Numérique 2025 », adossée au référentiel de développement du Plan Sénégal Emergent (PSE), adopté en
2012. C‟est une vision à long terme constituée de prérequis et axes prioritaires articulés autour du slogan « le numérique pour tous et pour tous les usages en 2025 au Sénégal avec un secteur privé dynamique et innovant dans un écosystème performant ».
C‟est pour dire que le numérique constitue un secteur déterminant dans le développement économique et social du Sénégal. C‟est un levier essentiel de démultiplication des gains de productivité et d‟accroissement de la compétitivité de tous les secteurs de l‟économie, à travers l‟offre des biens et des services numériques.
C‟est dans ce cadre que la résolution des Nations Unies sur l‟Internet de 2016, adoptée par le Conseil des droits de l‟Homme des Nations Unies, reconnaît que l‟Internet peut accélérer les progrès vers le développement, y compris dans la réalisation des ODD, et affirme l‟importance d‟appliquer une approche fondée sur les droits pour fournir et étendre l‟accès à l‟Internet.
Astou DIOUF,
Doctorante en Droit Privé Juriste chercheure en Droit Numérique à JONCTION
dioufastou.ecf@yahoo.com