La « théâtralisation » de la revue de presse répond à une logique programmatique. C’est une adaptation intelligente à l’audience, sans participer à la crétinisation de la société. Hélas les réseaux sociaux s’en chargent.
Dans le fond, cette façon de livrer les news facilite l’accès à l’information à la majorité des sénégalais, qui ne lisent pas les quarante-neuf quotidiens, qui paraissent chaque jour dans notre pays.
Les puristes, intellectuels et autres élites comme le président Macky Sall peuvent ne pas aimer la revue de presse, parce qu’ils ne sont tout simplement pas la cible. Ce n’est pas pour rien que la revue de presse bourdonne dans les marchés à toutes les heures de diffusion. Le secteur informel s’informe principalement avec la revue de presse.
Et, cette donne est à corréler avec le taux d’analphabétisme au Sénégal. Plus de 54, % des sénégalais ne savent ni lire, ni écrire le français, langue avec laquelle les journaux sont édités. Pour autant, ces illettrés ont droit à l’information au même titre que l’intelligentsia. En indexant ce genre journalistique, le président de la République fait surtout référence à la version wolof. Cette mise en forme de la livraison de l’information répond à trois questions fondamentales en journalisme : D’où est ce qu’on parle ? À qui on s’adresse ? Comment rendre l’info digeste ? Parce que informer comme gouverner, c’est connaitre son peuple, le public en l’occurrence. La question est un cas d’école. Un vaste champ d’apprentissage pour les formateurs. Ne jetons pas le bébé et l’eau du bain, tout n’est pas mauvais dans cette façon de faire tant que le « revueur de presse » n’invente pas des faits ou ne travestit pas des propos.
Dans la forme, certains « revueurs » sont plus expressifs que d’autres, un peu plus mesurés disons. Mais, la « théâtralisation » ou l’adaptation intelligente à l’audience est une bonne chose, au nom de l’accès universel à l’information.
Cependant, la pratique, semble-t-il, n’est pas du gout du chef de l’état Macky Sall. À mon humble avis, le président de la République devrait plutôt être fier d’expliquer aux confrères francophones la pertinence de ce qu’il appelle « théâtralisation ». Cette sortie a frustré les journalistes qui l’ont fait savoir. Suite à son (libre) commentaire, Babacar Fall de la RFM a reçu une avalanche d’insultes et de menaces. Inacceptable. Nous lui témoignons notre soutien confraternel car la haine et la violence doivent être condamnées sans ambiguïté, d’où qu’elles viennent. Cela dit, ce désamour entre le président Macky Sall et la presse privée nationale est regrettable. Mais, comme les histoires d’amour, les deuxièmes mandats finissent mal en général.
Cherif Diop, Journaliste
Citoyen Sénégalais