Dans une démocratie établie, les élections constituent un processus dont le résultat est incertain. Toutefois au Sénégal, la victoire au 1er tour de Macky Sall à l’élection présidentielle de 2019 était déjà annoncé 8 mois avant le scrutin par un député de la coalition politiaue au pouvoir, le 18 juillet 2018 avec un score minimum de 57%. Elle fut réitérée en janvier 2019, soit à moins de 2 mois. Le jour du scrutin alors que les résultats provisoires par bureau de vote commençaient à être publiés, le représentant du candidat Macky Sall annonçait sa victoire à 57% au minimum. En définitive, les résultats officiels ont proclamé une victoire au 1er tour du candidat Macky Sall avec 58,26% des suffrages. Ils confirment ainsi que le résultat annoncé depuis 2018 par la coalition politique au pouvoir n’était pas du bluff ou de la fanfaronnade.
L’analyse des suffrages de la coalition politique de Macky Sall des législatives de 2017 à la présidentielle 2019 sont si frappants qu’il est à se questionner sur ses déterminants.
Des lors, au-delà des effets des pratiques classiques de campagne électorale communes à tous les candidats, il est à se questionner sur la véritable stratégie électorale mais surtout le processus électoral à l’origine des résultats officiels de la présidentielle de 2019.
Cette étude vise ainsi à identifier et expliquer les ressorts des résultats de l’élection présidentielle de 2019 mais aussi le processus électoral qui les a favorisé afin de préconiser des recommandations en vue de la présidentielle de 2024.
Présidentielle 2019: Des résultats qui interrogent, notamment, la victoire au 1er tour de Macky Sall
Les résultats définitifs de la présidentielle de 2019 indiquent d’une part que 2 254 363 électeurs n’ont pas participé à l’élection, soit 2 097 186 sur le territoire national et 157 527 à l’étranger. Respectivement, un taux d’abstentionnisme de 32,9% et de 49,12%.
Et d’autre part, que sur un nombre de 6 683 043 inscrits au fichier électoral, 4 428 680 électeurs ont voté pour une victoire au 1ertour de Macky Sall avec 2 555 426 suffrages, soit 2 483 032 sur le territoire national et 72 394 à l’étranger. Le vote national a donc déterminé la victoire de Macky Sall ce qui en fait le terrain d’investigation de cette étude.
L’examen des résultats sur le territoire national montre que le candidat Macky Sall a gagné tous les départements du Sénégal, exceptés ceux de Mbacké, Thiès, Bignona, Ziguinchor, Oussouye.
Il est à noter 19 des 45 départements, ont contribué significativement à la victoire avec plus de 60 000 suffrages dans chacun d’entre eux, pour un total de 1 805 473. Parmi ces derniers, émergent nettement Dakar avec plus de 200 000 suffrages, Pikine, Mbour, Podor, Rufisque et Thiès avec plus de 100 000 et enfin Kaolack et Matam avec plus de 90 000 suffrages.
Des suffrages qui interrogent au regard de ceux qu’avait obtenu dans ces départements la coalition politique qui soutient le candidat Macky Sall aux élections législatives du 31 juillet 2017: Dakar 114 683, Pikine 90 036, Mbour 74 362, Podor 78 997, Rufisque 54 108, Kaolack 66 049 et enfin Matam 65 650.
D’autres départements ont aussi obtenu une croissance significative de suffrages en faveur de Macky Sall: Kedougou 223,25%, Saraya 177,99%, Oussouye 93,75%, Kolda 87,04%, Ranerou Ferlo 85,97%, Mbacké 82,73%, Guédiawaye 79,07%.
Dans la diaspora aussi il est à noterdes taux de croissance importants: Europe – Occident 89,02%, Afrique du Nord 84,83%, Moyen – Orient – Asie 81,85%, Amérique – Océanie 74,72% et Afrique de l’Ouest 63%.
Des hausses substantielles de suffrages, des législatives du 31 juillet 2017 à la présidentielle du 24 février 2019, donc moins de 2 ans, qui questionnent. De quels électeurs sont issus ces augmentations? Viennent-elles des nouveaux inscrits suite à la révision exceptionnelle des listes électorales du jeudi 1er mars au lundi 30 avril 2018, organisé par le décret n° 2018-476 du 20 février 2018)? Ou bien d’électeurs déjà inscrits depuis la refonte partielle listes électorales organisée par le décret n° 2016-3155 du 19 aout 2016?
Afin d’avoir des réponses pour pouvoir identifier la source principale de ces augmentations, une revue a d’abord été faite des résultats de la révision exceptionnelle des listes électorales. Ensuite, en considérant l’ensemble des 45 départements, un examen, d’une part, des relations entre l’augmentation du nombre de nouveaux inscrits et celle des suffrages de Macky Sall, et d’autre part, un accroissement des votants et de celui de ses suffrages.
Le bilan provisoire présenté par la Direction Générale des Elections du Sénégal via une conférence de presse du 02 juillet 2018 informe de 431 104 demandes d’inscriptions suite à la révision des listes électorales. Compte non tenus des rejets et radiations et du fichier électoral de 2017 qui était de 6 219 446 (Rapport CENA législatives 2017, page 23), le nombre d’électeurs de la présidentielle de 2019 devait être de 6 650 550.
Par un arrêté publié au Journal Officiel du 25/08/2018 le Ministre de l’intérieur informe du nombre de 6 682 075 électeurs soit une augmentation 31 525. À la présidentielle de 2019, le fichier électoral était de 6 683 043 soit encore 968 de plus. Ce qui précède, révèle encore une fois le manque de fiabilité du fichier électoral du Sénégal, des chiffres qui varient constamment. Toutefois, la différence entre les chiffres publiés dans les rapports de la CENA sur les élections de 2017 et 2019, indique 463 597 nouveaux inscrits.
Ces 463 597 nouveaux électeurs ne constituent pas, par rapport au résultat des législatives de 2017 (1 637 761 suffrages), la source principale des 917 665 suffrages supplémentaires qui ont permis à Macky Sall de gagner la présidentielle de 2019.
En effet, l’analyse de la répartition de ces nouveaux électeurs par département en relation avec l’augmentation des suffrages, indique une incidence très faible. Cette tendance se remarque surtout dans les départements qui ont eu le plus d’impact significatif dans la victoire de Macky Sall tels que Dakar, Pikine, Mbour, Podor, Rufisque.
Les nouveaux électeurs ont été de: Dakar 25 083, Pikine 20 966, Mbour 22 170, Podor 17 037, Rufisque 12 228. A supposer qu’ils aient tous votés pour Macky Sall, on aurait des taux d’incidence respectifs très faibles de 25,68%, 22,40%, 29,81%, 21,56%, 26,28%.
Ce constat est confirmé par l’analyse de corrélation entre la variation en pourcentage des électeurs inscrits et la variation en pourcentage des votes pour la coalition politique de Macky Sall de 2017 à 2019. Cette dernière montre un coefficient de corrélation de 0,221. Cela suggère une faible relation positive entre les deux variables, indiquant qu’à mesure que le nombre d’électeurs inscrits augmentait, il y avait une légère tendance à augmenter également les votes pour Macky Sall, toutefois la relation n’est pas forte.
Ainsi donc, la matrice de corrélation indique une faible relation positive entre l’augmentation du nombre d’électeurs inscrits et l’augmentation des votes pour Macky Sall. Cela suggère que même s’il existe une certaine association entre ces deux facteurs, elle n’est pas particulièrement significative.
Par contre, les résultats de la corrélation de la participation électorale de 2017 par rapport à 2019 (0,9877) et la corrélation des votes pour la coalition politique de Macky Sall de 2017 par rapport à 2019 (0,974) indiquent des coefficients de corrélation qui révèlent une très forte relation positive entre la participation électorale et les votes pour Macky Sall. Cela suggère que les départements avec un taux de participation plus élevé en 2017 ont également connu un taux de participation plus élevé en 2019, et de même pour les votes pour Macky Sall.
Une revue de la participation électorale dans les 5 départements clés que sont Dakar, Pikine, Mbour, Podor, Rufisque, produit des données probantes qui confirme cette correlation.
A Dakar, pour une augmentation de 15,49% du taux de participation, il y a eu une augmentation des suffrages valablement exprimes (SVE) de 115 232. Et parmi ces derniers Macky Sall a obtenu 97 672, soit 84,75%, tandis qu’à Pikine le taux est de 77,10% pour un taux de participation en hausse de 19,4% qui s’est traduit par 121 389 SVE. Mbour est à 78,03% pour un taux de participation en hausse de 20,57%, tandis qu’a Rufisque, il est de 81,24% pour 20.01%. Enfin à Podor, un accroissement de 9,98% du taux de participation a eu comme conséquence 136 665 SVE et 127 639 suffrages pour Macky Sall, soit 93,39%.
En définitive, Il en ressort de cette analyse que les 917 665 suffrages supplémentaires qui ont permis à Macky Sall de gagner la présidentielle de 2019, proviennent principalement d’électeurs déjà inscrits dans les listes électorales depuis leur refonte partielle en 2016.
Ainsi donc, la victoire au 1er tour a été obtenu par les suffrages d’électeurs enregistrés dans le fichier électoral depuis 2016 et non par de nouveaux inscrits au fichier électoral suite à sa révision exceptionnelle en 2018.
De cette conclusion, on tire les questions suivantes: Pourquoi les électeurs supplémentaires qui ont permis de gagner l’élection, n’ont pas été mobilisés lors des législatives de 2017 pour obtenir plus de 1 637 761 suffrages? Pourquoi attendre la présidentielle de 2019 pour faire voter des électeurs dont on dispose depuis 2016?
Un tel questionnement conduit logiquement à s’interroger sur les déterminants des résultats de la présidentielle de 2019, à savoir les 2 555 426 suffrages en faveur du candidat Macky Sall, et l’abstention de 2 254 363 électeurs.
Une interrogation doublement légitime. D’abord, il n’a pas été constaté, durant l’entre deux élections de 2017 à 2019, un changement notable de gouvernance du Sénégal par Macky Sall qui aurait pu lui procurer de tels gains électoraux. Ensuite, dans l’histoire électorale du Sénégal, un tel constat n’a jamais été observé.
Il apparait ainsi que les déterminants des résultats de l’élection présidentielle de 2019 est une problématique à explorer.
Question de recherche
L’étude de l’histoire électorale du Sénégal révèle que l’organisation des élections au n’a pas atteint un niveau de sécurisation qui rend totalement impossibles les fraudes électorales. Si pour les défenseurs du système, la fraude électorale, si elle existe, reste marginale, sa preuve n’étant pas souvent rapportée, force est de reconnaître que la persistance de problèmes tels que le manque de transparence, l’absence de décisions consensuelles, favorisent la suspicion. En outre, les libertés d’expression, d’opposition et d’association sont restreintes dans un contexte de pratique autoritaire du pouvoir par le président de la République. Les élections sont également affectées par les manifestations du clientélisme et de la personnalisation du pouvoir. Celles-ci contribuent à discréditer les élections sénégalaises.
Les suspicions et accusations sur le manque de transparence du processus électoral n’est jamais remis en cause par le juge électoral sénégalais. Il a été fortement politisé par l’autorité politique en raison de son de pouvoir de nomination.
En effet, les membres des juridictions constitutionnelles sénégalaises sont choisis par le Président de la République et le Président de l’Assemblée Nationale. La nomination du Président de la juridiction constitutionnelle par l’autorité de nomination à savoir le Président de la République entraîne une surpolitisation de l’institution. A cet égard, il est à noter que les autorités politiques qui nomment les juges électoraux sont tous les deux membres de la coalition politique au pouvoir. Ainsi, la juridiction est exclusivement composée «d’amis politiques» ayant l’entière confiance du Président et par conséquent incapable de contrecarrer son action.
Dans sa fonction de régularité postérieure du scrutin, le juge électoral est investi de pleins pouvoirs juridictionnels d’annulation et de réformation des résultats. Toutefois, malgré l’intensité de ses pouvoirs consacrés ou reconnus, le juge Sénégalais de la régularité électorale postérieure au scrutin, reste retenu dans l’exercice de sa fonction.
Il est aussi à noter que la campagne électorale pour l’élection présidentielle dans une démocratie représentative constitue un temps fort de la vie politique pour trois raisons. D’abord, par le degré d’attention très élevé des électeurs aux activités des partis et organisations politiques, ensuite, de par l’encadrement qu’en fait le cadre législatif et réglementaire. Et enfin, de par sa forte intensité médiatique. Il s’agit donc d’une période où, autant les partis déploient une quantité importante de ressources et où ils sont davantage portés à innover, tout autant, les organismes d’organisation et de contrôle des élections sont enclin à prendre des décisions sujettes à caution, qui créent la suspicion.
Au regard d’un tel contexte, une question importante est à soulever: le processus électoral du Sénégal est-il exempt de failles et limites qui favorisent la fraude électorale? Autrement dit, il est à se demander s’il est possible l’implémentation de pratiques qui remettent en cause la liberté et la sincérité des élections.
En tenant compte de la problématique identifiée, cette étude aborde la question de recherche suivante: «Les résultats de l’élection présidentielle de 2019 seraient-ils issus de fraudes électorales?»
Afin, d’encadrer cette question principale de recherche et construire une grille d’analyse, deux sous-questions sont évoquées :
- Les 2 555 426 suffrages obtenus par Macky Sall, émanent-ils du vote libre et éclairé d’électeurs ayant été persuadés par sa campagne électorale ?
- L’absentéisme de 2 254 363 électeurs, a-t-il été volontaire ou subi ?
La fraude électorale, un concept polysémique
Dans les opérations de contrôle du caractère libre et honnête d’une élection, les irrégularités peuvent être classées en trois catégories : la pression, la corruption et la fraude. Cette typologie permet de classifier la diversité des faits. Dans le premier cas, les menaces par exemple d’autorités administratives, policières, de membres du parti politique au pouvoir, etc. Achat de votes par des dons d’argent, des aumônes, des cadeaux, ou des promesses dans le second cas et, enfin dans le troisième cas, les manœuvres diverses portant sur le matériel électoral, les listes électorales ou la compilation des résultats. Dans cette étude, l’intérêt est porté sur la fraude électorale.
La fraude électorale est un concept polysémique. Autrement dit, il n’y a pas de définition largement partagée, encore moins, universelle. Aussi, pour les juristes, la fraude électorale se définit comme « une violation de la loi électorale ».
Des auteurs trouvent la définition juridique trop restrictive et propose une définition plus large. Ainsi, la fraude électorale a été définie comme des « manœuvres qui visent sciemment à porter atteinte à la liberté et à la sincérité du scrutin ». En d’autres termes, ce sont l’ensemble des pratiques délibérément accomplies afin d’altérer la volonté des électeurs dans le but de conquérir ou de conserver le pouvoir. La fraude électorale peut alors se manifester dans des domaines imprévus par le législateur.
Aussi, cette étude adopte la définition suivante de la fraude électorale: «L’utilisation des failles et insuffisances d’un texte électoral ou son interprétation abusive pour prendre implémenter des pratiques déloyales et trompeuses qui remettent en cause la liberté et la sincérité d’une élection».
Dans cette perspective, la fraude électorale peut se traduire de différentes manières dans les trois phases d’un processus électoral. Dans la phase préélectorale, elle peut apparaitre dans l’élaboration de la loi électorale, l’enregistrement des électeurs, l’établissement des listes électorales, la distribution des cartes d’électeurs, le découpage de la carte électorale et enfin dans le traitement des dossiers de candidature. Dans la phase électorale, elle peut se manifester dans la distribution du matériel électoral, la sécurité des lieux de vote, des votes irréguliers, le dépouillement, l’établissement et le ramassage des procès-verbaux, etc. Tandis que dans la phase post-électoral relative à la proclamation des résultats et du contentieux, elle peut se manifester surtout par des décisions judiciaires controversées.
Hypothèse de recherche
L’articulation entre les lois et les règlements sur les élections et son interprétation et son application se trouve ainsi au cœur de la question de recherche. Afin de l’explorer et pouvoir ainsi identifier et cartographier d’éventuelles pratiques déloyales et trompeuses à la présidentielle de 2019, l’hypothèse suivante est formulée: «Le processus électoral du Sénégal est opaque et le code électoral comporte des failles et limites dont l’interprétation abusive favorisent la fraude électorale».
Objectifs
Cette recherche vise à découvrir, identifier, décrire et analyser la fraude électorale lors de l’élection présidentielle de 2019.
De cet objectif, sont tirés trois objectifs spécifiques:
- Cartographier les pratiques de fraude électorale;
- Identifier les failles, limites et interprétation abusive du code électoral qui les ont favorisés;
- Faire des préconisations en vue de l’élection présidentielle de 2024.
Délimitation terrain et axes de recherche
Dans une première partie de cette recherche, un travail sur le processus électoral de la présidentielle de 2019 a déjà été effectué. Il s’était focalisé sur la période préélectorale, notamment, certaines dispositions du code électoral relatives au fichier électoral, la révision des listes et leur publication.
La prochaine étape de notre processus de recherche se déroulera en deux phases. Il sera d’abord effectué un examen approfondi du redécoupage de la carte électorale suite à la révision exceptionnelle des listes électorales de 2018. Et ensuite, l’intérêt sera porté sur la période électorale en faisant le focus sur le dépouillement mais surtout le plan de ramassage des procès-verbaux et enfin la compilation et la proclamation des résultats.
Méthodologie
Ce travail est guidé par la méthodologie de l’étude de cas réaliste critique. Une étude de cas fondée sur l’approche philosophique du réalisme critique est bien adaptée à la recherche explicative qui aborde les questions du « comment » et du « pourquoi » et vise à explorer les événements sociaux dans un contexte donné pour révéler les mécanismes causals.
En s’appuyant sur le réalisme critique, les recherches sur la fraude électorale peuvent être abordées de deux manières différentes. La première approche consiste à relever les pratiques dont les partis prenantes (électeurs, acteurs politiques, organismes de gestion et de contrôle, juges de l’élection) font état. Les faits collectés sont ainsi agrégés pour une circonscription, un pays donné et pour une élection ou pour une période électorale définie. La deuxième approche repose sur l’analyse des résultats électoraux, de leur évolution, de leur corrélation et sur le repérage d’irrégularités ou d’anomalies dans ces données. La deuxième approche est adoptée dans cette étude, compte tenu des difficultés lies à la réticence, voire l’inaccessibilité des acteurs politiques pour obtenir des informations. D’autant plus que, nous sommes dans un contexte électoral ou il y a toujours des suspicions de tentatives de manipulation.
Collecte de données
La principale caractéristique de la recherche sur les fraudes électorales est la difficulté d’avoir des informations aussi bien des partis politiques, que des organismes de gestion et de contrôle des élections. Bien que la transparence est centrale dans l’organisation d’une élection, c’est-à-dire l’accès libre à l’information, car il n’y a pas d’informations confidentielles, encore moins secrètes dans une élection, il y a une réticence à divulguer des informations jugées par les partis prenants du processus électoral de sensibles, confidentielles et stratégiques.
Pour les acteurs politiques, ces informations sont à tenir hors de portée aussi bien des adversaires politiques que du public. Toute tentative d’obtenir des informations sur la stratégie et les pratiques de campagne électorale, est considérée comme suspecte par les acteurs politiques, et peut être vue comme une manœuvre d’espionnage venant de l’adversaire. Tandis que pour l’organisme de gestion des élections en l’absence d’une loi sur l’accès à l’information publique et du caractère vague de certaines dispositions du code électoral, beaucoup d’informations ne sont pas publiées. En conséquence, une étude sur la fraude électorale signifie un accès difficile au terrain de recherche pour collecter des données.
En considérant ce qui précède, dans l’implémentation de la méthode de recherche, il sera collecté des données quantitatives et qualitatives par recherche documentaire dans la littérature grise et les données médiatiques.
La littérature grise correspond à tout type de document produit par le gouvernement, l’administration, l’enseignement et la recherche, le commerce et l’industrie, en format papier ou numérique qui n’est pas contrôlé par l’édition commerciale. Tandis que, les données médiatiques au sens large sont celles provenant des médias électroniques, presse écrite, télévision, réseaux sociaux et messagerie électronique.
Une attention particulière sera accordée aux données médiatiques car elles ne sont pas toujours fiables. En effet, les médias et les journalistes oscillent entre désinformation et travail d’enquête. En général, la principale critique que l’on peut leur adresser, est que l’emphase est mise sur certains événements, alors que d’autres sont passés sous silence.
En outre, la dépendance des journalistes à l’égard de leurs sources est un aspect de la production de l’information qui pourrait jouer un rôle dans la couverture médiatique et dans le type d’analyse qui est fournie au quotidien. A la recherche d’une information rare, la relation des journalistes à l’égard de leurs sources d’information (policières, politiques, gouvernementales, tribunaux, juges, organismes d’organisation ou de contrôle des élections, délateur, témoin, victime, etc.) est susceptible de s’exprimer sous la forme d’une dépendance. Autrement dit, les journalistes, pour définir les situations à l’étude, vont recourir aux grilles de lecture de leurs sources. En conséquence, les journalistes pourraient ne pas être en mesure en toutes circonstances d’exercer tout leur sens critique à l’égard de la problématique traitée.
À l’intérieur de ce large spectre de possibilités, tous les scénarios sont possibles : manipulation de la presse par les instances politiques à des fins partisanes; mobilisation des médias à des fins de recrutement et de propagande politique; campagnes de peur orchestrées dans le dessein d’accroître la légitimation de la violence et des bavures policière; moyens ultimes aussi pour exposer au grand jour les conduites déviantes des élites politiques. Affligés de tous les maux pour leur rôle de manipulation ou adulés pour celui de pilier du régime démocratique, les médias polarisent les prises de position.
Toutefois, en assumant des fonctions diverses, celles d’archives, de chronologie du quotidien, de mémoire collective, de déversoir aux passions humaines, ou encore de cour de justice ponctuelle les médias semblent en mesure de s’adapter aux mutations sociales dont ils sont les témoins et parfois les acteurs. Cette capacité à rendre compte d’un phénomène particulier est une justification de l’utilisation des données médiatiques, comme sources de données empiriques dans le cadre de cette étude.
Toutefois, il sera intégré pour un processus de triangulation des données, à toutes les étapes du protocole de recherche, pour s’assurer d’une analyse plausible, crédible et cohérente.
Traitement et analyse des données
L’analyse de contenu sommative et l’analyse de corrélation seront d’abord utilisées pour traiter les données collectées afin de pouvoir appliquer un processus d’inférence d’abduction sur les résultats obtenus. A l’issue de ce processus, seront identifiées les pratiques de fraude électorale et produire l’explication la plus plausible sur les variations positives notables des suffrages de Macky Sall et sa coalition politique des législatives de 2017 à la présidentielle de 2019. Ensuite, la rétroduction qui est processus itératif d’identification et de sélection des mécanismes dans le réalisme critique, permettra l’identification des mécanismes qui donnent l’explication la plus précise sur les variations positives de suffrages.
Enfin, la corroboration empirique servira à comparer l’explication de cette réalité des explications concurrentes afin de parvenir à la généralisation et formuler des théories ayant le plus fort pouvoir explicatif lié à l’évidence empirique.
Résultats attendus
Nous cherchons à découvrir, à comprendre et à expliquer des pratiques de fraudes électorales à la présidentielle de 2019 et les conditions qui les ont favorisées. Cela rend souhaitable de produire des recommandations politiques concrètes et des demandes définitives d’action sur les problèmes démocratiques identifiés, en vue de l’élection présidentielle de 2024. A cet effet, cette étude produira un certain nombre de recommandations pratiques, qui seront partagées publiquement, afin de contribuer à ce que les résultats de la présidentielle de 2024, soient issus de la volonté librement exprimes de la majorité des Sénégalais, et non pas, les conséquences de fraudes électorales.
Fait à Dakar, le 11 Janvier 2024
Ndiaga Gueye
Doctorant en Sciences de l’Information et de la Communication
Recherche en Marketing politique, Big data, Élections et Démocratie.
Laboratoire: LARSIC,
École Doctorale: ED-ETHOS
Université Cheikh Anta Diop de Dakar Sénégal