La voiture électrique est-elle possible en Afrique, voire au Sénégal ? Absolument. C’est du moins l’objectif de Mbay Mobility. Cette start-up vise à dynamiser l’écosystème des véhicules électriques (VE) en Afrique de l’Ouest, et a pour but de vendre, d’ici 2033, entre 32 000 et 33 000 voitures dans trois grandes capitales africaines : Dakar, Abidjan et Accra.
Les voitures électriques prennent de plus en plus de place dans de nombreux parcs automobiles à travers le monde. En Afrique, ce secteur est encore balbutiant, mais des initiatives concrètes se développent pour répondre au défi de la mobilité dans un continent fortement menacé par la pollution. Au Sénégal, la startup Mbay Mobility ambitionne de devenir le précurseur de cette révolution de la mobilité tout en luttant pour un environnement sain et sans pollution.
L’entreprise gagne du terrain au Sénégal et recherche des investisseurs providentiels supplémentaires pour dynamiser la transition vers un transport propre en Afrique de l’Ouest.
« Notre objectif est de remplacer les vieilles voitures polluantes fonctionnant aux combustibles fossiles en Afrique de l’Ouest, en vendant nos véhicules électriques abordables, robustes et confortables, rapidement et à grande échelle. Nous souhaitons combiner un impact environnemental majeur avec des rendements financiers solides pour nous-mêmes et nos investisseurs. De façon concrète, la vision de Mbay Mobility est de contribuer aux Objectifs de Développement Durable de l’ONU, en menant une révolution du transport propre en Afrique de l’Ouest. A titre illustratif, à Dakar, les 16 000 taxis représentent moins de 5% du parc automobile, mais contribuent jusqu’à 40% de la pollution. Nous avons testé notre véhicule électrique sur les routes de Dakar, il fonctionne bien et les retours ont été phénoménaux. Les passagers l’adorent, notre chauffeur l’adore, et les économies réalisées sont excellentes », explique Matthew Sellar dans un entretien avec Social Net Link.
Avant la mise en place de cette stratégie, tout un travail a été mené pour se positionner sur le marché. « Dans les pays développés comme à Londres, il existe plusieurs pistes cyclables, des transports en commun, et des plateformes de mobilité comme Uber, évitant ainsi le besoin de conduire. En prenant les taxis à Dakar par exemple, je remarquais à quel point ces voitures étaient vieilles, délabrées et polluantes. Elles étaient omniprésentes et tournaient en permanence. C’est super pratique ; dès qu’on sort, il y a un taxi immédiatement, mais cela me paraissait inefficace de tourner ainsi. Nous avons donc étudié la question et voulions introduire des véhicules électriques et réfléchir aux VTC. Il n’y avait pas de groupe dominant ou à grande échelle à Dakar à ce moment la», se rappelle l’ancien diplomate qui s’est reconverti en entrepreneur.
Le programme a ainsi démarré il y a deux ans. Mais, pour Matthew Sellar, l’idée de départ était d’introduire des véhicules électriques et de réfléchir aux VTC parce qu’il n’y avait pas de groupe dominant ou à grande échelle à Dakar. Mais heureusement, «nous ne l’avons pas fait. Par la suite, Yango, Yassir et Heetch sont entrés sur le marché et comme vous le savez, ce sont des acteurs majeurs avec des budgets conséquents. Ils nous auraient écrasés.» L’introduction des voitures est bénéfique pour tout le monde : l’État, les usagers et les propriétaires de taxis.
Pour preuve, les voitures de Mbay Mobility génèrent 33 dollars d’économies par jour de travail en passant des carburants à l’électricité, soit 12 000 dollars d’économies annuelles par voiture.
« Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir un grand impact environnemental et climatique. Nous voulons réellement réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air au Sénégal, surtout à Dakar et dans les grands centres urbains d’Afrique, car 1/4 de la mortalité infantile en Afrique est lié à la pollution de l’air. Cela sans parler des problèmes cardiorespiratoires, de l’absentéisme au travail, de la baisse de productivité et des difficultés d’apprentissage des enfants à l’école. Il y a de graves problèmes de santé liés à la pollution de l’air. Nous connaissons déjà les effets dévastateurs du changement climatique. Notre objectif est d’avoir un impact sur ces deux fronts », rappelle l’entrepreneur.
De même, le modèle économique de Mbay Mobility consiste à vendre des voitures électriques aux propriétaires de taxis, en les soutenant avec des prêts bancaires et des services digitaux qui génèrent des économies, explique Matthew Sellar.
« Nous sommes des revendeurs de voitures électriques, et nous voulons le faire à grande vitesse et à grande échelle pour avoir un impact environnemental, et parce que c’est très rentable pour ceux qui deviennent propriétaires des voitures et les exploitent commercialement et intensivement. Comme l’écosystème n’existe pas, nous avons dû travailler sur plusieurs fronts, notamment la maintenance. Nous avons reçu une subvention des Néerlandais pour 75 000 €, ce qui nous a permis de faire une formation dans la maintenance des véhicules électriques avec le Ministère de l’Emploi (…) Nous discutons avec des banques pour débloquer des crédits pour ceux qui n’y avaient pas accès auparavant pour acheter nos véhicules. Nous allons avoir jusqu’à 16 voitures opérant comme taxi traditionnel et VTC, ce qui nous permettra de faire une grande analyse de données et boucler la preuve de concept, pour démontrer la viabilité opérationnelle et la rentabilité financière à nos clients », dit-il.
Vendre 32 000 à 33 000 voitures d’ici 2033
Pour l’État du Sénégal, l’arrivée de Mbay est une aubaine pour la promotion de l’écologie. Dans la mesure où elle s’intègre parfaitement aux plans de développement national et de mobilité durable du Sénégal. « En tant que start-up, l’achat de voitures nécessite des fonds que nous ne possédons pas nous-mêmes, donc nous sommes en train de faire des levées de fonds, ce qui nécessite la démonstration d’un modèle financier sous-jacent très solide. Nos ambitions sur les trois marchés initiaux, Dakar, Abidjan, Accra, sont de vendre environ 32 000 à 33 000 voitures d’ici 2033; cela est basé sur le fait que nous sommes les premiers à vendre des voitures électriques au Sénégal, pour une utilisation commerciale de masse.»
Législation des véhicules électriques – vers l’élaboration d’un cadre fiscal en Afrique subsaharienne francophone
La législation des véhicules électriques est l’une des préoccupations majeures des pays africains. Plusieurs d’entre eux n’ont toujours pas un cadre fiscal ou réglementaire pour le secteur. C’est pourquoi, le Sénégal veut se positionner comme le pionnier en disposant d’un cadre fiscal et réglementaire performant.Dans sa vision d’un environnement écolo, la startup Mbay Mobility mène un travail collaboratif avec l’État du Sénégal.
« Il a été un peu difficile d’obtenir nos plaques temporaires car il n’existe pas encore de législation adaptée pour les véhicules électriques, afin de déterminer leur fiscalité En tant qu’ex fonctionnaire, je ne veux pas que l’État perde des recettes, car je crois en l’importance des services publics, telles que la santé, l’éducation et les investissements en infrastructures. C’est d’ailleurs ce qui motive notre projet, trouver une approche ou tout le monde sort gagnant, l’Etat Sénégalais inclus. C’est pour cette raison que nous sommes en train de voir si on peut mobiliser les bailleurs internationaux, pour soutenir ce travail réglementaire que nous faisons avec l’Etat.», poursuit Matthew.
Analysant l’écosystème des transports au Sénégal, il souligne qu’il y a toujours des choses à améliorer, mais le Sénégal est sur la bonne voie pour commencer. « Il existe de bons projets d’infrastructures massives au Sénégal, mais moins de dynamisme et de développement dans l’écosystème des startups, comparé par exemple au Kenya et au Nigeria. Ceci reflète une différence entre l’Afrique subsaharienne francophone et l’Afrique subsaharienne anglophone en général; bons projets d’infrastructures publiques contre bon développement de l’écosystème des startups et de la finance. Personnellement, je voudrais voir complémenter les bons projets d’infrastructure publique comme le BRT et le TER, avec des initiatives privées propulsées par des startups dynamiques et innovantes comme Mbay Mobility. C’est une grande opportunité à saisir pour le Sénégal car je crois fortement en la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé. »