L’Afrique doit investir davantage dans le développement des énergies renouvelables, avec le soutien du secteur privé et des institutions financières internationales, en raison des opportunités offertes pour la réalisation des Objectifs de développement durable, ont souligné mercredi des experts réunis à Abidjan.
Le continent devrait aussi contrôler, exploiter et transformer sur place ses énormes ressources minérales afin de générer les ressources financières nécessaires à son développement, ont soutenu ces experts d’une dizaine de pays africains. Ils sont réunis les 23 et 24 août 2023 pour un atelier, organisé par la Banque Africaine de Développement, sur le thème, « Modélisation Financière pour le Secteur Extractif (FIMES) ».
« Les énergies renouvelables nous donnent des opportunités pour réaliser les Objectifs de développement durable. Nous avons aussi besoin d’être des acteurs majeurs dans le domaine de l’énergie », a déclaré Jean-David Cooper, directeur des politiques et de la recherche au ministère des Mines et des Ressources minérales de Sierra Leone. M. Cooper intervenait dans le panel sur la « modélisation financière pour une transition énergétique juste pour certains minéraux critiques dans les pays en transition ».
Les participants notent que l’Afrique a réalisé des progrès considérables en matière de transition énergétique malgré les défis. En pointant l’ampleur des objectifs qui restent à atteindre, Silas Olang, Conseiller en transition énergétique pour l’Afrique à l’Institut de gouvernance des ressources naturelles à Accra, au Ghana, a déploré qu’on ne compte aucun pays africain parmi les 30 premiers au monde en matière de transition énergétique. Toutefois, des pays comme le Nigeria, le Ghana, l’Éthiopie, le Kenya ou l’Afrique du Sud mettent en œuvre des politiques hardies de développement des renouvelables.
Les énergies renouvelables peuvent fournir de l’électricité aux 600 millions d’Africains qui en sont actuellement privés, créer des emplois et stimuler l’industrialisation. « Chaque dollar investi dans les énergies renouvelables, va rapporter 0,93 dollar supplémentaire » et le déploiement des énergies renouvelables va entraîner progressivement des coûts moins élevés, à la différence des énergies fossiles, assure M. Cooper.
Parmi les atouts dont dispose l’Afrique en la matière figurent, outre le solaire, l’éolien, la biomasse, l’hydroélectricité, et des minéraux comme le lithium, le graphite ou le cobalt et qui peuvent être utilisés dans les technologies d’énergie renouvelable – production de panneaux solaires, de batteries pour véhicules électriques, etc.
La nécessité pour le continent de mieux profiter de ses immenses ressources minières pour son développement durable s’est imposée dans les échanges.
L’uranium du Niger est exploité par la France, son pétrole par la Chine, souligne Dogari Bassirou, Directeur général de l’économie au ministère de l’Économie et des Finances du Niger. Cela engendre des pertes financières énormes pour les gouvernements africains qui doivent le plus souvent, se contenter des déclarations d’industriels miniers étrangers sur la teneur des minerais.
« Les minerais ne sont pas traités en Afrique mais dans les pays européens et la Chine. 80 % du cobalt africain est raffiné en Chine. Si nous pouvions raffiner les minerais en Afrique nous pourrions les vendre à un taux plus élevé car les exportations brutes limitent nos gains financiers. Nous perdons énormément dans le système actuel », a indiqué M. Cooper.
« On dit par exemple que la teneur est de 45%, comment vérifier et déterminer cela ? Il faut aider les pays à mieux maîtriser les processus de fixation des coûts et de détermination des impuretés dans les minerais », plaide Boubacar Lounceny Camara, représentant la Guinée avant d’ajouter : « Le prix de l’or brut est déterminé en fonction de l’or raffiné. Or, ce sont les entreprises qui nous donnent la quantité d’or raffiné. Cela entraîne d’énormes pertes. Les métaux sortis de nos pays contiennent d’autres ressources minérales », a déploré M. Camara appelant la Banque Africaine de Développement à aider les pays africains à disposer d’usines de traitement de minerais avant exportation.
Toutefois, M. Camara a souligné que la Guinée a pu définir un prix de référence de la bauxite avec l’appui de ses partenaires internationaux et est prête à partager son expérience avec d’autres pays africains.
Pour booster le développement des énergies renouvelables, chaque pays africain doit avoir une vision claire et élaborer des lois distinctes de celles appliquées sur les énergies fossiles. Quant au financement du secteur, les gouvernements doivent créer un environnement politique stable, adopter des lois attractives pour le secteur privé, mettre en place un système budgétaire transparent et lutter contre la corruption. Le secteur privé, avec sa puissance financière et son expertise, peut jouer un rôle crucial tout comme les institutions financières internationales. Celles-ci doivent aider les pays à mettre en place des projets régionaux, et servir de catalyseur dans la mobilisation d’investissements additionnels.
Yannick Bouterige, Assistant de recherche à la Fondation pour les études et recherches sur le développement (FERDI) a expliqué comment la Banque Africaine de Développement, à travers son Projet de modélisation financière du secteur extractif, assiste des pays africains à mobiliser davantage de recettes fiscales, à renforcer leurs capacités institutionnelles et leur résilience. La Guinée, le Mali, le Liberia, Madagascar, le Niger, la Sierra Leone, le Soudan du Sud et le Zimbabwe sont les bénéficiaires de ce programme lancé en 2020, pour deux ans.
En matière de financement des énergies renouvelables, la Banque dispose également de plusieurs instruments de financement, des projets d’investissements et des départements dédiés au secteur qui profitent à l’ensemble des pays africains.
« Le nouveau Guichet d’Action Climatique de la Banque, doté d’environ 429 millions de dollars, pourrait offrir une excellente occasion de financer des projets à faible émission de carbone à partir de ressources naturelles renouvelables en Afrique », a déclaré Innocent Onah, Chargé en Chef des ressources naturelles au Centre Africain de Gestion des Ressources Naturelles et d’Investissement (ECNR) à la Banque Africaine de Développement.