mercredi, décembre 25, 2024

Financement de l’enseignement dans le monde musulman: entre le passé et le présent

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Le développement de l’enseignement dans le monde musulman a accompagné l’évolution de l’Islam elle-même. L’organisation de l’enseignement a, en effet, connu une sophistication progressive au fil du temps avec l’agrandissement de la société musulmane et son contact avec d’autres civilisations plus anciennes.

Les établissements d’enseignement dans le monde musulman étaient généralement liés aux mosquées. En effet, au tout début de l’Islam, les enseignements étaient dispensés dans des cercles formés autour des enseignants. Ce format évolua pour donner naissance à des instituts dédiés annexés aux mosquées. La construction et l’entretien des mosquées et des instituts annexes étaient financés par les waqf.

Des Omeyyades aux Ottomanes, en passant par les Abbassides, les Fatimides, les Seldjoukides, les Zinkides, les Ayyoubides, etc., toutes les grandes dynasties de l’ère musulmane ont marqué, à leur manière, le développement du système éducatif à travers le waqf.

Al Azhar, qui était au début une mosquée mise en place par Jawhar Al Siqalli au 10ième siècle (970, plus précisément), est considérée comme l’une des premières institutions universitaires dans le monde après Al Kairouan.

Selon Ghanim (2011), au 11ième siècle, l’organisation des universités a connu une évolution avec, notamment, les instituts Nizaamiyah mis en place (en 1067) par les Seldjoukides, notamment Nizamul mulk Alb Arsalan. Parmi les innovations intéressantes apportées par les instituts Nizamiyah, figure la prise en charge de la restauration des étudiants et le paiement de salaires réguliers aux enseignants. Une telle initiative semblait rencontrer une certaine résistance voire une réprobation, de la part des contemporains, étant donné que la fonction d’enseignant était généralement basée sur le bénévolat et l’espoir d’une récompense divine dans l’au-delà. Toutefois, cette innovation des instituts Nizamiyah s’est répandue par la suite dans les autres localités pour devenir la règle adoptée par l’essentiel des établissements d’enseignement.

Nous pouvons relever ici que les premières universités en Europe firent leur apparition au 13ième siècle avec l’université de Bologne en Italie, l’université de Paris en France et celle d’Oxford en Angle- terre. Les occidentaux ont beau- coup emprunté du système d’enseignement qu’ils ont trouvé au Moyen Orient musulman lors des Croisades.

Au Moyen Age, le monde musulman était la locomotive du développement des sciences de médecine, d’architecture, d’astronomie, de physique, de mathématiques, etc. Ce développement était financé principalement par les fonds waqf distribués par de généreux donateurs qui n’appartenaient pas nécessairement aux familles royales.

De manière générale et selon les disponibilités, les waqf constituaient la principale source de financement des dépenses des établissements d’enseignement que ce soient des dépenses d’investissement (comme la construction des infrastructures académiques et l’acquisition d’équipements) ou des dépenses de fonctionnement (comme la prise en charge des activités pédagogiques).

En raison de l’engouement des populations à constituer des waqf et de leur caractère accumulatif, les actifs waqf devenaient au fil du temps immenses. A titre d’illustration le waqf Souleymaniya à Istanbul à lui seul disposait au 16e siècle d’établissements scolaires allant du primaire à l’université en passant par le secondaire et les instituts spécialisés. Ainsi plus de 700 personnes étaient employées par ce waqf (Souleymane, 2013).

Du temps des Califes rachidites, les Nazirs (administrateurs de waqf ) nommés par les constituants concentraient l’essentiel des pou- voirs. Toutefois, avec la multipli- cation des waqf et l’apparition de certaines formes de malversations durant le règne des Omeyyades, les juges (cadis) ont commencé à exercer un pouvoir de contrôle sur les administrateurs.

Avec les Abbassides, une direction était mise en place pour la super- vision des waqf. L’implication de l’Etat dans la gestion des waqf est devenue plus affirmée avec les Ottomanes.

Le financement de l’enseignement supérieur par des entités du tiers secteur est devenu, de nos jours, courant.

A la fin de l’exercice 2021, la valeur de la Fondation Harvard (Harvard Endowment) était estimée à 53,2 milliards $, avec un rendement annuel de 33,6%. La Fondation a distribué plus de 2 Milliards de $ (plus de 1 200 Milliards de F CFA), conformément à la politique de distribution du Fonds, fixant le

pourcentage du montant à distribuer entre 5 et 5,5% de la valeur du Fonds. 49% des revenus de Harvard en 2021 étaient de source bénévole (Harvard university, 2021).

Dans le monde musulman, plusieurs expériences peuvent servir d’école. Nous pouvons présenter brièvement le cas des universités basées sur le waqf en Turquie et les fonds waqf en Arabie Saoudite. Au Sénégal, il y a des expériences en cours telles que l’université islamique qui se trouve à PIRE, la Kouliyah africaine de Pikine, l’université Al Eamar à Thiaroye, l’université Cheikh Ahmadou Bamba à Touba. Ce sont des établissements d’enseignement supérieur à but non lucratif constitués de waqf.

 

Par Dr Abdou Karim DIAW et Dr Mouhammad Al Amine GUEYE,

Respectivement Maitre-Assistant des universités CAMES, Responsable des programmes de finance islamique du CESAG et Socio économiste – planificateur Chef de la Division recherche et innovation de l’ANAQ-Sup

Publié dans Echos Waqf