À l’échelle mondiale, près d’un jeune sur cinq est au chômage, ce qui signifie qu’environ 20 % de la population active âgée de 15 à 24 ans est sans emploi. Chez les 10-19 ans, un jeune sur sept dans le monde souffre d’un trouble mental. Et, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, près de six enfants sur dix sont incapables de lire et comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans.
Ces chiffres ne sont guère de bon augure pour l’innovation et la croissance économique futures. Car ceux qui ont moins de 25 ans aujourd’hui représenteront plus de 90 % des travailleurs dans la force de l’âge en 2050.
Ces crises distinctes mais liées entre elles ont en réalité des causes anciennes. Comme nous le montrons dans un récent rapport consacré aux effets de la pandémie de COVID-19 sur les jeunes, l’accumulation de capital humain, à savoir les conditions de santé, les compétences et l’expérience qui contribuent à la productivité, est un processus qui commence tôt (dès la vie intra-utérine), séquentiel (l’acquisition de nouvelles compétences chez un individu s’appuie sur ses compétences antérieures) et soumis à des périodes sensibles (au cours desquelles tout choc ou déficit peut entraîner des effets irréversibles). Ainsi, les jeunes chômeurs d’aujourd’hui n’ont probablement pas eu la chance auparavant de développer suffisamment leurs compétences cognitives et socio-affectives.
La Journée internationale de la jeunesse est l’occasion de rappeler les investissements essentiels que les collectivités et les gouvernements doivent consentir maintenant pour favoriser l’émancipation des générations futures, libérer leur potentiel et jeter les bases d’un avenir durable, pacifique et prospère.
1) Investir maintenant pour récupérer les pertes immenses causées par la pandémie dans le développement de la petite enfance
Les bases du capital humain sont établies pendant l’enfance et les premières années de scolarité. Or, même avant la COVID, un enfant sur cinq seulement recevait un enseignement préscolaire dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Il existe, partout dans le monde, des preuves irréfutables (a) que l’éducation préprimaire améliore le niveau de préparation des enfants à l’entrée à l’école, puis leurs résultats et leur progression scolaires au primaire et au secondaire, tout en réduisant les risques de délinquance à l’adolescence et la dépendance à l’aide sociale à l’âge adulte.
Chez les jeunes enfants, la pandémie a réduit les chances de se doter des premières compétences nécessaires pour en acquérir d’autres. De nouvelles données révèlent par exemple qu’au Bangladesh la pandémie a entraîné de très graves pertes en ce qui concerne les compétences cognitives, linguistiques et socio-affectives des tout-petits, qui se traduiront, selon nos estimations, par une baisse de 25 % de leurs revenus à l’âge adulte. Les enfants en maternelle ont perdu plus de 50 % du temps d’enseignement (a) au cours de la première année de la pandémie et, dans de nombreux pays, les taux de fréquentation préscolaire n’ont pas encore retrouvé leurs niveaux pré-COVID.
Assurer l’inclusion des enfants à domicile est difficile et coûteux. Mais les enfants qui avaient moins de six ans au début des mesures de confinement sont scolarisés aujourd’hui à l’école primaire ou encore en âge de tirer profit d’un enseignement préprimaire. Il est par conséquent encore temps de remédier rapidement aux reculs dus à la pandémie avant que ces difficultés ne s’amplifient et ne deviennent de plus en plus en plus insolubles à mesure que les enfants grandissent. Améliorer la couverture et les programmes de l’éducation préscolaire devrait être au premier plan des stratégies des pays en matière de capital humain.
2) Rattraper les pertes d’apprentissage chez les enfants d’âge scolaire
Les pays à revenu faible et intermédiaire connaissaient une crise des apprentissages avant même la pandémie. Celle-ci n’a fait que l’aggraver, transformant la crise en catastrophe. Plus d’un milliard d’enfants vivent dans des pays qui ont fermé les établissements scolaires pendant au moins un an. Selon nos estimations, les enfants ont perdu un mois entier d’apprentissage pour chaque mois de fermeture des écoles. Autrement dit, ils n’ont rien appris quand ils n’étaient pas en classe. Pire encore, certains ont même oublié ce qu’ils avaient appris auparavant. À cela s’ajoutent les troubles de santé mentale, qui ont connu une forte hausse chez les enfants d’âge scolaire pendant les confinements.
Face à ces déficits de compétences et ces fragilités psychologiques, l’école aura un rôle majeur à jouer. Or, selon une récente étude (a) de la Banque mondiale, seul un pays sur cinq s’est doté d’une stratégie explicite en vue de relancer et accélérer les apprentissages après la réouverture des établissements scolaires. La bonne nouvelle est qu’il existe des stratégies qui ont fait leurs preuves en la matière. Et parmi celles qui présentent le meilleur coût-efficacité, le dernier rapport (a) du Comité consultatif mondial sur les données probantes de l’éducation (GEEAP) préconise de soutenir les enseignants à l’aide de plans de cours structurés et de matériel pédagogique et d’adapter les enseignements non pas en fonction de l’âge ou du niveau scolaire des élèves, mais en fonction de leurs acquis.
3) Accompagner les jeunes dans leur transition vers l’emploi
Les 15-24 ans traversent une phase critique de transition dont l’enjeu est d’exploiter le capital humain qu’ils ont accumulé jusque-là. Pendant cette période, certains jeunes étudient encore, d’autres travaillent déjà. Et un grand nombre d’entre eux ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation professionnelle (les « NEET » selon l’acronyme du terme anglais qui décrit ce phénomène). Entre comportements constructifs ou à risque (rapports sexuels non protégés, consommation de drogues, activités criminelles ou appartenance à des gangs), les jeunes font des choix qui auront des conséquences de long terme.
En outre, des crises et des chocs inattendus peuvent modifier considérablement leurs perspectives, avec des répercussions durables sur leur avenir. Pendant la pandémie, les taux d’emploi des jeunes entrant sur le marché du travail ont fortement baissé et, dans de nombreux cas, la situation ne s’est pas améliorée depuis, tandis que l’emploi repartait chez les adultes. Plus de 40 millions de jeunes qui auraient eu un emploi sans la crise de la COVID-19 ne travaillaient pas à la fin de 2021, ce qui a aggravé les courbes du chômage dans cette population. Le nombre de jeunes inactifs a en outre considérablement augmenté. Rien qu’en Afrique du Sud, où les « NEET » représentaient environ un tiers des jeunes du pays avant la COVID, 2,8 millions de jeunes supplémentaires sont venus grossir les rangs des inactifs à la suite de la pandémie.
En élargissant les possibilités d’entrée dans l’emploi et en encourageant la création d’entreprises, on permettra à cette génération dynamique de réaliser tout son potentiel, tout en favorisant des progrès pour demain.
Investir dans l’avenir
Aucun de ces investissements ne se fera sans les efforts concertés des pouvoirs publics, des collectivités et des organisations multilatérales. Il existe des politiques efficaces pour renforcer le capital humain des jeunes. Le monde vit peut-être un moment décisif pour les jeunes d’aujourd’hui, mais nous savons clairement ce qu’il faut faire pour s’engager sur la voie d’un avenir meilleur. En cette journée consacrée à la jeunesse, engageons-nous à intensifier nos efforts pour investir dans les jeunes et construire un avenir plus sûr, plus sain et plus productif.