« Je ne suis pas entré dans ce monde (des médias, de l’info, de la presse) si singulier par hasard, ni par effraction. À la vérité, j’y ai pris place, à la suite d’une longue et lente maturation, avant de me laisser dévorer par cette passion intégrale. J’utilise naturellement cette métaphore à dessein et vous l’aurez compris »
Cette belle réflexion de la part d’un homme dont je tairai le nom « à dessein » et par respect m’a donné l’envie de parler aux hommes des médias et de la presse du Sénégal. Journalistes de mon pays, qu’êtes-vous devenus ?
Parmi mes souvenirs d’étudiant à l’ Ucad, il y en a un qui reste vivace : le respect que j’avais à chaque fois que je passais devant le CESTI. Ce respect était tel que j’avais envisagé de passer le concours, mais l’école me paraissait tellement sérieuse que je me disais intérieurement que c’était pas « fait pour moi qui n’étais pas « sérieux « ».
Je me suis plongé dans mon univers de collégien et de lycéen et ces mêmes souvenirs reviennent. Ah, ces journaux télévisés, l’élégance de ces journalistes qui faisaient rêver. Ah, cette éloquence d’antan. Ce poste téléviseur posé au milieu du salon ou dans la cour et où on écoutait religieusement un homme ou une femme nous informer. Même ceux qui ne comprenaient pas le français écoutaient tellement ces moments étaient uniques.
Qu’êtes-vous devenus messieurs les journalistes ? Où êtes vous ? Je suis le Climbié de Bernard Dadié pour vous dire « où êtes-vous tous pour laisser le champ libre à ces corbeaux qui traînent leur livrée vulgaire « .
J’écris en vrac parce que je suis sidéré. Je laisse ma main glisser sans retenir mes idées. Où sont ces journalistes-reporters qui nous permettaient de nous perfectionner rien qu’en les écoutant ? Où sont les auteurs de ces éditoriaux qu’on se passait entre étudiants ? Même l’astre national était respecté. Le métier de journaliste fait-il encore rêver ?J’ai constaté qu’il y en a parmi vous qui versent dans des « lives « , est-ce que dans vos formations, ce procédé est accepté ? Non, messieurs-dames, vous ne devez pas faire comme tout le monde. Revenez dans l’orthodoxie de ce métier. On a brûlé l’université de Pire, on a essayé de détruire l’œuvre de Souleymane Baal mais l’intelligence sénégalaise a toujours primé. L’incendie d’un amphithéâtre du cesti (je le condamne) devait donner aux journalistes un nouveau sursaut pour s’organiser davantage et sauvegarder la noblesse du métier.
Le journalisme fait partie des premières professions à se féminiser. Des journalistes femmes ont mis la barre très haut en matière de savoir faire et de savoir être. Actuellement, c’est avec consternation qu’on voit que les « héritières » n’ont pas honoré les « pionnières ».
Ce métier de journaliste, s’il se résume au fait de recueillir, de rechercher, de vérifier, et de distribuer des informations, je peux dire sans risque de me tromper qu’au Sénégal, nous sommes sevré depuis longtemps. Avons-nous encore des documentalistes ? Où sont les reporters photographes ? Que dire des rédacteurs et rédacteurs en chef ?
Pour terminer, notre pays va vers sa première élection où on va réellement élire un président. Vous, journalistes ,voilà un moment opportun pour vous rattraper. Servez-nous de boussole. Vous devez être les acteurs éclairés d’une information saine. Vous devez être capables de réunir dans des débats tous les candidats et les interroger.
Je dirai donc à ceux qui sont entrés dans « ce monde des médias par effraction ou par hasard « , pour ne pas dire par « soucis alimentaires », de respecter ce noble métier. Nous vous regardons et nous savons que vous n’êtes pas à la hauteur. Des gens de médias crédibles ont initié le watergate, d’autres ont divulgué les affaires d’assistante parlementaire de la femme d’un candidat à une élection présidentielle, ce qui a valu à ce candidat un dégoût national. Ne me dites pas qu’au Sénégal tout est nickel et que vous n’avez rien à dire, rien à dénoncer. Vous devez revoir vos collaborations avec certains propriétaires d’organes de presse issus du monde des affaires ou de la politique car il y va de votre crédibilité. Soyez dignes. Une ligne éditoriale n’est pas une corde au cou, la liberté de la presse n’est pas un vain mot. Pour terminer, sachez que nous méritons mieux que ce que vous nous servez.
Par Cheikh THIAM