jeudi, décembre 26, 2024

Ere de la société de l’information : des médias classiques au révélateur du citoyen

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Après les événements malheureux de mars 2021 et de juin 2023 sur toute l’étendue du territoire sénégalais, toutes les voix se sont élevées, sur le plan national et international. A l’exception notable des médias classiques du pays, qui ont choisi de… regarder ailleurs ! 

La raison ? Aujourd’hui, il est désolant de constater que la plupart des médias au Sénégal soient plus ou moins accolés à une personne, à des intérêts ou à un camp. A cet effet, un doyen du journalisme aujourd’hui disparu, feu Mame Less Camara, nous édifiait sur le danger des médias utilisés non pas pour un traitement de l’information équilibré, mais pour des besoins partisans. « Il va falloir aider les médias à avoir les moyens de leur neutralité » déclarait-il à la suite de la polémique qui a suivi la proclamation des premières tendances de la présidentielle du 24 février 2019

L’Etat qui ne jette pas sa part aux pauvres, a surfé à fond sur le bâton du fisc et la carotte de l’aide à la presse, sans oublier le juteux marché de la publicité institutionnelle de l’Etat. Résultat des courses, à de rares exceptions près, les médias traditionnels sénégalais se sont tout bonnement… couchés.

Les bouleversements observés dans le paysage médiatique, avec une presse traditionnelle (TV, Radio, presse écrite) bousculée jusque dans ses derniers retranchements par une presse en ligne tous clics dehors, ne remettent pas simplement en cause le diagnostic d’indépendance économique de certains média sénégalais, établis depuis fort longtemps; mais surtout, de la prise de conscience des enjeux modernes de l’information (OSINT est en vogue) et du sacerdoce qui leur incombe. 

La nature ayant horreur du vide, les événements de mars 2021 et de juin 2023, ont mis en selle de nouveaux acteurs, pour porter l’information sur ce qui s’est passé, via les réseaux sociaux et autres plateformes numériques.

Derrière l’anonymat d’un rideau de fenêtre, depuis une terrasse ou sous le couvert d’un statut de lanceur d’alerte ou d’activiste, des vidéos amateurs ont témoigné des violences et bavures policières, de la présence de “gros bras” aux côtés des forces de défense et de sécurité du Sénégal, dans la sanglante répression desdites manifestations.

Et, fait inédit, les Sénégalais ont assisté interloqués, à une passe d’armes mémorable entre les autorités sénégalaises et la chaîne de télévision France 24. Forte des vidéos recueillies et diffusées sur le net, France 24 mettait à mal (c’est le moins que l’on puisse dire), toute la ligne de défense des autorités en charge de la sécurité du pays, bâtie sur une vidéo tronquée, montrant un homme avec une arme à feu et présenté comme faisant partie des manifestants.

Au-delà de la polémique engendrée, cette situation qui voit un média étranger s’appuyer sur des éléments de preuve produits par des citoyens anonymes d’un autre pays, à des milliers de kilomètres, pour rétablir la vérité des faits, annonce, qu’on le veuille ou non, que l’on entre de plain-pied dans l’ère de la société de l’information. 

« On utilise Facebook pour planifier nos manifestations, Twitter pour coordonner et YouTube pour raconter au monde. » Tel a été le commentaire d’un activiste égyptien, pour expliquer, entre autres éléments d’analyse, la démission du raïs égyptien Hosni Moubarak, le 17 juin 2012. 

De nos jours, si les informations concentrées de manière brute et sans filtre entre les mains des citoyens, diffusées sur des plateformes numériques avec un système de régulation inadapté à nos sociétés, cela ne présentent-t-il pas également des risques pour l’aspect sécuritaire? 

Bonjour les Fake-News et la manipulation de tout bord, dès lors que l’information tombe entre les mains d’un public non averti qui a du mal à discerner le vrai de l’ivraie. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ?

Quid des initiatives digitales citoyennes? Le journalisme web en question. 

Autre atout et non des moindres, le caractère collaboratif des réseaux sociaux, qui a rendu possible le projet de Moussa Ngom, journaliste à la Maison des reporters, à travers l’initiative citoyenne regroupant une quarantaine de journalistes, cartographes et scientifiques des données, Cartographie FreeSenegal, visant à documenter les morts lors des événements de juin 2023, afin de mettre une histoire sur chaque victime.

Et les Etats sont bien conscients de la capacité de ces initiatives digitales à se faufiler à travers les lignes. Entre la nécessaire « régulation » des réseaux sociaux brandie à tout-va, les coupures d’internet et la suspension de la connexion internet mobile vécue au Sénégal, la patrie des Droits de l’homme a failli s’y mettre, elle aussi, lors des émeutes en France. L’Etat du Sénégal fait tout son possible pour se donner les moyens de mettre au pas ce secteur, pourtant célébré de fort belle manière, par le candidat d’alors, Macky Sall : « La magie du clic fera face à la toute-puissance du fric et du flic ».

Cette image idyllique des réseaux sociaux est en train de virer au cauchemar même pour les régimes démocrates, d’autant qu’en face, des boucliers se lèvent. Au Sénégal, le Rassemblement des Entreprises du Secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (RESTIC), par exemple, à la faveur des événements de juin 2023, s’est offusqué dans un communiqué, de ce que « les coupures de services d’internet imposées à nos concitoyens dans ces périodes d’instabilité politique, l’usage des réseaux sociaux, est un préjudice énorme et le contexte politique difficile que vit notre pays ne saurait le justifier. C’est un droit universel reconnu et codifié par les Nations Unies, et le Sénégal ne saurait y déroger ».

« Alors que les gouvernements ont une longue expérience dans la gestion et le contrôle des médias « traditionnels » (presse écrite, radio, télévision), l’émergence d’une nouvelle sphère de communication, le cyberespace, a pratiquement privé l’Etat de cet avantage stratégique. Le cyberespace est devenu un champ de bataille sur lequel les Etats et les citoyens se battent pour déterminer les règles qui le régissent », écrit Manuel Manrique, dans « Médias sociaux et information », paru à Confluences Méditerranée 2011/4 N°79.

Alors, à vos clics ? Cliquez sûr, mais vrai. 

 

Cheikh Bamba Ndao – Blogueur Tech et spécialiste en communication digitale – IVLP USA 2019

 

Sources :

1) Chaine YouTube journal Le Monde Afrique – Sénégal : enquête sur des cas de tortures et de violences policières – Vidéo publiée le 28 juillet 2023

2) Site web Social Net Link – www.socialnetlink.org 

3) Site web du Bureau D’Information Gouvernementale du Sénégal – www.big.gouv.sn 

4) Site Web CAIRN.INFO, matière à réflexion