Récemment, on a vu une floraison d’images de personnalités célèbres dans des situations déroutantes sur les réseaux sociaux. Des images qui sont pourtant plus vraies que nature. Le Pape François en doudoune (manteau d’hiver), Donald Trump ou Emmanuel Macron aux prises avec des policiers. Autant de représentations détournées par l’intelligence artificielle qui suscite moult interrogations et autres circonspections. Faut-il en avoir peur ou craindre pour l’avenir de l’homme face à la machine ? A ces questions, il nous paraît important de définir d’abord le terme intelligence Artificielle ou IA.
L’intelligence artificielle (IA) est un domaine de l’informatique qui vise à créer des machines et des programmes capables de simuler l’intelligence humaine ou la dépasser. Elle englobe des applications variées, comme la reconnaissance vocale, la traduction automatique, la conduite autonome, le diagnostic médical ou encore la génération de contenu. L’IA repose sur des techniques avancées, comme les réseaux neuronaux, le machine learning ou le deep learning, qui permettent aux machines d’apprendre à partir de données massives et de s’adapter à des situations nouvelles.
L’IA est considérée comme une révolution technologique majeure, qui a des impacts profonds sur le monde économique, social, politique et éthique. Elle offre des opportunités de développement, d’innovation et de progrès dans de nombreux domaines, mais elle pose aussi des défis et présente des risques importants, qui nécessitent une réflexion et une régulation adaptées.
CHATGPT, LE GRAND CHAMBOULEMENT
Sorti en novembre 2022, ChatGPT a rapidement fait un buzz mondial. S’exprimant quasiment comme un humain, le robot conversationnel de la société californienne OpenAI a bouleversé le monde des IA génératives. «Un bouleversement technologique qui redéfinit notre relation aux machines. L’intelligence artificielle (IA) a franchi un cap décisif avec l’émergence de ChatGPT-4, un modèle de langage révolutionnaire conçu par OpenAI». Ce début d’article – cette attaque, dit-on dans le jargon journalistique – écrite par le robot conversationnel lui-même, donne le ton. En l’espace de quelques mois, ChatGPT a chamboulé le monde de la «Tech» et de nombreux secteurs. Par ailleurs il suscite aussi de nombreuses questions sur son impact sur l’emploi, et même sur la société toute entière. Avec plus 100 millions de visiteurs uniques en janvier, selon les analystes de la banque UBS, ChatGPT est l’outil qui a conquis le plus d’utilisateurs en si peu de temps. Par comparaison, TikTok a mis neuf mois pour arriver au cap symbolique des 100 millions d’utilisateurs et Instagram 2,5 ans.
Depuis, le robot conversationnel a poursuivi une croissance exponentielle : selon les données compilées par Similarweb pour «Les Echos», en avril dernier, le site «chat.openai.com» a atteint les 4 milliards de visites dans le monde, depuis ses débuts ! ChatGPT aurait désormais plus de 186 millions de comptes en mars, après 153 millions en février et 101 millions en janvier 2023, «sur la base du nombre de personnes utilisant le service au moins une fois par mois», précise le cabinet d’études.
Mais, ce qui a aussi surpris les utilisateurs, c’est la vitesse à laquelle OpenAI a sorti une deuxième version, plus perfectionnée : GPT-4, dès la mi-mars 2023. Alors que le premier modèle faisait l’objet d’erreurs et d’hallucinations (c’est-à-dire de réponses totalement inventées), la nouvelle version est plus précise selon OpenAI. «Les réponses de GPT-4 ont 40 % moins de chance de contenir des erreurs factuelles que celles de GPT-3.5», assure l’entreprise californienne. Sa capacité d’analyse est plus fine.
Néanmoins, il faut nuancer la portée de ces robots. «C’est un pas certes, mais ce n’est pas le grand saut que certains attendaient. Tout ne change pas dans GPT-4 et toutes les fonctionnalités ne sont pas déployées, notamment sur les images», souligne Rowan Curran, analyste de Forrester AI.
Pour Luc Julia, qui a cocréé l’assistant vocal Siri, le véritable changement est plutôt la manière dont on accède aux IA. Ce spécialiste mondial de l’IA et actuel directeur scientifique de Renault explique : «En soi, les IA génératives ne sont pas une révolution. Elles existent depuis 2017. Ce qui a changé en revanche, c’est la façon dont on y accède. En cela, OpenAI ou encore Midjourney, ont eu un coup de génie en concevant une interface graphique sympa et grand public». Depuis lors, ChatGPT, Midjourney, Dall-E et d’autres outils d’intelligence artificielle qui arrivent chaque semaine sur le net ne cessent de révolutionner le monde ; surtout dans le milieu professionnel, d’où la question de leur impact sur le monde du travail.
LES METIERS MENACES DE DISPARITION OU DE TRANSFORMATION A CAUSE DE L’IA
Selon une étude du Forum économique mondial, 75 millions d’emplois pourraient être remplacés par des machines, notamment dans les secteurs de la comptabilité, du secrétariat, du service client, de l’Ecriture de contenu, de la Traduction, de la création de Rapports ou encore de la fabrication. En revanche, 133 millions de nouveaux emplois pourraient être créés grâce à l’IA, notamment dans les domaines de l’analyse de données, du développement logiciel, du management ou encore de l’éducation. L’IA implique donc une mutation du marché du travail, qui demande une adaptation des compétences et des formations des travailleurs.
L’AVENIR DE L’HUMANITE FACE A L’IA
L’IA suscite des interrogations et des fantasmes sur son évolution future et son impact sur la condition humaine. Certains experts, comme le physicien Stephen Hawking ou le fondateur de Tesla Elon Musk, ont exprimé leur crainte que l’IA devienne un jour, plus intelligente que l’homme et qu’elle échappe à son contrôle, menaçant ainsi son existence. Dans une lettre ouverte qui a fait un grand bruit, Elon Musk et plusieurs centaines de professionnels et d’experts (plus de 20.000 signataires à mi-avril) appellent à une pause dans la recherche. Précisément, ils proposent d’interrompre immédiatement, pendant au moins six mois, la formation de systèmes d’IA plus puissants que GPT-4. «Les systèmes d’IA dotés d’une intelligence compétitive avec celle de l’homme peuvent présenter des risques profonds pour la société et l’humanité », écrivent-ils dans un courrier publié sur le site de «Future of Life Institute», une organisation à but non lucratif étudiant les risques et apports de la technologie.
Ils posent plusieurs questions de fond : Devons-nous laisser les machines inonder nos canaux «de propagande et de mensonges» ? Devrions-nous automatiser tous les emplois ? Comme dans les scénarios de films de science-fiction, ils vont même jusqu’à s’interroger : devons-nous développer des systèmes non humains qui pourraient un jour être plus nombreux, plus intelligents, et nous remplacer ?
En revanche, Bill Gates s’est exprimé contre l’idée d’un moratoire. Dans un entretien à l’agence Reuters, le cofondateur de Microsoft a répondu : «Je ne pense pas que le fait de demander à un groupe particulier de faire une pause résoudra les problèmes». Le milliardaire avait mis en avant quelques jours plus tôt, dans un long post de blog, tous les apports de l’AI. «Le développement de l’IA est aussi fondamental que la création du microprocesseur, de l’ordinateur personnel, de l’internet et du téléphone portable», disait-il. D’autres chercheurs, comme le philosophe Luc Ferry ou le cofondateur de Google Sergey Brin, ont adopté une vision plus optimiste ou plus nuancée, estimant que l’IA pourrait être un outil au service du bien-être et du progrès humain, à condition qu’elle soit utilisée avec prudence et éthique.
LES LEGISLATIONS EN COURS DANS LE MONDE POUR ENCADRER L’IA
Face aux enjeux éthiques et juridiques soulevés par l’IA, comme le respect de la vie privée, la responsabilité en cas d’accident ou encore la lutte contre les discriminations, plusieurs pays et organisations ont élaboré des principes et des normes pour réguler l’usage de l’IA. Par exemple, l’Union européenne a publié en 2019 des lignes directrices pour une IA éthique et digne de confiance, qui reposent sur quatre valeurs fondamentales : le respect de la dignité humaine, l’autonomie, la justice et la démocratie. L’UE prépare également une législation spécifique sur l’IA, qui devait être présentée en 2021.
Récemment, la Chine a annoncé vouloir réguler le secteur de l’intelligence artificielle en pleine expansion, alors que les débats font rage en Occident. Les logiciels chinois reposant sur l’intelligence artificielle seront soumis à une «inspection de sécurité» par Pékin, selon un projet de réglementation dévoilé le 11 avril dernier. «Avant de fournir des services au public utilisant des produits d’intelligence artificielle générative, une inspection de sécurité doit être sollicitée auprès des départements de régulation d’internet», a indiqué l’Administration chinoise du cyberespace.
Le mardi 16 mai 2023, le PDG d’OpenAI, Sam Altman, a comparu devant une sous-commission judiciaire du Sénat américain, aux côtés de Christina Montgomery, responsable de la protection de la vie privée chez IBM, et de Gary Marcus, professeur à l’université de New York. L’audition d’Altman devant le Sénat américain intervenait environ deux semaines après sa participation à un sommet sur l’IA organisé par la Maison Blanche. Devant le Congrès américain, il a déclaré que l’IA est une technologie à la fois utile et dangereuse et qu’elle est susceptible de bouleverser l’économie, les institutions démocratiques et les principales valeurs sociales ; non sans affirmer qu’il était urgent de réglementer la technologie. Il a aussi présenté ses propres propositions sur la manière dont le gouvernement américain pourrait réglementer les entreprises comme la sienne.
UN AVENIR PROMETTEUR EN AFRIQUE
Malgré l’absence de règlementation pour le moment, L’intelligence artificielle (IA) offre des perspectives sans précédent en Afrique, englobant des domaines tels que l’agriculture, la santé, l’éducation et l’économie. Considérée bien plus qu’une simple tendance, l’IA pourrait être une force motrice pour accélérer le développement et l’autonomisation de tout le continent. Cependant, cette évolution n’est pas sans défis et nécessite des investissements continus dans la formation et le développement des compétences en IA. Considérée comme la colonne vertébrale de nombreuses économies africaines, l’agriculture bénéficie déjà des avancées de l’IA. Les agriculteurs peuvent aujourd’hui, utiliser des drones, des capteurs et des algorithmes pour surveiller leurs cultures, prédire les rendements, optimiser l’utilisation des ressources et détecter les maladies des plantes. Ces technologies améliorent l’efficacité de la production agricole, réduisent les pertes et contribuent à la sécurité alimentaire du continent. Il en est de même pour la santé, où l’IA présente des opportunités immenses pour combler les lacunes dans les soins. Grâce à des applications telles que le diagnostic médical assisté par ordinateur, la téléconsultation et l’analyse de grandes quantités de données médicales, les médecins peuvent offrir des soins de qualité, même dans les régions éloignées. L’IA permet également de prédire les épidémies, de surveiller la propagation des maladies infectieuses et d’identifier les schémas de résistance aux médicaments, facilitant ainsi ; une intervention rapide et efficace. L’éducation aussi est un autre secteur où l’IA peut catalyser le changement en Afrique. Les systèmes d’apprentissage en ligne basés sur l’IA peuvent fournir des contenus éducatifs personnalisés adaptés aux besoins spécifiques des étudiants africains. Les Chatbots et les assistants virtuels peuvent apporter un soutien scolaire supplémentaire, répondre aux questions des étudiants et favoriser l’apprentissage continu. L’IA permet de surmonter les obstacles géographiques et socio-économiques, en donnant accès à l’éducation à des millions d’enfants et d’adultes en Afrique.
Dans le domaine de l’économie, l’IA offre des possibilités de croissance et de création d’emplois. Les startups africaines sont de plus en plus nombreuses à développer des solutions basées sur l’IA, qu’il s’agisse de Chatbots pour le service à la clientèle, de plateformes d’e-commerce alimentées par l’IA ou d’outils d’analyse de données pour les entreprises. L’IA peut également stimuler l’innovation dans les secteurs traditionnels, favoriser la productivité et améliorer la compétitivité des entreprises africaines sur le marché mondial.
Afin de réaliser pleinement le potentiel de l’IA en Afrique, il est essentiel de promouvoir la recherche et le développement local. En encourageant l’innovation et la collaboration entre les chercheurs africains, les universités et les industries, l’Afrique peut créer ses propres solutions basées sur l’IA, adaptées aux besoins et aux réalités du continent.
Aujourd’hui, il est crucial de s’assurer que l’IA est utilisée de manière éthique et responsable en Afrique. Des politiques et réglementations appropriées doivent être d’ores et déjà mises en place pour garantir la protection des données, la confidentialité et la sécurité. Il est également nécessaire de promouvoir la transparence et la responsabilité dans les algorithmes d’IA, afin de prévenir les biais et de garantir des décisions justes et équitables.
Alioune BA
Formateur au Cesti & Isac UCAD