ChatGPT a eu plus de temps d’antenne que la célébrité la plus connue au monde. Son arrivée a suscité des questions et des inquiétudes auxquelles certains n’ont pas songé, notamment celle de savoir s’il s’agit d’une menace pour notre esprit critique.
Rédigez cet essai. Complétez cette analyse. Décryptez le sens de cet extrait. Voilà des phrases horripilantes pour ceux qui doivent faire leurs devoirs : de longues dissertations sur des sujets qui n’intéressent pas spécialement les élèves et que beaucoup ne voient pas l’intérêt de rédiger en premier lieu. Ce type de devoir n’est pas conçu pour être terrifiant ; il est conçu pour éveiller l’esprit et la pensée critique ; pour inciter les élèves à se forger leur propre opinion, puis à l’étayer par la recherche et la pensée cognitive. Actuellement, cette possibilité est menacée par des outils tels que ChatGPT.
Pourtant, les outils d’intelligence artificielle (IA) sont là pour durer, et au lieu de les considérer comme une menace, il convient de les percevoir comme un atout, mais un atout destiné à soutenir la croissance cognitive et les fonctions de la mémoire plutôt qu’à les remplacer, explique Anna Collard, SVP Stratégie de contenu et évangéliste chez KnowBe4 AFRICA.
« Des recherches menées par George Millar en 1956 ont révélé qu’une personne lambda peut seulement conserver environ sept éléments dans sa mémoire de travail », explique-t-elle. « La loi de Miller de sept plus ou moins deux signifie que la limite des capacités de traitement d’un être humain se situe entre neuf et cinq éléments. Aujourd’hui, ce nombre est passé à quatre . Cette recherche, ainsi que d’autres articles et analyses universitaires , mettent en évidence une diminution de la mémoire due à une dépendance excessive à l’égard de la technologie, également appelée l’effet Google », explique Mme Collard.
Il s’agit là d’une préoccupation de plus en plus vive au cours de l’année écoulée, les éducateurs et les chercheurs s’interrogeant sur l’impact de la technologie, et maintenant de l’IA, sur le comportement cognitif et la rétention de la mémoire. Cependant, ceci est également contrebalancé par une recherche soulignant que les êtres humains ont en réalité externalisé leur mémoire dans divers matériels et solutions depuis des siècles. Le papier, le parchemin, le papyrus et le bois en sont de parfaits exemples. La technologie moderne n’est pas différente. Elle peut constituer un outil permettant de renforcer la mémoire et de faciliter considérablement la gestion d’une vie inondée d’informations, de bruits et d’encombrements numériques.
« Les recherches vont dans les deux sens, suggérant que la technologie est à la fois un facilitateur et un inhibiteur de la mémoire humaine », explique Mme Collard. « Ceci démontre que l’impact ne réside pas dans l’utilisation de l’outil, mais dans la manière de l’utiliser voire, dans le cas de ChatGPT, dans son utilisation abusive. Ce dernier peut être un outil extrêmement utile aidant les étudiants dans leurs recherches et leurs études, mais si ce dernier devient la seule source d’information et effectue tous les travaux d’écriture à leur place, c’est à ce moment-là que les problèmes commencent ».
De nos jours, il est plus important de se souvenir de la source d’un fait que de se souvenir du fait lui-même. Ceci se traduit directement par le plus grand défi que pose ChatGPT : ses sources sont vagues et souvent obsolètes, ce qui signifie qu’il est rarement aussi précis qu’il devrait l’être.
« ChatGPT utilise l’apprentissage automatique pour déduire des informations, entraînant ainsi des inexactitudes », explique Mme Collard. « Si vous demandez à ChatGPT ce qui se produit si vous cassez un miroir, il vous répondra : « Vous aurez sept ans de malchance ». Il ne s’agit pas d’un fait, mais d’une superstition. Si les utilisateurs ne vérifient pas constamment l’exactitude factuelle de ChatGPT, ils courent le risque de partager des fake news, des informations inexactes voire des théories du complot ».
Le test de référence TruthfulQA a révélé que la plupart des modèles génératifs sont véridiques seulement 25 % du temps, selon le rapport 2022 de l’université de Stanford sur l’indice d’intelligence artificielle. Cela signifie qu’une dépendance excessive à l’égard d’une technologie telle que ChatGPT rendra tout simplement le travail de l’étudiant dépourvu de sens. Toutefois, cela ne les empêchera pas de se tourner vers la technologie lorsqu’ils sont fatigués, débordés ou paresseux, ce qui signifie que la meilleure approche consiste à l’adopter.
« Il ne faut pas l’interdire, mais indiquer aux élèves la manière de l’utiliser dans le cadre de lignes directrices et de politiques pratiques leur permettant de renforcer leur compréhension de l’IA et de ce type d’outil », conclut Mme Collard. « Cela renforcera leur propre esprit critique en leur demandant de s’interroger sur les sources, le contenu, la véracité et l’exactitude des contenus proposés par la plateforme, et transformera la menace en opportunité ».