L’extase de contempler le beau n’appartient pas seulement aux riches. Le pauvre aussi a le droit de jouir de la beauté de la nature. En fait tout être humain normalement constitué ne peut être indifférent à la beauté que la nature peut lui offrir.
La verdure bien aménagée et l’exubérance des couleurs des feuilles et des fleurs vivifient notre cadre de vie, embaument l’air que nous respirons, ralentissent notre vilaine tendance à marcher trop vite en ville et même nous obligent, de temps en temps, à nous arrêter contempler une fleur solitaire, un arbre insolite, un oiseau multicolore perché sur une branche discrète.
Un petit bois qui se découvre au coin d’une rue nous impose presque à venir nous asseoir sur le banc malicieusement posé à l’ombre au milieu des arbres qui le surplombent.
La ville verte offre à chaque coin de rue le plaisir d’une rencontre végétale inédite, de humer une senteur exquise singulière, d’entendre un son naturel unique, de sentir douillettement dans ses oreilles le doux chant des oiseaux sur fond d’une symphonie inégalable des insectes.
La ville verte ne coûte pourtant pas plus chère que nos alignements de murs sans âmes qui enserrent des rues étroites dans lesquelles les fumées et les gaz des voitures stagnent et corrodent nos poumons.
Nos villes n’ont pas d’âmes. La course infernale au béton se poursuit. La chasse aux terrains inoccupés s’intensifie. Les petites poches de terrain dans les quartiers disparaissent. Même les terrains réservés au sport, aux infrastructures sociales ou religieuses, les aires de jeux des enfants, rien n’est épargné. Tout est récupéré. Et très rapidement des immeubles s’y élèvent.
La végétation disparaît de nos villes chassée par l’appétit foncière dévastatrice des nouveaux nantis. N’eut été l’opiniâtreté des vendeurs de plantes nous aurions perdu l’habitude de voir dans nos rue des fleurs. Même le peu de squares qui restent nous ne sommes plus capables de les entretenir et de les protéger.
La ville verte est un défi pour notre survie face au changement climatique. La ville verte nous réconcilie avec la nature. La ville verte est aussi une ville d’eau. Dans combien d’endroits au Sénégal trouve-t-on encore un jet d’eau?
Nous avons vraiment régresser !
Plus de bassin d’eau, plus de jets d’eau, de moins en moins même d’endroit où observer directement la mer que la nature nous a donnée si généreusement.
La ville verte est aussi cette ville où fontaines, bassins aquatiques, jets d’eau se conjuguent harmonieusement à la verdure dans une symphonie de couleurs et de sons paradisiaques.
La ville verte n’est pas une affaire de pays riches ou de pays en développement, elle est seulement le reflet de l’exigence d’esthétique de la population et de la volonté des décideurs d’offrir une image attrayante et saine de la ville dont ils ont la charge.
Aimer le beau, vouloir vivre dans le beau est juste une affaire de femmes et d’hommes qui mettent en avant une exigence esthétique forte à la place du gain à tout prix.
Nos villes ont besoins de respirer, de se rafraîchir, de verdir. Nos villages aussi doivent verdir.
Nettoyons les tas d’immondices qui accueillent les visiteurs à l’entrée des villes et les raccompagnent à leur sortie et plantons des arbres, mettons des fleurs partout.
Poussons nos maires et nos gouvernants à relever la tête, à avoir honte de la laideur de nos villes et de nos villages, à voir l’horripilante saleté dans laquelle nous vivons.
Tout être humain mérite de vivre dans un endroit propre, enveloppé de verdure, entouré de myriades de fleurs multicolores, parsemé de bassins aquatiques et de jets d’eau. Nous, Sénégalais, nous le méritons !
En attendant d’aller rejoindre l’au-delà, nous avons le droit de bâtir notre paradis sur terre, notre nouvel Éden.
Oui, c’est possible ! Nous allons le réaliser !
Dakar, mardi 25 avril 2023
Prof Mary Teuw Niane