mercredi, décembre 25, 2024

[GRAND REPORTAGE] La gestion des déchets électroniques au Sénégal : enquête sur les enjeux et défis

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L’essor de la technologie a changé notre façon de vivre, de travailler et de communiquer. Grâce à l’abondance de l’électricité et à l’avènement des outils informatiques, nous avons connu une croissance exponentielle de l’utilisation d’équipements électriques et électroniques. Les pays industrialisés sont à l’avant-garde de cette révolution technologique, produisant et consommant des équipements en masse dans les ménages et les bureaux.

Mais alors que les pays développés se tournent vers les dernières technologies, les pays en voie de développement sont souvent contraints d’utiliser des équipements de seconde main tels que des ordinateurs, des téléphones portables et des appareils électroménagers. Ces pays deviennent ainsi les principales destinations pour les déchets électroniques, tels que les ordinateurs obsolètes, les télévisions usées et les réfrigérateurs défectueux.

Malheureusement, la gestion de ces déchets électroniques pose un grave problème environnemental, avec des conséquences désastreuses pour les populations locales. Cependant, avec une sensibilisation accrue et une meilleure gestion des déchets, nous pouvons prendre des mesures pour minimiser notre impact sur l’environnement et protéger la santé et le bien-être des personnes dans les pays en voie de développement.

Les déchets électriques et électroniques au Sénégal

La technologie a indéniablement amélioré notre vie quotidienne, mais cela a aussi conduit à une surconsommation d’équipements électroniques et électriques, qui finissent souvent dans des décharges dangereuses. Une étude menée au Sénégal révèle que les importateurs et distributeurs sont les principaux producteurs de ces déchets, alimentant différents acteurs du marché. Ce qui est alarmant, c’est que ces déchets ne sont pas seulement dangereux pour les personnes qui les manipulent, mais ils ont également un impact sur notre environnement.


Le chercheur Mor Modji souligne les risques pour la santé des populations vivant près de ces décharges et des sites de recyclage. Par exemple, dans la région de Dakar, où une grande zone maraîchère se trouve à proximité directe de la décharge de Mbeubeuss, il y a un risque de contamination par la chaîne alimentaire pour une population beaucoup plus importante. Et il y a aussi les travailleurs qui sont exposés aux métaux et aux poussières contaminées lors du démantèlement de ces équipements.
Il est donc important que nous prenions des mesures pour minimiser notre impact sur l’environnement et protéger la santé et le bien-être des populations locales. Cela pourrait impliquer des actions telles que la mise en place d’un meilleur système de gestion des déchets électroniques, la sensibilisation des populations à l’importance du recyclage, et la mise en place de normes de sécurité pour les travailleurs impliqués dans ces activités. En travaillant ensemble, nous pouvons prendre des mesures pour minimiser les risques et protéger notre environnement pour les générations à venir.

Les équipements électriques et électroniques?

D’après une directive UE du parlement européen (2012), les « équipements électriques et électroniques» ou «EEE» sont constitués par :

  • les équipements fonctionnant grâce à des courants électriques ou à des champs électromagnétiques et les équipements de production, de transfert et de mesure de ces courants et champs, conçus pour être utilisés à une tension ne dépassant pas 1 000 volts en courant alternatif et 1 500 volts en courant continu;
  • les «gros outils industriels fixes»: un ensemble de grande ampleur de machines, d’équipements et/ou de composants, qui fonctionnent ensemble pour une application spécifique, installés de façon permanente et démontés par des professionnels dans un lieu donné, et utilisés et entretenus par des professionnels dans un centre de fabrication industrielle ou un établissement de recherche et développement;
  • les «grosses installations fixes»: une combinaison de grande ampleur de plusieurs types d’appareilsles «engins mobiles non routiers»: engins disposant d’un bloc d’alimentation embarqué, dont le fonctionnement nécessite soit la mobilité, soit un déplacement continu ou semicontinu entre une succession d’emplacements de travail fixes pendant le travail;

Mor Mbodji, dans sa thèse (2021), nous rappelle une explication de ce qui est considéré comme déchets électroniques selon différents chercheurs.

Dès lors, nous pouvons retenir qu’ils « comprennent essentiellement des éléments tels que les ordinateurs, les téléviseurs, téléphones portables, imprimantes, lampes fluorescentes, outils électriques, jouets, ainsi que des petits et gros appareils électro-ménagers : fers à repasser, réfrigérateurs etc… (Herat and Periathamby, 2012). Ils sont, en effet, classés en différentes catégories, par leurs dimensions et leurs poids. Ils sont répartis, selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), en six catégories : Les équipements d’échange thermique, les écrans moniteurs, les lampes, les gros équipements, les petits équipements et les petits équipements informatiques et de télécommunication (Baldé et al., 2017). »
Dans l’union européenne, les DEEE sont classés en une dizaine de catégories avec une particularité sur les « appareils ménagers qui représentent 42 % du poids total de DEEE tandis que les équipements informatiques ne représentent que 34 %. »

Au Sénégal, nous avons le secteur informel où nous avons des récupérateurs qui collectent et commercialisent ces équipements. Ils travaillent avec des recycleurs qui procèdent au démantèlement et à l’assemblage de composants divers pour remettre dans le circuit un équipement ou des matériaux recyclés au profit des ménages (D. DIENG et al., 2017).
Ces différents acteurs, composés de ceux du secteur informel et des ménages, ignorent les dangers et les conséquences sanitaires dans la manipulation de ces équipements.
En effet, « plus de la moitié des ménages (59,4%) n’a pas de connaissances sur les conséquences négatives des DEEE sur la santé et l’environnement. A Dakar, 62,9% des ménages enquêtés ignorent les effets négatifs de ces déchets. Les récupérateurs qui ne font que transférer les DEEE d’un acteur à un autre n’ont pas de connaissance sur les dangers des composants toxiques des DEEE. »

SENUM SA, une division de la gestion des DEEE du Sénégal

Au Sénégal, les déchets électroniques sont jetés dans les poubelles ou les décharges sauvages d’ordures ménagères (16%), incinérés (1%), livrés aux recycleurs (30%), ou stockés dans les magasins (53%) en attendant de trouver une solution, selon une étude menée par D. DIENG et al. en 2017.


Bien que beaucoup de personnes pensent que les DEEE ne contiennent pas de dangers, Abou Soumaré, superviseur à la division de la gestion des déchets électriques et électroniques à SENUM, affirme qu’ils ont un impact sur l’environnement et la santé humaine. Il est donc important de les remettre à un centre de traitement ou de recyclage pour qu’ils soient gérés selon les normes. « Des déchets électriques et électroniques non traités restent potentiellement dangereux pour notre environnement et ceux qui les côtoient », souligne M. Soumaré, qui encourage les structures publiques et privées à se rapprocher de SENUM pour la gestion de leurs déchets électroniques.

Les DEEE sont traités selon une charte de confiance numérique qui a été mise en place pour garantir la confidentialité et la destruction des données contenues dans les équipements informatiques confiés au centre. En effet, chaque équipement est traçable et toutes les données sont détruites de manière sécurisée.

Selon Cheikhou Gassama, chef de la Division Gestion des DEEE, trois méthodes sont utilisées pour détruire les données dans les équipements collectés, garantissant ainsi que toutes les données sont effacées avant le recyclage de l’équipement. SENUM délivre des attestations de recyclage et des e-certificats pour confirmer que les données contenues dans les disques durs sont complètement détruites.

Recycler  les déchets électroniques pour moins exploiter la terre

Dans un article, la BBC révèle qu’il est urgent d’accélérer le recyclage des déchets électroniques, car l’extraction de métaux précieux pour la fabrication de nouveaux gadgets n’est pas durable, selon des scientifiques de la Royal Society of Chemistry (RSC). Selon leur étude, la montagne d’appareils électroniques mis au rebut dans le monde pèserait 57 millions de tonnes pour la seule année 2021.

La RSC estime qu’il faut désormais déployer un effort mondial pour exploiter ces déchets, plutôt que d’exploiter la Terre. Les conflits mondiaux constituent également une menace pour les chaînes d’approvisionnement en métaux précieux.
Le président de la Royal Society of Chemistry, le professeur Tom Welton, a déclaré que nos habitudes de consommation de technologies ne sont pas du tout durables et risquent d’épuiser les éléments bruts dont nous avons besoin. « Nous avons besoin que les gouvernements réorganisent les infrastructures de recyclage et que les entreprises technologiques investissent dans une fabrication plus durable », a-t-il ajouté. Moins de 20 % des déchets électroniques générés sont collectés et recyclés. En outre, la quantité de déchets électroniques générés augmente d’environ deux millions de tonnes chaque année.