Monsieur le Président, vous avez beaucoup fait pour l’école sénégalaise, et on était en droit de penser que la paix sociale y serait le premier intrant. Mais voici que la grève légitime des professeurs contractuels de philosophie (PC) vient nous rappeler que, quelle que soit la volonté et la vision d’un homme d’Etat, quelques maillons de la chaine font souvent gripper la machine. Monsieur le Président, ces professeurs ont pour la plupart une formation connexe à la philosophie ; et puisque le système avait besoin de mains, on a légitimement pensé qu’une formation par sessions suffirait largement pour les armer (pédagogiquement parlant) davantage et leur permettre de faire carrière dans l’enseignement de cette discipline un peu particulière.
Cette formation qui a démarré en 2017 à la FASTEF est toujours en cours. Ils devaient terminer cette année avec l’obtention du CAES, mais à cause du non-paiement de leurs formateurs ils tardent toujours à s’inscrire. L’Etat doit aux formateurs 11millions de reliquat et 35 millions pour le reste de la formation spéciale. A cause de louvoiements ou plus exactement de la mauvaise volonté des autorités compétentes, les formateurs ont souverainement décidé de boycotter ladite formation tant qu’ils ne rentreront pas dans leurs fonds. Les professeurs contractuels qui sont déjà dans les classes et qui rendent un service incommensurable à l’enseignement de la philosophie, sont aujourd’hui sacrifiés sur l’autel de l’indifférence généralisée.
Ces enseignants très motivés et dévoués à l’enseignement de la philosophie ont besoin de cette formation pour davantage de capacitations et pour leur carrière : c’est indispensable, Monsieur le Président. Cette situation est totalement injuste, et pour ces collègues et pour les formateurs. Ils ont choisi l’enseignement de la philosophie, ils sont déjà dans les classes où ils apprennent aux côtés de leurs collègues ; et ils ont le courage de faire la formation en même temps. Quel esprit de sacrifice ! Et voilà que toute la société sénégalaise semble oublier leur sort : ils sont des laissées-pour-compte, et c’est proprement inacceptable.
Monsieur le Président, faites quelque chose pour que cette situation ne dégénère pas, car les élèves n’auront pas la patience des adultes. Or le Sénégal n’a pas besoin de soubresauts, surtout dans le domaine de l’enseignement après les efforts historiques que vous avez consentis. Notre pays a besoin de concorde et ça commence à l’école : ces milliers d’élèves qui n’ont pas vu leur prof de philosophie depuis trois semaines sont frustrés, et personne ne peut prédire ce qu’ils sont capables de déclencher.
De toute façon, Monsieur le Président, cette injustice est également faite à l’école sénégalaise : nous avons besoin de ces compatriotes, nous avons fait appel à leur savoir-faire, ils cultivent leur part du jardin commun qu’est l’école sénégalaise.
De grâce, Monsieur le Président sauvez l’école, prenez en charge cette question qui relève de l’anormalité.
Ces collègues ont rencontré les syndicats qui, à leur tour ont rencontré le ministre de l’éducation nationale, lequel avait promis que tout serait réglé, mais rien n’a été fait jusqu’ici. C’est triste de le dire, Monsieur le Président, mais tout porte à croire que le ministère fait dans le dilatoire.
Voilà donc, Monsieur le Président la raison pour laquelle les PC de philosophie sont en grève depuis bientôt un mois. Inutile de vous dire, Monsieur le Président, que cette grève impacte gravement sur le système, car certains élèves ne peuvent toujours pas disposer de leur bulletin du fait que les PC de philosophie ont boycotté les compositions et décidé la rétention des notes en plus des journées sans cours. Pourtant, avant d’aller en grève ils ont rencontré les autorités académiques (censeurs et proviseurs) et les IA qui les ont tous rassurés de rendre compte à qui de droit. Mais c’est toujours le statut quo.
Croyez-moi, Monsieur le Président, ces collègues sont fatigués et démoralisés car il y en a qui ont fait presque 20 ans dans le système sans aucune formation ni perspective de carrière ! Est-ce vraiment un système sérieux ? Des pères de famille sont toujours dans l’attente d’une amélioration de leur statut et de leurs revenus, mais le système les utilise comme travailleurs à la tâche ! Le pire, Monsieur le Président, c’est que ces candidats à la certification risquent d’être forclos, ce qui les transformerait en bêtes de somme pour le système. Certains collègues parmi eux risquent d’aller à la retraite sans formation, c’est tellement injuste !
Monsieur le Président, faites quelque chose, ce sont des sénégalais, des enseignants, ils sont droit à plus de dignité et d’épanouissement : ils ne doivent pas être exploités de façon si inhumaine par le système éducatif. Monsieur le président, s’il est vrai comme dit Victor Hugo, que « les maîtres d’école sont des jardiniers en intelligences humaines », les professeurs sont des récolteurs d’intelligences, ils méritent par conséquent tous les honneurs. Aidez nos collègues à aider l’école sénégalaise et à aider votre volonté d’en faire la locomotive du développement de notre pays.
Alassane K. KITANE