La surabondance de l’information dans les reseaux sociaux crée une sorte d’obésité intellectuelle qui fait qu’on n’a même plus le temps de digérer. Tout ce qui est rare a de la valeur, mais tout ce qui est surabondant perd une partie de sa valeur : tel est le « parler » dans le monde des réseaux sociaux.
Quand on est noyé dans un torrent d’informations, on passe très souvent à côté de l’essentiel, car la fonction de l’œil est certes de voir, mais il préfère davantage contenter le cerveau que de l’inciter au recueillement. Le clinquant investit tous les forums de sorte qu’on ne peut plus faire le discernement entre le divertissement et le sérieux ; entre la personne et le personnage ; entre le possible et le réel.
Dans les réseaux sociaux, le sensationnel est donc roi du : c’est pourquoi la flatterie y est d’une prépondérance ahurissante. Si chacun pouvait voir le traitement que chacun réserve à la production et aux « posts » de chacun sur Facebook, il y aurait certainement moins de production. Mais celui qui a inventé « j’aime » et « j’adore » a créé une véritable société virtuelle. Dans la société réelle, nous ignorons ce que les autres pensent de nous, et c’est bien qu’il en soit ainsi. Les images truquées du net ont un pendant dans le domaine des idées : la fréquentation assidue des réseaux sociaux finit par amputer à l’individu une partie de sa personnalité, de sa façon personnelle de voir le monde, d’aimer, de haïr et d’être.
Duplicité, artifice, mensonge, etc. sans ces vices nous ne pourrions vivre ensemble. Dans l’univers des réseaux sociaux, la meilleure façon de ne pas perdre du temps devant la production d’un « ami » encombrant et peu méditatif, c’est de porter les mentions « j’aime » ou « j’adore ». La tartufferie n’a donc jamais été aussi épanouie que dans le monde du virtuel : on aime ou adore ce que l’on déteste ; on s’intéresse à ce qui nous l’indifférent.
Les postures les plus incohérentes sont adoptées dans le débats et il arrive très souvent pour les surfeurs prolixes de tomber sur leurs propres idées « signées » d’un autre. Le monologue est dès lors endémique parce que la censure et les droits d’auteurs sont presque inconnus dans cet espace. Le caractère public des réseaux sociaux n’est pas forcément propice à un véritable dialogue, car au lieu d’échanger des raisons, des pensées et des discours, on échange plutôt des habitudes, des images, des réflexes.
Ainsi donc l’homme des réseaux sociaux est paradoxalement un être solitaire par excès de sociabilité ; il monologue dans l’illusion d’un dialogue sans interlocuteur véritable. Le plaisir de voir ses publications être « likées » lui cache le vide réel qui l’entoure : enfin de compte il risque d’être le seul lecteur réel de ses propres publications.
Pape Sadio Thiam